Asp Explorer Asp Explorer 19 octobre 2008 14:07

La crise ? Moi je dis, quelle crise ? De quoi parlons-nous ? En quoi la situation économique actuelle est-elle révélatrice de quoi que ce soit ? En quoi est-ce nouveau ? En quoi est-ce grave ?

Le fonctionnement du capitalisme produit de l’argent. Toujours plus d’argent. Tellement d’argent que la masse de monnaie en circulation dépasse de quelques ordres de grandeur la quantité de richesses matérielles existant à travers le monde. Comme en toute bonne logique, ça ne peut continuer indéfiniment, au bout d’un certain temps, le système s’effondre, ça s’appelle un krach, c’est ce que nous vivons aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une situation anormale, mais d’un phénomène économique connu et largement étudié depuis des siècles, qui fait partie de la vie d’une société capitaliste. Ça se passe à chaque fois de la même façon, pour les mêmes raisons, et ça a toujours les mêmes conséquences. Cela permet en particulier de redistribuer les richesses. Cela donne aussi matière à pérorer pour à tout un tas de gens dont le lyrisme est inversement proportionnel à la compétence financière.

Qui sont ces gens qui hurlent à la mort dès que la bourse perd 10% ? Qui sont ces prophètes de mauvais augure, qui annoncent la fin de notre civilisation et l’avènement d’un âge nouveau, aussi nébuleux dans leur esprit que peut l’être la réalité d’un monde économique dont ils ne connaissent que leurs préjugés et ce qu’en dit Jean-Pierre Pernault ? Pour l’essentiel, et c’est étonnant de le souligner mais pourtant vrai, pour l’essentiel donc, ce sont précisément ceux qui auraient le plus à y perdre si le capitalisme s’écroulait vraiment. C’est toute une caste petit-bourgeoise bien pensante, toute une caste de lettrés plus ou moins oisifs, qui n’a jamais rien fait de productif de ses dix doigts, qui n’a jamais pris le moindre risque avec son argent, qui n’a jamais rien entrepris, rien dépensé, rien gagné ni rien perdu, et qui en définitive, n’a jamais réellement vécu.

Or, voici que notre pérorateur à bonne conscience n’en est pas moins pourvu d’un vilain défaut : il est jaloux. Et pendant 95% du temps, tout ce qu’il voit de la bourse, c’ets que son voisin boursicoteur s’est payé une BMW avec ses plus-values, alors que lui roule en punto diesel, et qu’il a encore dix ans de crédit à tirer avant d’avoir payé son pavillon Catherine Mamet. Alors évidemment, pendant les 5% du temps où on est en période de krach, il jubile, notre médiocre, il admoneste son voisin pour son inconséquence et son immoralité. Certes, la villa do-mi-si-la-do-ré perd aussitôt la moitié de sa valeur sur le marché, mais pour se consoler, monsieur Jvouslavaisbiendit a découvert les forums internet, où il se répand en diatribes enflammées autant que dénuées de toute vraisemblance sur un sujet où son expertise est équivalente à celle de Thierry Rolland en art contemporain.

Les conséquences historiques de ce krach seront les suivantes : d’ici deux ans, tout sera rentré dans l’ordre, le CAC sera remonté au-dessus des 5000 points et tout le monde aura oublié ce "krach du siècle". Les conséquences à plus petite échelle seront les suivantes : monsieur Médiocre sera toujours dans son pavillon adoré, avec sa balancelle, ses nains et son puits en pneus, et il aura encore quinze ans de crédit sur le dos (il aura renégocié son emprunt parce qu’il ne pouvait plus payer son taux variable). Et son voisin boursicoteur aura vendu sa BMW pour acheter une porsche.

Maintenant, si le capitalisme s’effondre - situation que donc je considère comme totalement absurde - que vont devenir nos deux protagonistes ? Eh bien, comme plus personne n’aura d’argent, le pavillon du Vengeur Masqué ne vaudra plus rien, et pourtant il sera obligé de le vendre, parce qu’il est en grande banlieue, et qu’il n’a plus les moyens d’entretenir une voiture, ce qui est d’ailleurs interdit depuis l’arrivée au pouvoir du Parti National-Ecologiste pour une Nouvelle Société dans la Joie. Et le voisin boursicoteur, il est probable qu’il aura retiré ce qu’il lui reste d’argent de la bourse, et qu’il sera parti se la couler douce dans un pays encore libre.


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