edzez edzez 6 juillet 2010 22:09

La Notion de Dignité est en réalité une notion englobante, posée comme une « source » d’où procèdent les droits de l’homme. Cette notion est très large, d’où la difficulté d’obtenir l’accord des Etats à l’échelle internationale pour sanctionner toute atteinte à la dignité.

Les gouvernants admettent l’extension du champ couvert par la dignité de l’homme, mais réduisent l’effectivité de la protection ainsi conquise en rendant aléatoire la sanction ou en la subordonnant à certaines conditions.

La difficulté de définition de la dignité humaine s’explique parce que cela implique la définition de ce qui fait l’humanité d’un être humain.

En affirmant que « les personnes peuvent prétendre dans leur rapport mutuel comme dans leur rapport avec l’Etat à être traitées toujours comme une fin et jamais comme un moyen (1) » , P.Egéa pose le principe directeur sous-jacent à l’idée d’une dignité inhérente à la personne humaine.

Traditionnellement, une distinction est faite entre « dignité humaine » et « dignité de la personne humaine », concept correspondant plus au respect des droits de l’homme.

L’approche de la dignité selon l’angle des droits de l’homme

La dignité est « la raison d’être de l’ensemble des droits de l’homme », même si elle ne protège que la personne dans son essence.

La notion de « droits de l’homme » est relativement imprécise. L’objet de la « science des droits de l’homme » est d’étudier les rapports entre les hommes en fonction de la dignité humaine, en déterminant les droits et les facultés dont l’ensemble est nécessaire à l’épanouissement de la personnalité de chaque être humain. Dans le cadre de droits de l’homme, la notion de dignité est essentielle car elle apparaît comme le « principe matriciel » par excellence qui constitue le socle des droits fondamentaux, voire leur raison d’être (2) » .

Est-ce que dignité signifie liberté ?

Si c’est le cas, il faut la protéger en l’organisant juridiquement. La dignité serait située au plus profond dans l’essence de l’homme, de sorte que la liberté lui serait subordonnée.
Si tous les êtres humains composent l’Humanité, c’est qu’ils ont tous cette même qualité de dignité. Si la liberté est l’essence des droits de l’homme, la dignité est celle de l’humanité.
La dignité humaine est un élément de définition de la nature de l’homme. Il en découle des droits qui expriment la dignité sans pour autant être la dignité. Les conséquences en sont une série de droits qui mettent en œuvre la dignité humaine.

Des droits d’un genre fonctionnels, opérationnels dont l’objectif ne consiste pas en la définition d’un concept mais en son application.

Saisir la dignité humaine d’un point de vue juridique c’est rendre compte de l’existence d’un panel de droits « d’action ». La décence par exemple n’est pas un concept juridique en revanche elle s’exprime sur le terrain du droit de façons différentes. C’est ainsi, que l’on retrouve des règles relatives aux bonnes mœurs, au respect de la pudeur, mais également des dispositions condamnant les traitements humiliant et dégradant pour la personne humaine.

La traduction juridique de la dignité

Est-il possible de dégager le contenu de la notion de dignité à partir des conventions internationales relatives aux droits de l’homme ?

La dignité en droit est un concept nouveau, mais le mot « dignité » se rencontre dans de nombreux textes.

Les droits internes n’apportent pas plus de précision à la définition de cette notion.
Le droit français notamment dont la Constitution ne proclame pas « la dignité de la personne humaine » en tant que telle. En revanche, elle proclame à nouveau que tout être humain possède « des droits inaliénables et sacrés (3) » .
La dignité rejoint ainsi l’arsenal juridique français constitué par « les principes fondamentaux reconnues par les lois de la République (4) » .

Le problème de cette interrogation est qu’aucun texte (international ou interne) ne définit à proprement parler la notion de dignité. L’absence de définition, les ambiguïtés et les lacunes qui entourent le concept de dignité aboutissent à conférer un large pouvoir d’appréciation au juge pour déterminer les atteintes à la dignité, notamment de la personne humaine.

La dignité dans la jurisprudence

Certaines applications jurisprudentielles de principe de la dignité de la personne humaine en font un droit, non pas tellement de l’homme, mais d’humanité, auquel nul ne peut déroger.
Chacun serait alors redevable du respect de sa propre dignité à la communauté humaine toute entière.

L’interdiction de la torture et du mauvais traitement

Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Un traitement inhumain est celui qui provoque de manière délibérée de sévères souffrances mentales ou physiques. Le traitement (ou la peine) est dégradant s’il est nettement humiliant ou oblige l’individu à agir contre sa volonté ou sa conviction (5).

