samedi 8 juillet 2017 - par Gérard Faure-Kapper

12.000 suicides annuels. Pour les pouvoirs publics, c’est trop rentable pour être dramatique

Par Gérard Faure-Kapper

En 1972, on dénombrait 17000 morts sur les routes. Nous en sommes aujourd’hui à près de 4000. C’est encore trop, tout le monde s’accorde à le dire mais cette baisse est le résultat d’efforts intenses pour améliorer la sécurité sur les routes, la signalisation, l’état du revêtement.

Le nombre de suicides est invariablement de près de 12000 par an. Ne peut-on pas prendre les mêmes types de mesures pour faire baisser ce chiffre. Il y a certes un chiffre incompressible que personne ne connaît, mais en prenant des mesures répressives draconiennes à l’encontre des situations financières qui poussent au suicide, on pourrait faire baisser fortement ce chiffre tout comme on a fait baisser de 17000 à 4000 le nombre de morts sur la route.

Pour cela il faut savoir lever des tabous.

De nombreuses études font ressortir avant tout l’état dépressif de la personne. Mais si l’on remonte un peu en arrière pour savoir ce qui a rendu cette personne dépressive, nous pouvons remettre en cause beaucoup d’intervenants.

Réfléchissons au sens de notre vie. Nous entrons dans notre vie d’adulte avec des projets, des espoirs, voire des illusions. Nous fondons une famille et prenons ainsi la responsabilité de plusieurs personnes. Dès lors, nous sommes engagés, nous ne pouvons pas faillir. Il faut produire un certain niveau de revenus pour assumer ses engagements.

À partir d’un certain moment, les aléas de la vie actuelle font que l’on a des doutes, des incertitudes. Elles sont souvent liées au travail, donc à l’argent. Pourra-t-on assurer la subsistance de sa famille, c’est la question qui taraude chaque homme et femme. Ce souci est largement amplifié si l’on a des obligations financières vis-à-vis des banques et des organismes de crédits. Il suffit alors de peu de chose pour que tout bascule, pour que la personne se sente dans une impasse, face au mur.

Chacun doit honorer ses engagements, les crédits dont on a pu bénéficier doivent être remboursés, ce n’est pas à la communauté de le faire. Pourtant, l’expérience prouve que la plupart des gens ne sont pas surendettés, mais mal endettés. La solution est évidente. Souvent, en remplaçant des crédits sur 4 ou 5 ans à 20 % par un crédit du même montant à 12%, le problème est tout de suite résolu.

Les dispositions existent pour que la personne bénéficiaire de ce changement ne puisse plus faire d’autres crédits. Tout le monde est gagnant. La banque, qui évite une procédure et souvent une perte, et qui fait néanmoins un crédit à un taux convenable. La communauté qui n’aura pas à prendre en charge cette famille. Le client, qui peut ainsi honorer ses engagements.

Et pourtant, les choses ne se passent pas comme ça. Une fois que la personne entre dans les difficultés, alors qu’elle peine à faire face, la banque prélève du plus en plus, frais d’intervention, frais de refus, lettres en série. Les montants deviennent insupportables pour n’importe quel budget. Les montants atteignent souvent des sommets. Le client s’effondre.

Il se retrouve seul face à sa famille et à ses créanciers qui le harcèlent sans cesse, il ne peut plus être tranquille, son téléphone sonne sans arrêt. Sa boîte est pleine de lettres agressives des banques et des huissiers. C’est l’enfer, il a tout perdu. Il n’a plus qu’une seule issue… disparaître à jamais.

« Il s’était mis lui-même dans cette situation, les autres ne sont pas responsables » va-t-on entendre de toute part. C’est souvent vrai pour les organismes de crédit qui respectent la loi. Par contre, pour la banque, c’est différent.

Sa responsabilité peut être retenue sur deux points. D’abord les frais abusifs. Certes ils sont prévus dans la grille tarifaire jointe à la convention de compte. Ce qui n’est pas prévu, c’est leur multiplication injustifiée. L’intégration des frais d’intervention dans le taux fait aussi ressortir, presque à chaque fois, une pratique usuraire.

Il y a bien d’autres irrégularités. Outre cela, il y a la différence entre des relances et une campagne de harcèlement. Quand la banque écrit : « Nous allons demander votre condamnation au juge et nous allons saisir vos meubles, votre voiture, vos revenus et tous vos biens. ». Sait-elle ce qu’elle va provoquer ?

