Naja Naja 9 mai 2009 15:14

@ L’auteur,

Merci pour cet article. Pour avoir participé à plusieurs débats sur le sujet, je salue votre présentation des argumentaires des uns et des autres.

Côté « contre l’abolition de la prescription », vous avez-oublié, me semble-t-il, un point :

En France, un principe veut que seuls les crimes contre l’humanité (tels que définis par le code pénal français) soient imprescriptibles. Certains voient donc dans la demande d’imprescribilité d’autres crimes une minimisation de l’extrême gravité des crimes contre l’humanité définis dans le code pénal. Définition que je reprends ici :

" La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité."

Deux réponses possibles à cette objection :

1. La limitation de l’imprescribilité aux crimes contre l’humanité n’a rien d’universel. Le législateur peut fort bien déroger à ce principe pour rendre imprescriptibles d’autres crimes sans pour autant les déclarer crimes contre l’humanité.

2. Les crimes sexuels commis contre les enfants sont des crimes contre l’humanité.
Leur existence porte atteinte à l’Humanité telle que nous la définissons.
D’après les études de prévalence de victimes dans la population, c’est entre 10 et 20% des enfants qui seraient concernés, on peut donc effectivement parler de crimes de masse.
Reste alors la dimension l’élément constitutif « organisé en l’exécution d’un plan concerté ».
S’il n’existe pas de plan concerté, au sens du nazisme, pour les crimes sexuels commis sur les enfants, on ne peut pas non plus se placer à un plan individuel. Car que dire alors des réseaux pédophiles, des organisation de viols collectifs lors de « réunions », des rites sataniques, des sites pédopornographiques, du tourisme sexuel et de son industrie ?
Et dans tous les cas, que dire de l’aveuglement de notre société et de son indulgence coupable ? Pendant que certains parlent d’hystérie collective, la justice classe sans suite des plaintes où l’accusé interrogé a reconnu les faits, arguant que la victime n’a pas signifié assez clairement son absence de consentement (témoignage lu hier, la victime avait 11 ans, le classement sans suite date de cette semaine) ; elle confie des enfants qui ont subi des abus avérés (par examen médical) à leur père suspecté de viols sur leur personne ; elle se garde d’enquêter sur des affaires sordides alors que les éléments de preuves sont à sa disposition (voir http://www.amazon.fr/Livre-honte-r%C3%A9seaux-p%C3%A9dophiles/dp/2862749168).
Clairement, il est plus confortable de rester aveugle à ce déni, en se concentrant uniquement sur les risques d’une hystérie collective et les dérives associées à des réactions passionnelles.

Pour ma part, si je partage la position 2 pour ce qui est de la notion de crimes contre l’humanité, je soutiens la demande d’abolition de la prescription en m’en tenant à la position 1.

Par ailleurs, je tiens à apporter un complément en réponse à un argument classique en faveur du maintien de la prescription, que vous avez judicieusement rapporté :

" La relaxation pourrait selon les détracteurs de cette proposition détruire les victimes plus que ne les reconstruire, car pour une victime une relaxe signifirait que la société ne reconnait pas ce crime. "

Le classement sans suite, le non lieu, la relaxe ou l’acquittement sont fréquents dans l’état actuel des choses, c’est à dire pour des plaintes déposées dans le délai imparti de prescription. On peut s’interroger sur leur proportion, c’est un autre débat. Mais si l’argument mentionné plus haut était valable, il devrait impliquer d’empêcher toute victime de porter plainte tout court... pour la protéger bien sûr  ! Où l’on voit qu’il n’est question que de bonne conscience...
Il revient à mépriser ces personnes en estimant qu’à 40 ans, elles seraient incapables de prendre en compte l’éventualité de ne pas voir leur procédure aboutir.


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