ffi ffi 7 avril 2010 01:46

Je ne pense pas. C’est pour cela que je parlais de « déformation » professionnelle. Les sciences dures recherchent les causes premières. Les sciences humaines, les causes finales, ie le but, la direction. J’ai souvent remarqué au café philosophique cette tendance à vouloir déterminer les choses en explicitant les causes premières. C’est une tournure d’esprit propre à l’approche technique contemporaine.

Sur un chemin, il y a deux points remarquables : l’entrée et la sortie (analogie cause et conséquence)
Soit je souhaite montrer le cheminement qui a été fait depuis l’entrée pour parvenir à l’issue. C’est une analyse du passé qui cherche à déterminer les causes.
Soit je me contente d’exprimer conjointement l’entrée et la sortie sans me soucier des détails intermédiaires.

Le premier cas consiste à bâtir un système de déduction (latin deducere, composé de ducere « conduire » et de la préposition dé, qui signifie « faire descendre ») qui permette d’expliciter précisément le cheminement.

Le second cas consiste à vouloir montrer une production contingente (latin producere :« mener en avant »).

La préposition pour vient du latin pro qui signifie « en avant », « devant » et « en faveur de », « à la place de ».
Si je dis :
- la mondialisation est faite pour baisser les salaires.

Il me semble que j’exprime le fait que la mondialisation produit la baisse des salaires. C’est-à-dire que j’exprime l’effet de la mondialisation. Peu importe dans ce cas si cet effet est recherché intentionnellement ou pas, quel est détail exact de la séquence des faits, qui y est impliqué. Ce que je souhaite mettre en valeur, en affirmant ceci, c’est un certain lien entre mondialisation et baisse de salaire. J’exprime une contingence manifeste entre cette idéologie et ses conséquences, j’indique que je pense que prôner la mondialisation revient à prôner la baisse des salaires et que tous ceux qui participent à promouvoir la mondialisation participe à la réalisation de l’intention de faire baisser les salaires (qu’ils en soit conscient ou pas).

Je pourrais tenter d’exprimer tous les détails du processus, mais comme je suis sûr d’en oublier, et que je ne connais pas tout, ce serait une posture réductionniste (latin reducere : ramener à).

Il me semble que si l’on est trop accoutumé à des systèmes de déduction logique, il y a une tendance à induire (latin inducere : mettre dedans) en ces formulations une relation de causalité qui n’est justement à dessein pas explicitement définie, mais ouverte.

En fait, la finalité d’une série d’action n’obéit pas nécessairement à l’intention initiale - et c’est bien le problème.
Dans l’intention initiale : la mondialisation avait été pensée pour créer de la richesse.
Mais au final : la mondialisation aura été faite pour baisser les salaires.
De même,
Dans l’intention initiale : l’irrigation en Asie centrale avait été pensée pour produire du coton.
Mais au final : l’irrigation en Asie centrale aura été faite pour assécher la mer d’Aral.
Ou encore,
Dans l’intention initiale : le bouclier fiscal avait été pensé pour que les riches puissent investir
Mais au final : le bouclier fiscal aura été fait pour que les riches puissent spéculer d’avantage.

C’est un peu l’ironie de l’histoire... Quant à décrypter les causes du décalage entre l’intention initiale et le résultat final, tout est ouvert, cela peut être soit des actions conscientes, une idéologie erronée, de la bêtise, des concepts faux, de l’incompétence, des manipulations de certains pour leur profit... Et en vérité, peu importe le détail de la causalité, ce qui compte, d’un point de vue politique, c’est de prendre en compte que le résultat n’est pas celui escompté, d’estimer les discours séducteurs (latin seducere : « emmener à l’écart ») mais sources d’illusion pour rectifier le tir.

Pour cela, il est nécessaire de s’interroger sur « à quoi profite les décisions politiques », c’est-à-dire d’être en capacité d’émettre un jugement sur le sens, la direction que celles-ci donnent à la société.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre... Les gens ont tendance à distinguer des formes idéelles et à les exprimer de manière un peu floue et intuitive, comme lorsque dans l’antiquité, on habillait les dieux des attributs caractéristiques et imagés de leur production imaginée dans l’humanité, productions que l’on remarquait mais dont on peinait à comprendre la causalité.

On retrouve ceci en biologie et je mettrais en parallèle l’expression :
« l’afflux de sang dans le coeur et le cerveau est fait pour lutter contre l’hypothermie. »
avec votre déduction
« B est fait pour C » veut bien dire, me semble-t-il, que ceux (A) qui sont responsables de B le font dans l’intention consciente d’obtenir C, ce qui rejoint le « B profite à A donc A est responsable de C »
Substituons B par « l’afflux de sang dans le coeur et le cerveau » et C par « lutter contre l’hypothermie » et A par ce qui est responsable de B, l’organisme.

Selon votre déduction j’aurais donc :
« l’afflux de sang dans le coeur et le cerveau est fait pour lutter contre l’hypothermie veut bien dire, me semble-t-il, que l’organisme, qui est responsable de l’afflux de sang dans le coeur et le cerveau le fait dans l’intention de lutter contre l’hypothermie, ce qui rejoint l’afflux de sang dans le coeur et le cerveau profite à l’organisme donc l’organisme est responsable de la lutte contre l’hypothermie »

Et ici, Ô miracle la déduction est correcte !
Mais pourquoi ? Parce que la phrase initiale cherche justement à exprimer ce qui se produit dans l’organisme en cas d’hypothermie.

Dans votre exemple, vous induisez tout seul la responsabilité du patronat dans l’immigration, donc il est logique que vous la retrouviez en bout de chaine. Mais personnellement, je n’avais fait que constater l’effet produit sur les salaires par l’immigration / mondialisation sans entrer dans le détail des mécanismes causant la baisse des salaires, ni sur les mécanismes à l’origine de l’immigration / mondialisation.

Vous ne pouvez donc pas me reprocher d’introduire un intermédiaire dans la chaîne de causalité, car c’est vous qui le faites. Personnellement, je n’ai fait qu’exprimer le produit d’une situation qui est le résultat présent d’une suite d’actions contingentes issu d’acteurs indépendants.

Il me semble que vous avez procédé ainsi car vous éprouvez le besoin de réfléchir par déduction.


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