samedi 8 février - par Giuseppe di Bella di Santa Sofia

34 jours pour une couronne : la chute du roi Humbert II et de la monarchie italienne

Monté sur le trône d'Italie dans l'ombre de la Seconde Guerre mondiale et des compromissions de son père avec le fascisme, Humbert II ne put empêcher la chute de la monarchie, en juin 1946. Son règne, de quelques semaines seulement, lui valut le surnom de "roi de mai". Contraint à l'exil, il porta jusqu'à sa mort le poids d'une couronne perdue et d'un pays qui lui avait tourné le dos.
 

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L'apprentissage du pouvoir dans l'ombre du Duce

Né en 1904, Humbert de Savoie était destiné dès sa naissance à un avenir hors du commun. Fils aîné du roi Victor-Emmanuel III, il grandit dans l'atmosphère feutrée de la cour italienne, recevant une éducation stricte et traditionnelle, préparant son futur rôle de souverain.

 

111 anni fa nasceva Re Umberto II | ITALIA REALE - Stella e Corona

 

Pourtant, l'Italie du début du XXème siècle est un pays en proie aux turbulences. La montée du fascisme et l'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini en 1922 bouleversent l'ordre établi. Victor-Emmanuel III, malgré ses réticences initiales, choisit de composer avec le Duce, inaugurant une période de collaboration entre la monarchie et le régime fasciste.

 

Vittorio Emanuele III e Benito Mussolini: Ultimo atto (2) - Quotidiano  Dell'Umbria

 

Humbert, jeune prince héritier, observe avec attention les jeux de pouvoir qui se déroulent sous ses yeux. Il effectue ses premières armes politiques et militaires, représentant la couronne lors de voyages officiels et de cérémonies publiques. Nommé général de l'armée en 1935, il participe à la campagne d’Éthiopie, épisode controversé de l'histoire italienne marqué par des accusations de crimes de guerre.

 

Humbert II (roi d'Italie) - Wikiwand

 

La "lieutenance générale du royaume" : un roi en attente

La Seconde Guerre mondiale met à rude épreuve la monarchie italienne. L'alliance avec l'Allemagne nazie et les défaites militaires successives ternissent l'image de Victor-Emmanuel III, perçu comme un souverain faible et complice de Mussolini. En 1943, après le débarquement allié en Sicile, le 10 juillet, et la chute du régime fasciste, le roi tente de sauver la monarchie en éloignant Mussolini et en signant un armistice avec les Alliés.

 

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Cependant, le pays est divisé. Le Nord est occupé par les Allemands, tandis que le Sud est sous contrôle des Alliés. Dans ce contexte chaotique, Victor-Emmanuel III choisit de se mettre en retrait et de confier la régence à son fils Humbert.

Le 12 juin 1944, Humbert est nommé lieutenant général du Royaume. Il prend alors les rênes du pays, s'installant à Salerne, siège du gouvernement italien. Il s'efforce de restaurer l'autorité de l'Etat, de rassurer les Alliés et de préparer le pays à l'après-guerre.

 

King Humberto II

 

Cette période de "lieutenance générale" est un véritable apprentissage du pouvoir pour Humbert. Il prend conscience des défis qui attendent l'Italie : reconstruction, réconciliation nationale, choix institutionnel entre monarchie et république. Il multiplie les rencontres avec les responsables politiques, les chefs militaires, les représentants de la société civile. Il s'engage personnellement dans des actions humanitaires, visitant les zones sinistrées par la guerre et soutenant les populations en difficulté.

Malgré ses efforts, Humbert ne parvient pas à redorer le blason de la monarchie. L'ombre du fascisme plane toujours sur la maison de Savoie, et l'opinion publique est de plus en plus favorable à la république. Le référendum institutionnel, prévu pour le 2 juin 1946, s'annonce comme un moment décisif pour l'avenir de l'Italie.

 

34 jours sur le trône : un règne éphémère

Le 9 mai 1946, Victor-Emmanuel III abdique officiellement en faveur de son fils. Humbert monte sur le trône sous le nom d'Humbert II. Il espère encore pouvoir convaincre ses compatriotes de maintenir la monarchie, mais le temps joue contre lui. Il ne dispose que de quelques semaines pour renverser la vapeur.

Humbert II s'investit pleinement dans sa nouvelle fonction. Il multiplie les déplacements à travers l'Italie, rencontrant les populations, prononçant des discours, participant à des cérémonies. Il tente de se présenter comme un souverain moderne, proche de son peuple, déterminé à tourner la page du fascisme et à construire une nouvelle Italie, démocratique et prospère.

Mais la tâche est immense. L'Italie est profondément divisée, marquée par les blessures de la guerre et les oppositions politiques. Les monarchistes, attachés à la tradition et à l'unité nationale incarnée par la couronne, affrontent les républicains, portés par l'espoir d'une nouvelle ère, démocratique et progressiste.