Dans la jurisprudence du comité des droits de l’homme de la cour européenne des droits de l’homme de manière générale, les notions de traitements inhumains et dégradants (6) sont utilisées bien plus que celle d’atteinte à la dignité de la personne humaine. L’application juridique de la dignité se réalise au travers de l’arsenal législatif de chaque branche du droit. C’est ainsi que la dignité connaît des applications notamment dans les domaines de la bioéthique, de la santé, du social et du pénal.
C’est aux instruments du droit pénal et du « droit social » (attentat à la pudeur et aux bonnes mœurs) que nous devons nous référer si l’on souhaite mettre en cause les atteintes à la dignité de la personne humaine.

La différence d’intensité ou de gravité des souffrances physiques ou mentales infligées à la victime.

Le problème est de savoir si un autre niveau ou degré d’intensité de la souffrance peut être retenu comme une atteinte à la dignité de la personne.
La mesure d’intensité dans la détermination d’une atteinte à la dignité sert à l’application des mesures de protection. En effet, il faut tenir compte de la « proportionnalité » entre l’événement en cause et le contenu de la définition de la dignité. La largesse de la conception implique paradoxalement une application plus restrictive. La dignité se présente comme s’il s’agissait d’un « dernier recours » dans un ultime sursaut juridique.

Les possibilités de rapprochement entre le traitement dégradant et l’atteinte à la dignité de la personne humaine.

Il s’agit de se demander si l’on peut appliquer le critère d’intensité ou de gravité de la souffrance pour déterminer à quel moment une atteinte à la dignité de la personne humaine constitue une violation d’un droit et doit être sanctionnée comme telle.
Le rapprochement entre traitement dégradant et atteinte à la dignité de la personne peut conduire à donner à la notion de dignité l’efficacité juridique qui lui manque. Est ce que la dignité de la personne humaine devient un concept normatif ?
Le respect de la dignité humaine est une notion présente dans les conventions internationales mais dont l’ambiguïté ne permet pas d’en faire un concept normatif dont la violation serait sanctionnée par le juge international.
Les juridictions internationales peuvent mettre en place les éléments définissant ou caractérisant la dignité.

La contrainte économique, remise en question de la dignité de la personne humaine ?

• L’effectivité du principe de dignité de la personne humaine dans les rapports individuels. Attention, on imagine mal l’intérêt pour un individu de renoncer aux droits qui découlent du principe de dignité humaine sauf précisément un état de nécessité économique.
• La contrainte économique peut entraîner une renonciation volontaire à un attribut de la dignité de la personne humaine. Cependant, cela n’implique pas à une renonciation à la dignité humaine, laquelle se doit d’être protégée. La dignité en tant que droit inaliénable ne peut, effectivement constituer la propriété d’autrui. En revanche, la problématique de la contrainte économique se pose en d’autres termes dès lors qu’il est question de la dignité de la personne humaine.

1, L’homme et son corps. Essai sur les libertés corpore biomédical. Thèse Paris V, 1997, p.353.
2, in J.F. Renucci, Droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., 1999, p.2.
3, le droit de propriété est l’un des exemples les plus probants du caractère inaliénable et sacré. La dignité est inaliénable et sacrée signifie que juridiquement elle ne peut être cédée ou constituer un droit réel au profit d’un tiers, c’est à dire la propriété d’autrui.
4, Aucune liste de ces principes ne figure dans un document à valeur normative, leur contenu est lui-même quelque peu incertain ; le Conseil constitutionnel les définit et les limites assez librement en s’appuyant ou non sur des textes. Décision fondatrice du conseil constitutionnel en date du 16 juillet 1971, qui a consacré la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958, lequel renvoie au préambule de la Constitution de 1946 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel s’est érigé en protecteur des droits et libertés des citoyens et en garant de l’Etat de droit. Voire les Grands arrêts du Conseil constitutionnel, ed. litec.
5, Jurisprudence : Aksoy c. Turquie ; Chahal c. Royaume-Uni ;Danemark, Norvège, Suède et les Pays-Bas c. Grèce ; Irlande c. Royaume-Uni ; Ribitsch c. Autriche ; Selmouni c. France Soering c. Royaume-Uni Tomasi c. France. Voir annexes.
6, Cohen Jonathan, convention européenne des droits de l’homme et F.Sudre , le droit international et le droit européen.

 


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