Quelqu’un ayant un minimum de connaissances juridiques met ce courrier à la corbeille, mais pas la plupart des gens, ceux qui sont à bout, qui n’en peuvent plus, qui ne dorment plus, qui pensent en permanence à leur situation. Pour cela, ce type de lettre est un coup de grâce.

Que l’on ne se méprenne pas sur notre propos, je ne dis pas que les banques sont responsables dans le suicide de leur client. La présomption d’innocence existe. Ce que nous souhaitons est qu’après chacun de ces drames, une enquête judiciaire soit diligentée, que la situation du client soit examinée à la loupe.

Y a-t-il eu soutien irresponsable de la banque, y a-t-il eu retrait abusif de ce soutien, la masse des frais prélevés correspond-elle à une rémunération normale de l’établissement, la banque a-t-elle respecté la loi, le contenu des lettres peut-il être considéré comme une menace, les procédures normales de recouvrement de créance ont-elles été respectées, le juge d’instance a-t-il été saisi, etc. Des questions se posent.

Si la banque a respecté la loi et les usages, elle n’a rien à craindre d’une telle enquête. Mais si cette enquête dévoile un comportement totalement irresponsable et illégal de la banque, alors que celle-ci soit condamnée lourdement, comme le serait n’importe quel citoyen. Personne ne peut se réfugier derrière sa fonction pour échapper à ses responsabilités.

 

 



19 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 8 juillet 2017 09:00

    La meilleure façon de s’endetter sans raisons et d’aboutir à une situation dramatique consiste à accepter une offre de crédit renouvelable (autrefois appelé crédit permanent ou en anglais revolving credit), une forme de crédit consistant à mettre à disposition d’un emprunteur une somme d’argent réutilisable au fur et à mesure de son remboursement pour financer des achats non prédéfinis.


    Les intérêts sont décomptés sur les sommes restant dues à la fin de chaque mois. Le TEG (taux effectif global) varie est souvent de l’ordre de 20 % (le taux d’usure étant de l’ordre de 21 %).

    L’astuce de nombreuses sociétés de crédit revolving est d’affecter une grande partie des remboursements mensuels à des frais divers et variés (frais d’envois, frais de prélèvements, frais d’assurance, frais de tenue de compte) ce qui diminue d’autant la part du capital remboursé qui est parfois insignifiante. 

    La durée de remboursement du crédit revolving quand on ne puise pas dans la réserve disponible peut alors être extrêmement longue. Mais quand on puise dans la réserve, on peut arriver rapidement à une situation tragique et sans issue.

    Au fait, en cas de suicide, qui hérite des dettes ?

    • wesson wesson 8 juillet 2017 15:29

      @Jeussey de Sourcesûre

      un héritage s’accepte ou se refuse. Si il est accepté (ou refusé), c’est toujours dans son intégralité.

       Ainsi par exemple, on ne peut récupérer la maison familiale sans avoir l’obligation de s’acquitter de l’ensemble des dettes qu’avait contracté la personne décédée. 

      Ce serait trop facile sinon.




    • demissionaire bonalors 8 juillet 2017 17:52

      @wesson

      Bonjour si l on refuse l héritage doit on participer au frais d enterrement qui peuvent facilement dépasser les 10.000 euros  ? Je crois qu oui,
      En fait on a pas trop l option de refuser en fait ?

      Bien cordialement


    • wesson wesson 9 juillet 2017 13:07

      @bonalors


      Vous avez en partie raison. Effectivement les frais d’obsèques font partie des « obligations alimentaires » que vous avez, donc de n’importe quelle manière, vous ne pouvez vous y soustraire. 

      Mais d’une part, vous pouvez vous faire rembourser en partie (ou totalité) de cette dépense par la succession, même si vous l’avez refusée. Dans ce cas, il faut faire bien attention d’avoir vous-même engagé la dépense au départ, car si vous avez tiré les frais d’obsèques directement du compte du défunt, cela peut être considéré comme une acceptation tacite de la succession.

      Et d’autre part, personne en réalité nous vous oblige à acheter un cercueil en acajou avec incrustations de pierre précieuses et inhumation dans un mausolée. La dépense peut être en pratique limitée à bien moins que la somme que vous donnez.



