samedi 11 mars 2017 - par Olivier MONTULET

A propos de la journée de la Femme _ La femme, l’autre par excellence

A propos de la journée de la Femme

La femme, l’autre par excellence

Nul ne peut décemment nier que la femme, et singulièrement dans notre société, ne jouit pas de la reconnaissance sociale dont jouit le mâle(1).

Ce n’est naturellement pas une fatalité anthropologique puisqu’il a existé et existe encore des sociétés et des organisations (y compris dans notre société) matriarcales.

Mais une société parfaitement égalitaire est-ce une chimère ?

La question de l’égalité

Souvent la volonté de l’égalité est réduite soit à une question d’égalité devant la loi, soit à une égalité de moyens économiques ou autres, soit à être ramené à être tous identiques.

La définition de l’égalité que je propose, et dont je ne suis pas certain qu’elle serait partagée par tous les philosophes, est la suivante :

L’égalité est l’absence de hiérarchie de valeurs, quelles que soit celles-ci, entre humains, quels qu’ils soient, dans ce qu’ils sont mais aussi dans leurs capacités et donc aussi dans leur production. Ainsi, l’égalité rend l’humain et sa production in-quantifiable.

La question de l’altérité

Qui est l’autre ? Celui-qui n’est pas moi ?

Surgit ici la notion d’identité.

Qui est moi ? Celui qui n’est pas l’autre ?

Nous ne pouvons avoir une identité que parce qu’il y a l’autre en reflet de nous-mêmes. Nous ne pouvons être sans l’existence de l’autre. L’autre est mon alter ego indissociable de moi-même.

Porter soin (ou atteinte) à mon alter ego, l’autre, est porter soin (ou atteinte) à moi-même.

La question des spécificités

Les différences de l’autre n’existent que par mes différences par rapport à lui. L’autre n’est différent que dans la mesure où je suis différent de lui. Autre en tant qu’individu mais aussi autre en tant que caractères et spécificités propres.

Je ne suis un individu que parce que l’autre est un individu semblable mais différent de moi-même.

Je ne suis ce que je suis que parce que l’autre est ce qu’il est.

L’autre est un autre moi-même mais inatteignable, incompréhensible dans son identité intime car différent de ma propre identité intime.

La question anthropologique du sexe

La femelle et le mâle se distinguent physiquement par le fait de leurs organes génitaux spécifiques, par des sécrétions hormonales et des cycles biologiques différents, par des traits physiques sensiblement différents mais aussi par des comportements différents liés à ces différences innées ainsi qu’à des conditionnements culturels.

Cette différenciation à facteurs multiples et jamais univoque, fait de l’autre sexe l’alter ego par excellence. L’autre moi-même semblable mais inatteignable, l’autre moi-même mais incompréhensible car si reflet l’un de l’autre nous sommes séparé par le gouffre de notre originalité (solitude) personnelle respective.

La question sociale

Comme expliqué supra, mais c’est aussi vérifié par les expériences d’isolements volontaires ou involontaires (Robinson Crusoé), la vie commune est indispensable pour exister (Crusoé a inventé Vendredi son ami imaginaire).

Mais qui dit vie commune, dit confrontation à l’autre et à ses différences. La communauté, la société, défini les modes de régulation des conflits afin de permettre la vie commune dans un espace de proximité suffisamment apaisé et acceptable pour tous.

A cette fin, une organisation sociale se met en place de façon plus ou moins contrôlée par des rapports de forces entre individus, et cela y compris en démocratie.

Le rapport de forces est inhérent à la vie sociale. La possibilité de remettre ces rapports de forces en cause et d’en changer est la spécificité du régime démocratique parfait.

Les rapports de forces inhérents à la vie sociales et indispensables aux arbitrages deviennent domination quand ils ne peuvent pas être remis en cause et a fortiori quand ils ne peuvent plus changer. On tombe dans une société totalitaire quand la domination est monopolisée par la contrainte extérieure.

La contrainte peut revêtir de multiples formes, pressions physiques, d’autorité, morales et psychologiques, culturelles, institutionnelles et, plus subtiles encore, idéologiques, consensuelles (par consentement).

L’imaginaire, la projection, le désir, la jalousie, la compétition

L’impossibilité de toucher à l’intime du vécu de l’autre fait que nous nous projetons dans l’autre et interprétons ce que l’autre nous communique avec nos propres filtres perceptifs et notre propre compréhension du monde. La communication est un défit inatteignable puisque nous sommes condamnés à ne jamais savoir l’autre. Nous interprétons le réel et nous construisons une représentation de l’autre éloignée, voire très éloignée, de ce qu’il est.

