ffi ffi 8 avril 2010 00:58

Il me semble que les phrases ne sont pas que des agrégats de mots.

Il y a essentiellement deux manières de « lire » la phrase : la mondialisation est faite pour baisser les salaires. Il me semble que vous la lisez ainsi :

<la mondialisation est faite> <pour baisser les salaires>

Par conséquent vous avez tendance à vous interroger sur qui fait la mondialisation et donc sur qui est responsable de la baisse des salaires.

Personnellement, je l’entends plutôt ainsi :

<la mondialisation> <est faite pour> <baisser les salaires>

C’est une question de valence du verbe (voir là, paragraphes 3.2 4.2)
Dans ce cas, la préposition n’est pas strictement indépendante du verbe, mais elle en dépend en partie. C’est équivalent aux formes anglaises (get up, stand up, shut up), et il est vrai que le français, en général, préfère préfixer les verbes.

Pour trouver un équivalent à une telle construction en matière préfixée, revenons-en au latin :
pour -> por
+
faire -> facer, factus et -ficere en composition
= porficere,
Qui signifie en latin « faire des progrès », qui a donné ... profiter.
Substitons notre verbe préfixé dans la phrase litigieuse à la place du groupement verbal.
La mondialisation profite de la baisse des salaires.
A qui profite la baisse des salaires ? A la mondialisation.

Il ne faut pas voir dans ce genre de phrase une mention à qui fait la mondialisation.

En effet, dans cet autre exemple : cet homme est fait pour ce métier.
Doit-on s’interroger sur qui a fait cet homme, ou bien sur ce qui profite à cet homme ?

De plus parmi ces deux phrases :
- cet homme est fait pour ce métier.
- ce métier est fait pour cet homme.
laquelle signifie
- cet homme profite à ce métier.
et laquelle signifie
- ce métier profite à cet homme.
 ?
Il est fascinant de voir comme il quasiment impossible de distinguer entre ces formulations. La seule explication que je vois, c’est qu’elles expriment chacune un progrès simultané des deux parties en présence.

Il me semble donc qu’il est correct de voir la construction « ceci est fait pour cela » comme la mise en rapport de 2 choses qui se grandissent simultanément et mutuellement, c’est-à-dire une production de 2 phénomènes quasiment consusbtantiels l’un pour l’autre. Être fait pour est défini comme « Être propre à, être capable de » dans le 8ème dictionnaire de l’accadémie, ce qui marque bien un rapport tant consubstanciel, que potentiel entre les deux agents du procès que sont ceci et cela.

Il me semble par ailleurs que vous aillez du mal à admettre qu’une finalité ne puisse pas être le produit d’une volonté particulière. Pourtant, même en physique, celle-ci existe, par exemple, au travers du concept d’attracteur étrange en théorie du chaos. C’est-à-dire que l’évolution d’un système tend vers une limite, une fin. On le retrouve encore dans le principe de moindre action et les principes variationnels.

D’un point de vue de la société, on a des phénomènes identiques. Nous avons des quantités d’acteurs indépendants, lesquels suivent tous une certaine logique d’action, avec leurs fins propres. Toutes ces actions se cumulent, s’inspirent réciproquement dans une infinie variété et un infini détail, ce qui fait émerger une finalité sociale qui transcende les finalités individuelles. Si chacun des acteurs suit des méthodes identiques (par exemple si il y a l’opinion qu’il faut faire ainsi dans tel cas dans la culture et que chacun suit cette même logique), alors cette finalité est une amplification des finalité individuelle, mais seulement dans la mesure où l’environnement physique peut la supporter...
Dans l’exemple de la mer d’Aral, tous les agriculteurs d’Asie centrale voulaient cultiver du coton, donc ils ont tous choisi d’irriguer, mais l’importance des prélèvements a fait s’assécher la mer d’Aral. S’ils avaient pu entrevoir que la finalité de leur action collective était l’assèchement de la mer d’Aral (et l’impossibilité de la culture du coton à terme par un assèchement de la zone), ils auraient été portés à mettre en place préventivement une stratégie de gestion de la ressource en eau.

Dans le cas de la mondialisation nous avons un phénomène similaire. Les agents économiques veulent faire du profit. Pour cela, ou ils délocalisent, ou ils négocient les salaires à la baisse, ou ils tendent d’acquérir des marchés à l’exportation. Il font donc un profit immédiat. Mais comme tous les agents économique font de même, à moyen terme le résultat de leur action collective, entraine la paupérisation des acheteurs potentiels, leur marché diminue, ils font donc moins de profits. Cela est contraire à leur intention initiale car ils veulent faire plus de profit. Puisqu’il y a eu profit immédiat la première fois, avant le retour de bâton de l’effet à moyen terme (paupérisation), chacun des agents croit que la méthode est bonne, mais estime que c’est la météo qui est difficile, alors chacun des agents qui veut toujours faire du profit veut pouvoir ou délocaliser ou baisser les salaires ou exporter d’avantage : il faut donc politiquement ouvrir d’avantage les frontières dans le but de créer plus de richesse. Mais, comme la première fois, c’est une nouvelle vague de paupérisation qui s’en suit... Les profits s’évanouissent, les acteurs en veulent donc d’avantage...etc : c’est un cercle vicieux.

