ALEXANDER 15 août 2009 22:48

Finalement, quelques corrections mineures et en toute simplicité s’imposaient ici.

J’ai oublié de dire ce qui m’avait le plus plu ici. Outre l’occultation du processus resté mystérieux du déclin de l’Islam médiéval, c’est surtout la reprise pure et simple par l’auteur des clichés les plus éculés sur le Moyen Age qui me fait revenir.

Les Occidentaux ont redécouvert l’essentiel des philosophes grecs à partir de la fin du 11ème siècle, les contacts se faisant par des équipes internationales de traducteurs qui pouvaient traduire de l’arabe. Il y avait une grosse activité à Tolède, reconquise en1085, mais les apports passant par l’Italie du Sud (la cour normande de Sicile, la Faculté de Salerne) furent également considérables, dynamisant le paysage intellectuel de l’Occident (école de Chartres), même si un essor antérieur était déjà perceptible (Saint Anselme, Roscelin).

L’auteur aurait facilement pu trouver des informations sur l’impact de ces traductions sur la théologie occidentale, qui se trouvait à présent munie de l’appareil conceptuel de la logique aristotélicienne, sans compter des oeuvres de Platon, ce qui allait se révéler indispensable dans les grandes constructions théologiques de Saint Thomas ou de son maître Albert le Grand, pour ne citer qu’eux (on pourrait parler aussi des averroïstes et du groupe autour du mystérieux Siger de Brabant, qui apparait dans « La Divine Comédie », mais n’en demandons pas trop).

Le poncif de la Renaissance est un autre morceau de bravoure du texte. L’essor des sciences en Occident part lentement à partir de la fin du 13 ème siècle, époque où sont réalisées des premières techniques mondiales comme les horloges mécaniques ou les cathédrales gothiques (les premiers ouvrages de grande hauteur qui ne sont pas composés d’une masse de rochers assemblés et abandonnet le principe des murs porteurs). Roger Bacon en optique ou Fibonacci avec sa suite mathématique élaborent les premiers apports originaux de l’Occident en sciences. Soyons charitables en nous contentant d’évoquer les recherches en astronomie d’Albert de Saxe et de Nicolas Oresme sur la rotation de la Terre sur elle même, au 14ème siècle, idem pour la philosophie de Duns Scot, Buridan et Ockham.

Pour l’Histoire de l’Art, nous serons miséricordieux, puisque je ne ferai qu’effleurer le rôle majeur de la cour de Bourgogne, ce qui contredit les assertions de l’auteur sur les origines uniquement italiennes de la Renaissance. La rupture brutale avec le Gothique International à partir du Maître de Flémalle, la dramatisation des oeuvres chez Van der Weyden, broutilles tout ceci, si en plus on allait parler de Dirk Bouts, Hans Memling, Peter Christus, voire des Allemands Stéphane Lochner, Michael Pacher ou Martin Schongauer, on ne s’en sortirait plus.

Evitons donc de parler de l’influence conséquente des primitifs flamands sur les Italiens, comme le montrent l’admiration que suscita l’arrivée en Italie du Triptyque Portinari ou l’intégration par Della Francesca du paysage de type flamand et du rendu des matières dans ses oeuvres postérieures aux fresques de « La légende de la Vraie Croix »

Pour des historiens aussi considérables que Le Goff, Lucien Febvre, Ernst Kantorowicz et Marc Bloch, la Renaissance est plus une construction historiographique qu’une grille de lecture mécanique efficace. La vraie rupture serait plus au 14 ème, avec la Grande Peste de 1348, le Schisme d’Occident, la poussée turque, les débuts de la navigation en haute mer dans l’Atlantique, mais ne surchargeons pas ce bel article de petits détails insignifiants.

Après la chute de Constantinople en 1453, il y eut bien des textes qui parvinrent encore en Occident, mais sans influencer de manière décisive un processus de découvertes scientifiques et d’évolutions culturelles déjà lancé (la perspective mathématique de Della Francesca, Alberti et Masaccio, l’expansion minière en Bohême, la systématisation des armes à feu...)

L’auteur pourrait se renseigner sur la construction d’une vision négative sur le Moyen Age à partir du 18 ème siècle, le vrai siècle de rupture dans le domaine des idées. Là non plus, évitons de trop développer sur le théoricien du néoclassicisme Winckelmann, pas plus que sur les vrais inventeurs du concept aujourd’hui dépassé de Renaissance, Burckhardt et Michelet.

J’aurais encore bien des corrections mineures à effectuer sur l’ensemble de l’article, mais tenons nous en là.

Le dernier article historique de Forest Ent ne pouvait être parfait, au vu de l’ampleur du sujet, mais il faisait énormément réfléchir et était donc une réussite. Ici, il faut faire un cours d’histoire. Comment cet article a pu passer la modération, mystère, mais en ce moment, il ne faut s’étonner de rien sur ce sujet.


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