Andre Viard (---.---.42.171) 20 avril 2006 12:19

Au-delà de la sensibilité de chacun, seul argument valable à mes yeux pour justifier que l’on s’oppose à la corrida, le débat ne peut aboutir qu’à une impasse si l’on ne fait pas l’effort de dépasser ses propres émotions.

La tauromachie dont la corrida moderne n’est que le développement ultime n’est pas une coutume ni une tradition, mais bien une culture ancrée dans l’histoire de l’humanité et dont les premiers témoignages se trouvent sur les paroies des grottes de Lascaux, Altamira, Chauvet, Cosker, etc... Au fil des millénaires, cette culture du courage s’est transmise à travers toutes les civilisations méditerranéennes pour aboutir au spectacle que l’on connaît aujourd’hui, lequel conserve dans son essence les caractéristique du geste premier : combattre et tuer le taureau pour affirmer son identité. Que cette culture ne fasse pas l’unanimité dans un monde enclin à aseptiser tout ce qui dérange est un fait. Cependant, seulement en France l’an dernier, prés d’un million de personnes s’est rendu dans les arènes pour assister à un spectacle taurin, ce qui démontre la vitalité d’une culture en tous points conforme à la loi et que la jurisprudence la plus récente (Cour de Cassation 7 février 2006) conforte dans sa légitimité.

A partir de là, le débat est simple : a-t-on le droit, parce qu’on ne la partage pas, de vouloir éradiquer une culture, au risque d’être soi-même le barbare que l’on dénonce chez ceux qui s’en revendiquent ? À ce compte-là, pour quand les manifestations de chrétiens français devant les mosquées ou les synagogues pour demander leur démolition ?

Les adversaires de la corrida basent leur argumentation sur quatre axes :
- la souffrance animale
- la cruauté du public
- l’amoralité du spectacle
- la charge financière que représente la corrida pour la société

1/Sur la souffrance animale, il a été démontré de manière scientifique que les blessures infligées au toro durant sa lidia sont insignifiantes au regard de sa morphologie et comparables aux coups qu’un boxeur reçoit durant un combat. Or, on le sait, la douleur inhérente à ceux-ci ne se manifeste que plusieurs heures après... Il serait donc logique, si l’on base son argumentation sur la souffrance supposée du taureau, de demander d’abord l’interdiction de tous les sports de combat dans lesquels l’homme reçoit des coups.

2/La cruauté du public des arènes est un leurre brandi par les anti taurins qui ne voient dans les aficionados que des barbares sanguinaires et pervers attirés par la vue du sang. Au risque de les décevoir, le public des arènes est le plus pacifique qui soit : jamais, dans aucune feria, on n’a constaté les débordements dont le public des stades de foot, par exemple, se rend coupable fréquemment. Pourquoi ? Parce que dans le cas du sport en général, un antagonisme se crée entre les partisans des deux équipes en présence, lequel aboutit parfois à des débordements (comme au stade du Heysel par exemple), en raison de la présence de casseurs qui trouvent là un exutoire. Au contraire, le public des arènes communie dans un même désir de voir surgir la beauté de l’affrontement de l’homme - auquel il s’identifie évidemment et pour cause - et du taureau qui, pour les psychanalistes, représente tour à tour les forces indomptables de la nature, notre propre face sombre ou le désir inconscient de domination. Vaincre le taureau est synonime de sublimation de l’homme, à la fois vis-à-vis de ses propres faiblesses et du reste de la création.

3/ L’amoralité du spectacle tauromachique est un autre des arguments avancés. Mais à quelle morale se réfère-t-on ? Aucune de celles construites sur les principales religions monothéistes ne considère amoral de combattre et tuer le taureau. Pas plus que l’humanisme d’ailleurs, cette religion moderne de l’homme, qui place celui-ci au centre de la création, au-dessus des espèces animales avec lesquelles il ne saurait être mis sur un pied d’égalité. En fait, la seule morale à laquelle se raccrochent les antitaurins, est celle prônée par les sectes animalières nord américaines dont la plupart sont fichées au FBI pour les violences dont elles sont coutumières à l’encontre de ceux qui les combattent. Selon cette morale dont le propos est de saper les fondements de notre civilisation, l’homme n’est qu’un animal parmi les autres : tuer un taureau, anger une huitre, enfiler un ver à l’hameçon, seraient donc des crimes contre une « humanité » élargie à toutes les espèces. La dangerosité d’une telle doctrine n’est plus à démontrer, et il est consternant de vérifier qu’elle a servi de base doctrinaire à l’argumentation de la gauche séparatiste catalane lors de sa tentative avortée de faire voter une loi abolitionniste pour de pures raisons politiques dans laquelle le spectacle taurin n’était qu’un enjeu électoral.

4/ Contrairement à l’argumentation des anti taurins, le spectacle tauromachique, loin de survivre grâce aux finances publiques, est une source de revenus pour les villes dans lesquelles il existe. Dans celles qui organisent de grandes ferias, les bénéfices générées par celles-ci ou les redevances payées par les délégataires de service public financent les fêtes populaires. Quant à l’état français, au travers de la TVA, il perçoit lui aussi sa dîme. Loin de survivre artificiellement comme la plupart des autres spectacles vivants - opéra, théâtre, cirque... - dont la fréquentation ne suffit pas à couvrir les frais de production, le spectacle tauromachique jouit d’une magnifique santé financière.

Comme je le disais en préalable, le seul argument recevable de la part des adversaires de la corrida relève de leur propre sensibilité. Qu’ils ne supportent pas la vue du combat de l’arène est respectacle, à condition qu’ils ne souhaitent pas au torero les blessures qu’ils lui reprochent d’infliger au toro, et à condition aussi que la violence du dicours anti taurin diffusé dans de nombreux sites en ligne n’aboutisse pas à des actes de barbarie bien pires que ceux que l’on reproche de commettre contre le taureau : coups de fusil contre les domiciles d’organisateurs de corrida, véhicules incendiés, enveloppes piégées... la liste est longue et malheureusement certainement pas close.

La corrida moderne est un combat dont l’homme ne peut sortir vainqueur qu’au terme d’une longue préparation comparable à l’ascèse observée par les mystiques de toutes les religions, laquelle lui permet d’atteindre un stade de perfection mentale, physique et artistique. C’est la manifestation de cette perfection que les aficionados viennent chercher aux arènes, et le sentiment de plénitude qui l’accompagne. La mort du taureau n’est que le véhicule de cette démarche, pas son objet. Ne pas le comprendre est acceptable mais n’exclue pas le respect.


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