ZEN ZEN 18 octobre 2008 08:24

Nous vivons aussi une grande faillite de la pensée économique , écrasée par les dogmes de l’école de Chicago , fustigée aujourd’hui même par certains néolibéraux (ah ! les conversions de dernière heurs !)

Je me permets de reproduire à ce sujet une excellent analyse de Ludovic Laman , hier dans Mediapart. Merci à lui .Les surtitrages sont de moi.
L’article étant assez long, je le reproduis en deux fois :

"Crise : la grande faillite des économistes | Mediapart

Nous sommes en janvier 2007. Non sans mal, l’anthropologue Paul Jorion vient de trouver un éditeur pour publier un essai intitulé Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte, 2007). Sa thèse est explosive, presque trop énorme pour être prise au sérieux : le capitalisme financier aux Etats-Unis est sur le point d’imploser, victime de ses pratiques spéculatives. Mais cette crise, prévient-il, n’éclatera pas en Bourse. Elle surgira depuis le cœur des marchés immobiliers. A l’appui, une description pointilleuse de ce que Jorion nomme alors le « secteur sous-prime du prêt hypothécaire », le fameux « subprime » qui fera la Une des journaux quelques mois plus tard (on peut télécharger l’intégralité du chapitre consacré à l’immobilier ici).En somme, l’un des seuls livres, en langue française, à avoir anticipé la crise des crédits immobiliers aux Etats-Unis a été rédigé par un... non-économiste. Au moment de sa publication, l’ouvrage fera l’objet, au mieux, d’une indifférence polie de la part des confrères économistes. « J’ai bâti une théorie économique qui a été jugée irrecevable, jusqu’à ce que la crise vienne la confirmer », résume Paul Jorion à Mediapart, en attendant la sortie, début novembre, de son prochain livre, La Crise (Fayard).

Depuis les remous de l’été 2007, quid des économistes ? Les plus médiatiques n’ont cessé de défiler, à tour de rôle, dans les colonnes des journaux, pour dire que non, vraiment, il ne fallait pas s’inquiéter, et que, oui, c’était certain, le plus dur était passé. Dans un entretien aux Echos du 13 août 2007, Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, chiffrait à 26 milliards de dollars les risques de pertes liées au « subprime » pour les banques américaines, avant de conclure : « Ce n’est pas avec un montant pareil qu’on détruit la finance internationale. » Le FMI a chiffré en mars 2008 le coût provisoire de la crise à 1.000 milliards de dollars.Frédérik Ducrozet, directeur des études économiques du Crédit agricole, estimait quant à lui, le 13 mai 2008, toujours aux Echos, que « l’idée selon laquelle le pire de la crise financière serait passé semble faire son chemin ». Dans une tribune publiée le 7 octobre 2008 par le Wall Street Journal, le prix Nobel américain Gary Becker y allait de son mea culpa : « J’admets avoir fortement sous-estimé l’ampleur de la crise. »

« Il aurait fallu avoir plusieurs cerveaux »

Pourquoi la plupart des économistes n’ont-ils rien vu venir ? Pourquoi certains se sont même complètement fourvoyés ? Et pourquoi « les jeunes stars de la macroéconomie n’ont rien à dire sur la crise », pour reprendre l’accablant constat de Thomas Philippon, économiste enseignant à l’université de New York ?Parce que l’école de pensée dominante est incapable de théoriser les « crises endogènes », répond sans hésiter Michel Aglietta, économiste au Cepii. « Pour ces économistes libéraux, qui s’appuient sur l’hypothèse des marchés efficients*, toute crise vient forcément de l’extérieur, et elle est donc par nature imprévisible ! » explique Aglietta.Lui défend une autre approche, plus minoritaire, dite de l’instabilité financière, formulée par l’Américain Hyman Minsky. ..De son côté, Thomas Philippon, auteur du Capitalisme d’héritiers (Ed. du Seuil, 2007), pointe du doigt la « trop forte segmentation de la recherche académique ». Faute d’« économistes généralistes », personne, ou presque, n’a pu observer la propagation de la crise, surgie d’un coin obscur du droit immobilier américain (le contrat subprime) pour se propager à l’économie réelle, passant par les dernières innovations de la finance (les mécanismes de « titrisation » et de crédit dérivés). « Il aurait fallu plusieurs cerveaux dans la même tête pour voir venir les choses », résume Philippon.Gilles Raveaud, professeur d’économie à l’Institut d’études européennes de l’université Paris-8, reprend l’argument, pour le pousser un peu plus loin : « Depuis des années, on a assisté à un morcellement du savoir économique terrifiant, avec l’apparition de spécialistes très pointus, ici sur le travail, là sur le commerce international... On se retrouve à l’université avec des thésards très calés sur leur sujet, mais dénués de toute culture générale en économie ! » Et Raveaud, qui connaît bien la recherche américaine pour avoir enseigné deux ans à Harvard, de s’inquiéter de ces manquements : « Un économiste peut traiter du chômage, sans rien connaître aux marchés boursiers ou aux banques... C’est conforme à la théorie de l’équilibre général, selon laquelle on peut analyser le fonctionnement d’un seul marché pris séparément, celui du travail par exemple, puisqu’on suppose que les autres sont naturellement à l’équilibre. Mais cela ne tient pas ! »


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