Le 2 juin 1946, les Italiens se rendent aux urnes pour choisir entre la monarchie et la république. Le scrutin se déroule dans un climat tendu, marqué par des accusations de fraudes massives et d'irrégularités. Le résultat est serré : 54,3% des votants se prononcent en faveur de la république, contre 45,7% pour la monarchie.

 

 

L'exil : une vie loin de la patrie

Le 13 juin 1946, Humbert II d'Italie monte à bord d'un avion, piloté par le capitaine Francesco Aurelio di Bella, un as de l'aviation et héros de guerre, qui le mène vers un exil qui durera 37 ans. Le gouvernement italien, craignant des troubles, lui interdit de séjourner sur le territoire national. Il s'installe d'abord au Portugal, puis au Brésil. Il ne reviendra jamais en Italie, sa terre natale.

 

Joyeux… Humbert II | Roijoyeux

 

L'exil est une épreuve douloureuse pour Humbert II. Il vit loin de sa patrie, séparé de sa famille et de ses amis. Il conserve néanmoins un profond attachement à l'Italie, suivant de près l'actualité de son pays et gardant l'espoir d'un retour possible.

Humbert II décède le 18 mars 1983 à Genève, en Suisse. Il est inhumé à l'abbaye d'Hautecombe, en Savoie, nécropole des rois d'Italie.

 

 

Les ombres du référendum : un verdict contesté ?

Le référendum du 2 juin 1946 qui mit fin à la monarchie italienne reste entouré d'une aura de controverse. Dès l'annonce des résultats, des voix s'élevèrent pour dénoncer des irrégularités et des fraudes.

Parmi les critiques les plus fréquentes, on retrouve l'impossibilité pour les Italiens de la diaspora de voter, privant ainsi la monarchie d'un soutien important. De plus, des accusations de bourrage d'urnes et d'intimidation d'électeurs furent formulées dans certaines régions du Sud, traditionnellement favorables à la monarchie.

Il est également important de souligner le contexte politique tendu dans lequel se déroula le référendum. L'Italie sortait d'une guerre dévastatrice, marquée par des divisions profondes et des violences. La campagne référendaire fut âprement menée, les deux camps s'accusant mutuellement de tous les maux.

Enfin, la question de la validité juridique du référendum fut également posée. Certains juristes estimèrent que la Constitution italienne de 1948, qui instaure la république, ne reconnaît pas la validité du référendum de 1946.

Malgré ces controverses, le résultat du référendum ne fut jamais officiellement remis en cause. La république italienne s'est construite sur les cendres de la monarchie, et Humbert II demeure le dernier roi d'Italie, qui a finalement payé le prix fort des erreurs de son père, le roi Victor-Emmanuel III, et du compromis de la monarchie avec le fascisme. 
 



4 réactions


  • Seth 8 février 15:56

    Seriez pas un poil royaliste, mon cher Joseph ?  smiley

    Voire un poil berniste et un tantinet voiciiste ?

    Mais franchement : écrire un article sur 34 jours de pas grand chose pour un iexistant, n’est-ce pas excessif ?

    Mais je ne vous en veux pas. Et la Pasionaria, c’est pour quand ? Bien que son « no pasaràn » se soit révélé une erreur...


    • @Seth

      Vous ne saviez pas que j’étais monarchiste ? Pour l’Italie, je soutiens le prince Aimon de Savoie-Aoste et non pas Emmanuel-Philibert de Savoie, époux de l’actrice Clotilde Courau. Son père, Victor-Emmanuel de Savoie, fils du roi Humbert II, avait contracté un mariage morganatique. Il a donc perdu tous ses droits à la succession au trône d’Italie, malgré la reconnaissance officielle tardive de cette union par son père. Enfin, c’est très compliqué...

      Pour la France, je n’aime aucun prétendant pour le moment. Les fins de race conservateurs anti-IVG et homophobes, ce n’est pas du tout ma tasse de thé... 

      La Pasionaria était une communiste, donc il vaut mieux m’abstenir d’écrire un article sur elle, d’autant plus que je n’ai aucune haine contre elle. C’est son idéologie politique que je n’aime pas du tout.


  • Eric F Eric F 8 février 17:06

    La monarchie avait été trop compromise avec le régime fasciste, le peuple a tourné la page. L’écart au referendum est quand même significatif, mais tout camp perdant tend à parler de bourrage d’urne, faute peut être d’avoir pu y procéder lui-même.


    • @Eric F

      Oui, le roi Victor-Emmanuel III avait peur que le communisme s’installe en Italie, dans les années 1920. C’est pour cette raison qu’il avait nommé Benito Mussolini au poste de président du Conseil des ministres du royaume d’Italie, après la marche sur Rome de 1922. 

      Le problème du référendum de 1946 est que la diaspora italienne, qui était importante et favorable à la monarchie, n’a pas été autorisée à voter. De plus, les votes de certaines provinces italiennes ont été écartés pour des raisons assez obscures. 

      Mes grands-parents paternels ont quitté l’Italie, par fidélité à la monarchie, quelques jours après le roi Humbert II. 


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