La mondialisation est faite pour augmenter les profits mais ça fait baisser les salaires ce qui fait diminuer les profits, et comme l’opinion est que la mondialisation fait augmenter les profits et que les agents veulent du profit, la mondialisation est accrue, mais ça fait baisser les salaires, ce qui fait diminuer les profits ; et comme l’opinion est que la mondialisation fait augmenter les profits et que les agents veulent du profit, la mondialisation est accrue, mais ça fait baisser les salaires, ce qui fait diminuer les profits ; et comme l’opinion est que la mondialisation fait augmenter les profits et que les agents veulent du profit, la mondialisation est accrue, mais ça fait baisser les salaires ce qui fait diminuer les profits, ; et comme l’opinion est que la mondialisation fait augmenter les profits et que les agents veulent du profit, la mondialisation est accrue mais ça fait baisser les salaires... => La mondialisation est parfaite pour baisser les salaires....

C’est cela le processus de la mondialisation : elle est motivée par l’inadéquation entre les intentions individuelles et les résultats obtenus du fait de l’aspect erroné de la méthode utilisée pour parvenir à ces fins individuelles.

C’est un cercle vicieux. Nous ne sommes pas ici à décrire un système de causalité linéaire, mais un système qui boucle en rétroaction sur lui-même, ce qui fait qu’il est difficile d’identifier un point initial (une cause première) et de partir dans un système de déduction logique. Tout se fait simultanément, tout s’imbrique. Les responsabilités sont difficiles à établir, car elles sont plutôt dans une logique erronée que suit indépendamment chacun des acteurs.

Cependant l’effet global du système est identifiable ( l’attracteur étrange) : c’est de faire baisser les salaires.

Maintenant, je voudrais évoquer une petite chose un peu piègeuse qui me semble la source des confusions.

Historiquement, dans l’esprit des gens la cause des choses était l’effet de la volonté de(s) Dieu(x) (les voies du seigneur sont impénétrables). Par conséquent dans le langage, la marque de l’intention pour et la marque de la cause parce que, sont assez confusément distinguées. Descartes par exemple utilisait encore la préposition pourceque dans le sens de parce que. La cause finale, volonté divine, était ainsi, paradoxalement, la mère de toutes les causes, la véritable cause initiale

A partir du XVIIème siècle (d’abord Newton, puis les lumières) et avec la montée de l’athéisme, l’idée qu’il puisse exister une cause finale a été combattue car elle représentait l’idée même de Dieu (par Nietzsche par ex). La science a été refondée comme un système de déduction logique suivant la flêche du temps causal (passé vers futur), c’est-à-dire, qu’elle s’évertue à vouloir partir des causes premières pour en déduire des conséquences. Cette tournure d’esprit s’est généralisée dans les populations, à la faveur de l’éducation, qui a formé quasiment exclusivement les intelligences à cette pratique de recherches des causes.

L’effet pervers, c’est que la réflexion sur la finalité des actes est restée à l’état de friche, alors que savoir réfléchir sur la finalité de nos actes est un élément essentiel de la citoyenneté : donner la mort sans intention de la donner est pénalement répréhensible. De plus, j’ai indiqué plusieurs cas, en biologie, en théorie du chaos, en théorie des systèmes, en mécanique (principe de moindre action), où nous n’avons pas accès aux causes premières avec assez de détail, ce qui oblige à penser en terme de finalité.

Par conséquent, au XXème siècle, la population, ayant en partie perdu cette faculté, au lieu de se projeter dans l’avenir pour déterminer une finalité viable et soutenable - sans condradiction avec les possibilités offertes par le monde, est allée de drame en drame, et en réponse à ceux-ci, a plutôt penché à rechercher dans des boucs émissaires les causes de ses afflictions.

Et je pense que c’est ce problème précis que vous voulez pointer dans votre article, ce sur quoi je suis en accord dans l’intention, mais en désaccord sur la résolution. Il me semble en effet éminament important que les gens aient la capacité de s’interroger sur la « finalité de l’histoire », telle qu’elle se déroule sous nos yeux. C’est tout entier l’objet de la politique, et le seul. Comprendre la finalité des mesures qui se prennent peu à peu.

Ce qu’il faut critiquer, c’est la recherche des boucs émissaires, issue de cette addiction mentale à vouloir voir des causes humaines facilement identifiable en tout. C’est inutile, car, d’une part, il n’y a nul crime sans loi, et, d’autre part, les lois ne sont pas rétroactives...

Au vu de la situation, il me faut reconnaître que les gouvernements sont ou de mauvaise volonté, ou extrêmement incompétents et l’on peux comprendre que les gens recherchent des responsables. Pour moi-même, le coup de la loi 73-7 a dû mal à passer....

la loi 73-7 et l’UE auront été faites pour démanteler la République...

A qui profite ce crime ? A l’empire de la finance essentiellement.

Mais l’important, c’est de savoir comment en sortir.

Il y a un besoin d’utopie. Imaginer un futur, le meilleur compromis entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable. Donner du sens à nos vies.
S’organiser pour le mettre en place.


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