Notre désir d’avoir ce que l’autre possède est nourri de l’imaginaire qui se représente l’autre comme plus avantagé que soi.

Dans une société ayant pour fondement la propriété privée(2) et où la compétition est présentée comme le seul mécanisme anthropologiquement légitime(3), pour partager la propriété et le pouvoir, c’est le rapport de forces qui s’impose comme naturel et normal.

Le désir de posséder ce que l’autre possède (ou ne peut posséder) est porté en culte par la publicité marchande. L’égalitarisme revendiqué ne peut souffrir de ce que l’autre possède ce que je ne possède pas.

La vision de l’autre comme étant mon reflet différent est aliéné par l’intrus qui me menace, l’étranger que je jalouse, l’immigré qui entre en compétition avec moi.

L’autre n’est plus mon alter ego, ma relation avec lui n’est plus source d’enrichissement réciproque inconditionnelle mais rivalité intolérable.

La victimisation de soi (ou de celui à qui on s’identifie) et la diabolisation de l’autre (ou de celui en qui on ne veut pas se reconnaitre ou avec qui on entre en concurrence)

Aujourd’hui la société individualiste prône la responsabilité individuelle en matière économique même quand l’individu n’a aucune prise sur la réalité économique à laquelle il est confronté.

Paradoxalement en favorisant l’égocentrisme, dans les relations humaines, notre société valorise la victime, celle qui serait atteinte dans sa liberté du fait des autres. En miroir, elle diabolise celui considéré comme ayant enfreint à la liberté d’un tiers. L’apriori est toujours favorable à la personne qui se déclare victime d’un abus. La reconnaissance du statut de victime permet aussi de réclamer réparation. Ce mode(4) de résolution du dommage, même les plus petits ou les moins matériels, est parfaitement conforme à l’injonction néolibérale de maximaliser l’occasion de profit qu’offre l’état de victime.

Ainsi les personnes sont inscrites dans une relation conflictuelle manichéenne et non plus dans une relation dialogique(5) entre personnes coresponsables d’une situation ou co-actrices d’un événement.

Les personnes se retrouvent d’emblée en opposition et en concurrence et non plus dans une relation d’alter égo pouvant inventer des modes de conciliation, de reconnaissance, de pardon propre et des modes de réparations négociés sans rapport de forces, d’égal à égal, entre deux êtres égaux.

L’installation d’une sorte de néo-puritanisme

Le refus de la confrontation à l’autre, du conflit fait que toute parole, tout geste de l’autre devient agression. Résultat d’une part on se réfugie dans un monde distant de l’espace public et social, dans les contacts au travers d’écrans ou dans des foules impersonnelles, des activités éméchées, imbibées de substances, musiques, sensations inhibitives et d’autre part par l’évitement du contact direct, du regard dans les yeux et du contact physique. Ce refus mène à un néo-puritanisme où la moindre drague devient geste déplacé et agression insupportable, où, plus généralement, toute interaction est suspecte plutôt que contact social inhérent à l’espace public. Tout contact est pris comme dangereux et intolérable en évacuant d’emblée les signifiants agréables ou courtois qu’ils peuvent véhiculer.

Ce néo-puritanisme engendre un repli sur soi toujours plus grand et une suspicion toujours plus grande, le risque imaginaire, l’agression anticipée rendant l’interaction impossible. Cela au point que sont lancé des appels à la pénalisation de ces interactions humaines. La résolution des conflits n’étant plus négociée librement mais que par la loi. Or, la loi, il me semble, devrait se contenter, au moins dans les relations interpersonnelles, à garantir le cadre de la négociation afin d’y protéger un rapport de forces équilibré, seuls les faits les plus inacceptables(6) devant être sanctionnés par la loi.

Au-delà, cette déresponsabilisation constitue une infantilisation des acteurs sociaux les privant de leur autonomie synonyme d’une perte de confiance dans les citoyens et de leurs capacités à vivre en société. Refuser ainsi le risque en se réfugiant sous la protection de la Puissance Publique, c’est renoncer à assumer ses responsabilités.