    • Alren Alren 9 juillet 2017 19:33

      @Jeussey de Sourcesûre

      « L’Europe qui protège » et bien plus près du citoyen, les Directions départementales de « protection des populations » devraient en premier protéger les plus faibles socialement contre les banques et les crédits « revolving » qui seraient considérés comme une escroquerie et punie comme telle s’ils étaient pratiqués par des particuliers !!!

      Mais voilà, les lois préfèrent les banques aux gens !


    • demissionaire bonalors 15 juillet 2017 02:04

      @wesson
      merci pour la confirmation, j ai un beau pere qui m a reconnu, et c est un connard fini, alors je m attends a tout
      bien cdlt


  • Gérard Faure-Kapper Gérard Faure-Kapper 8 juillet 2017 10:42

    Les causes d’un suicide sont multiples. Dans le cas d’une raison financière, la banque n’est pas forcément coupable. Si la personne se met elle-même au fond du trou, c’est la première responsable. Je pense que les lois actuelles qui encadrent les crédits et les dispositions sur le surendettement sont bien faits. Mais, dans les dossiers de ce type que j’ai traité, très souvent la banque est sortie des clous. Dès lors que la personne commençait à se noyer, elle lui a appuyé sur la tête avec notamment des frais gigantesques qui ont transformé une « passe financière difficile » en une « situation irrémédiablement compromise ». Dans ces cas, très fréquents, il faut une enquête pour déterminer la responsabilité du banquier. Quand mon association (l’APLOMB) est informée d’un suicide, nous contactons tout de suite les autorités compétentes pour proposer nos services pour une analyse financière. Chaque fois c’est tout de suite refusé. Et notamment pour les suicides de paysans car ça risque de mouiller leur banque, que je ne citerais pas...


  • jjwaDal jjwaDal 8 juillet 2017 11:34

    Arrêtons de nous croire dans un monde de bisounours. Une société qui déjà se passe statistiquement de plusieurs millions d’adultes pour faire fonctionner l’économie (les chômeurs) ne peux voir dans le suicide qu’une aubaine, venant de gens qui ont plus ou moins cotisé pour une retraite qu’ils ne toucheront jamais. Une version « soft » de l’âge de crystal est en cours, voilà tout...
    C’était ma minute cynique matinale.


  • cevennevive cevennevive 8 juillet 2017 11:56

    Bonjour Gérard Faure-Kapper


    « Les causes d’un suicide sont multiples. »

    En effet, il y a l’amour contrarié, la dépréciation du soi, la maladie, la souffrance sous toutes ses formes, etc.

    Pour ce qui est des ennuis financiers, je pense que l’individu qui se laisse endetter à outrance, sans penser à l’avenir, a déjà une personnalité médiocre, ne sais pas refuser les offres mirobolantes, et mise sur un avenir hypothétique. Cette « faiblesse » l’amène à toutes les extrémités.

    Autrefois, (il n’y a pas si longtemps) nous entrions dans la vie avec ce que nous avions et faisions en sorte d’avancer peu à peu sans nous endetter. La plupart d’entre nous en tirions d’ailleurs une certaine fierté. 

    Aujourd’hui, tout le monde veut tout, tout de suite.

    Pour l’achat d’une voiture par exemple : 139 ou 150 euros par mois pour une voiture neuve ! Allez, zou ! On fonce, même si l’on sait que le véhicule ne nous appartiendra que plus tard, avec plein de conditions. Combien de ces voitures qui encombrent les routes appartiennent vraiment au conducteur ?

    Alors, comme vous le dites, ce n’est pas seulement la faute des banques (bien qu’elles y soient pour beaucoup).

    Les « minimalistes » n’ont pas de soucis d’endettement.

    Bien à vous.


    • Xenozoid 8 juillet 2017 12:11

      @cevennevive
      c’est vrais qu’on a pas le choix,faut gagner sa vie qu’on vous dit,hier ou aujourd’hui,mais comme c’est toujours plus haut ,plus loin,plus fort,faut pas s’étonner que ceux qui sont né avec l ’avoir de la propriété héréditaire,soient minimalistes face a l’endettement....des aûtres

      combien de banques,ont été éxonérées en 2008 ?

    • cevennevive cevennevive 8 juillet 2017 12:19

      @Xenozoid, bonjour,


      Je me sens un peu visée là...

