Thierry LEITZ 15 février 2010 13:58

J’ai posté sur Naturavos cet article en avril 2007. Trois ans après et beaucoup de terrassement et renforcement routiers, ITER reste un chantier coûteux aux résultats vagues repoussés dans un avenir lointain qui n’attendra pas ITER pour nous surprendre.

« On parle beaucoup de l’EPR (European Pressurized Reactor) grâce au débat écologiste et récemment des actes militants de Greenpeace. Mais sur ITER, rien. C’est dommage pour au moins trois raisons :
1. ITER est un projet extrêmement complexe et coûteux : 10 à 15 milliards € sur 10 ans au moins, la moitié à la charge de la FRANCE, pays hôte.
2. ITER pour être »apprivoisé« durant 30 ans, ne produira pas de courant électrique, mais consommera l’équivalent de 2 réacteurs nucléaires.
3. ITER n’a fait l’objet d’aucun débat public d’ampleur national en rapport avec l’ampleur de son coût pour le contribuable.
Quelques rappels utiles :
L’International Thermonuclear Experimental Reactor est né en 1985 de la volonté Gorbatchev de marquer la »détente« par une collaboration scientifique sur le défi de maitriser la fusion nucléaire.
La fusion nucléaire, qui est à l’oeuvre au coeur des étoiles, donc dans notre bon vieux soleil, est une réaction atomique (H2 fusionne avec H3 pour former un Hélium4 +1 neutron rapide) libérant une énergie prodigieuse. On a pu en prendre la mesure lors des essais des bombes H (hydrogène).
Pour amorcer la réaction de fusion, il faut susciter une chaleur de plusieurs millions de degrés ; les atomes légers d’hydrogène H2 et H3 soit le deutérium et le tritium qui sont des »variantes" (isotopes) de l’hydrogène H abondant dans le milieu naturel. H2 est plus rare, mais présent, H3 n’existe qu’en très haute atmosphère et il faut le produire en masse, ce qui est très délicat vu son extrême volatilité. De plus il disparaît vite (1/2 vie de 12,3 ans). Le tritium, nocif pour les être vivants, est l’ingrédient incontournable des bombes H ; du fait de sa faible durée, il faut le renouveler régulièrement au coeur des ogives.

ITER ambitionne de reproduire la fusion en « éprouvette », dans un tunnel torique de 840 m3 garni d’aimants supraconducteurs permettant de « repousser » le plasma (le gaz en « fusion ») sur lui-même car aucune barrière matérielle ne résisterait aux 200 millions C° requis. C’est ce qu’on appelle le « confinement magnétique » du plasma. Dans le soleil ce confinement se fait par la gravité de l’astre immense, c’est le confinement gravitationnel, impossible à reproduire sur terre. L’autre moyen de confiner un plasma extrême est de l’entourer de supers-laser qui le bombardent simultanément : c’est le confinement inertiel, mais les volumes de plasmas sont faibles. Ces plasmas sont, outre leur chaleur extrême, terriblement difficiles à maintenir : des centaines de pages d’équations complexes décrivent les process de création et maintien du plasma.

ITER doit permettre de maintenir un plasma d’un volume de 840 m3 pendant 400 secondes avec un rapport énergétique positif, (énergie consommée pour énergie produite) ce qui n’a été atteint à hauteur de 1,25 qu’une fois au Japon dans le JT60 en 1998, mais pendant 1/100è de secondes. Honnêtement, il faut reconnaître que les énergies nettes produites sont toujours très faibles et obtenues au prix d’efforts énergétiques et financiers colossaux. Et ces essais durent depuis près de 50 ans. Pourquoi une telle obstination dans une voie si peu prometteuse ?

Je risquerais trois explications :

1.Des sommes de financement public (internationaux) qui font fantasmer les élus locaux ainsi que les partenaires industriels du projet,

2.Des arrières pensées militaires, car tous les pays dans ITER sont déjà des puissances atomiques et les recherches d’ITER pourraient leur servir...

3.Des savants passionnés par le défi et le prestige lié à l’étiquetage de progrès absolu attaché ITER, « l’énergie de demain, propre illimité et presque gratuite » et particulièrement séduits par la vie douce et aisée à Cadarache, France.

Les prix Nobel de physique, le Pr Koshiba (2002) et Pierre-Gilles de Gennes (France 1991) ont souligné les carences scientifiques et technologique du projet. Si on met ces dernières en relation avec son coût on ne peut qu’aboutir à son rejet comme projet d’avenir à valeur humaniste. On comprend aussi la médiocrité du débat public associé, présenté par des promoteurs du projet s’adressant à un public insuffisamment formé pour exercer un droit de critique pertinent.

J’invite tous les lecteurs à s’informer sur ITER, dont les travaux de terrassement viennent juste de démarrer . Le plus couteux est devant nous. Je ne parle pas des risques d’accident car j’admets qu’ils sont limités : en effets, les physiciens et ingénieurs de haut niveau sont des gens instruits et très bien payés : ils ne risqueront pas leur (belle) vie pour la science.

Les vrais dangers d’ITER sont plutôt 1/ dans le gaspillage de fonds publics tant utiles pour le bien public (latin res publica : la République) et déjà en manque vu l’énormité de la dette, et 2/ dans la promotion obstinée d’une société toute axée sur la consommation de bien et services, la croissance (des profits) et la supériorité nationaliste économique ou militaire, soit toutes choses qui contribuent à créer un monde affreux dans lequel j’ai honte d’envoyer mes enfants."



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