      « La propriété héréditaire » comme vous le dites est parfois bien délabrée, et il faut de nombreux travaux pour la rendre habitable.

      j’ai mis dans ma vieille maison autant d’argent que si j’en avais acheté une neuve.

      Cordialement.


    • Xenozoid 8 juillet 2017 12:39

      @cevennevive


      non dsl je ne te visais pas ,je dis juste que la logique de gagner sa vie mêne a ce que tu constate aujourd’hui,et je pense a la propriété de ceux qui veulent toujours plus toujours plus ,plus ....plus
      ceux qui controle cet instrument appelé le fric,eux n’en ont plus besoin

    • Xenozoid 8 juillet 2017 12:53

      @Xenozoid

      et je dirais même plus, l’endettement je l’encourage,il faudrait tous en avoir un et ne payé que ce qu l’on a eu...pas plus

      mais la on attaque l’usure,de plein fouet

  • demissionaire bonalors 8 juillet 2017 17:55

    l endettement c est pire, car une fois endette, même solvable vous devez accepter n importe quel boulot a n importe quel salaire,

    mon conseil n emprunter rien, sinon une somme mineure, comme moi 3000 euros, car après si je dois négocier la pension de mon fils que ma femme a fait avec un autre, je peux retirer cela de mes revenus, mais sinon n emprunter jamais ou vous n êtes plus libre de négocier quoi que ce soit mes amis ....


    • demissionaire bonalors 8 juillet 2017 17:57

      @bonalors
      que mon ex femme a fait avec un autre - Dieu m en garde ma femme et seule vraie femme, l autre etait juste une erreur, est une personne humaine extraordinaire


  • John Doe 8 juillet 2017 18:00

    Ce n’est pas assez rentable 12.000 mille suicides annuels pour les pouvoirs publics 
    « La phrase qui tue, c’est trop rentable pour être dramatique ??? »
    En gros, ils nous font comprendre hey les gars donner un peu plus de votre vie !

    Plus de morts moins de retraiter 
    Je suis sur qui vont tout faire pour pousser le bouchon que les gens se tuent !


    Moi, je dis, c’est pas assez rentable faut plus de morts ! :-)

    Ce n’est que de l’humour et si des gens ont perdu des êtres parmi vous qui se sont suicidés, j’en suis désolé...


  • Old Dan 9 juillet 2017 02:21

    L’économie (libérale) repose sur :
    - la pub
    - le crédit
    - l’obsolescence programmée.
    .
    [ Pour gagner un p’tit sou, les z’actionnaires n’ont rien à foutre des suicidés ]


    • demissionaire bonalors 9 juillet 2017 11:16

      @Old Dan
      pas vraiment autant de retraite en moins et c est loin d etre negligeable,
      Avec la cigarette, le gov collecte un max de taxes, et apres les gens meurent apres 50 ans d un cancer du poumon assez fulgurant donc peu couteux, et une retraite de plus de gagne bravo

      Alors mettons un max de stress, salaire bas, instabilité, conditions de travail déplorable, et le tour est joue les gens se mettent a fumer comme des pompiers ...

      Macron va mettre le paquet a 10 euros pour aider les gens a mourir mais surtout ruine, il est sympa ce garcon il pense a notre sante ...


  • JC_Lavau JC_Lavau 9 juillet 2017 18:17

    D’habitude, les boucs émissaires et les souffre-douleurs, on les suicide avant qu’ils aient pu parler, et encore moins écrire.

    Mais là scandale ! Il y en a un qui a survécu, certes estropié, mais survivant.
    Ça ne fait pas l’affaire de vos maîtres-marionnettistes ni de leurs sous-chefs, qui tiennent à leur priorités : ne pas laisser pas de témoins gênants encore en vie.
    Je suis coupable de plusieurs délits d’incrédulité et de lèse-propagande : j’ai donc reçu nombre de menaces de mort...

    Je suis devenu scientifique parce que je préfère la vérité au mensonge et aux impostures. J’ai depuis dépisté nombre de fraudes, d’intox, et de crimes parfaits.

    Une constante : j’écris contre les impostures, contre les fraudes, contre les maltraitances et les crimes parfaits.
    Aussi les imposteurs et les tortionnaires me détestent, me détestent, mais me détestent !


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