Le conformisme comme mode de cohésion sociale et comme modalité de la permanence de l’ordre établi de La « démocratie » libérale-capitaliste

Le conformisme est une nécessité sociale pour que les relations sociales puissent s’épanouir et l’éducation et l’enseignement ont pour fonction de nous inscrire dans ce conformisme qui constitue notre culture.

La particularité de la société démocratique libérale c’est qu’elle fabrique le consentement par des désirs et des promesses qu’intériorisent les individus, cette intériorisation uniformise les individus en réduisant leur identité propre, leur personnalité, tout en les rendant égocentriques et narcissiques. Ce consentement généralisé aliène toute possibilité de véritable débat alors que le débat est le mode opératoire intrinsèque à la démocratie. Les débats, lorsqu’ils ont lieu, se font dans la limite du consensus qui assure la non-remise en cause de l’ordre établi et dans les seuls termes, souvent polarisants, de revendications corporatives (néo-poujadisme).

Assumer sa masculinité et sa féminité et les limites que cela implique

Nous sommes construits de matériaux innés, inhérents à notre constitution biologique, façonnés par notre éducation, notre culture, nos expériences.

Nous sommes porteurs de ces qualités que nos parents nous ont léguées que nous avons façonnés aux contacts des autres. Cette histoire intime nous ouvre des horizons et nous en ferme d’autres. Des horizons ouverts et fermés de facto différents de ceux des autres. Des horizons avec leurs riches paysages et leurs coins sombres.

Une chose certaine c’est que, bien que différents des nôtres, les perspectives de nos alter ego n’offrent pas moins de possibilités d’épanouissement, de joies, de frustrations et de peines que les nôtres (et vice versa). Pourquoi devons-nous désirer les horizons qui s’offrent aux autres ?

Bâtir ses projets, se donner les moyens pour les atteindre ne consiste-t-il pas, au départ, à accepter les contraintes, à les dompter et à les vaincre ? Quelle que soit notre situation, notre état n’est-il pas notre condition indépassable d’accepter les contraintes que la vie nous soumet ?

Vouloir modifier ces conditions externes à nous-mêmes est certainement légitimes mais doit-t-on le faire de façon compétitive et conflictuelle ?

Rapports de classes ou luttes pour légalité ?

La société néolibérale (dite postmoderne) nie la réalité des rapports de domination de classes pour mettre en avant la lutte pour le traitement égalitaire des particularismes (les particularismes étant revendiqués comme des identités légitimes en compétitions concurrentielles entre elles dans une recherche effrénée d’une égalité mythique).

Est-il juste d’évacuer les rapports de domination de cette manière ? Ne sont-ce pas ces rapports de domination qui affectent la personne et son alter ego ? Il me semble que la compétition qu’induit la lutte pour l’égalité accroit les rapports de domination au lieu de les apaiser.

Ne serait-il pas plus judicieux de réinstaurer la lutte des classes, ce combat pour l’abrogation des rapports de dominations par une dialogique démocratique régulateur des désirs d’appropriation des biens et du pouvoir ?

Le respect comme reconnaissance de l’autre, de la différence, l’égalité comme acceptation des différences.

Mon alter ego me forge comme je le forge. Nous entrons en relation donc en conflit. Comment réduire ce conflit, ou du moins sa violence intrinsèque. Outre son acceptation en tant que condition indépassable du rapport à autrui, n’est-ce pas la reconnaissance réciproque de l’autre qui s’exprime par l’écoute et le respect mutuels qui assure l’égalité symbolique des personnes, première étape indépassable, elle aussi, pour que l’un et l’autre ouvre la place aux désirs de l’autre et à sa jouissance ? …

L’égalité en définitive n’est-ce pas l’acceptation, la reconnaissance des différences ? … Tous égaux car tous différents ? Personne ne pouvant se prévaloir d’être plus (ou moins) que qui conque ? … Juste pouvant se prévaloir d’être légitimement différent ? ...

Comme dans un écosystème, n’est-ce pas la diversité qui fait la richesse ? … L’originalité qui ouvre de nouvelles possibilité, la différence qui nous permet d’apporter à nos alter ego un plus qui nous enrichi mutuellement ? …

Ne devons nous pas valoriser l’originalité, les différences plutôt que nous ériger en concurrents irréconciliables ? … N’est ce pas ça la trilogie indivisible qu’est liberté-égalité-fraternité ?

Olivier MONTULET

  1. J’utilise sciemment le terme mâle plutôt qu’homme non seulement pour distinguer le mâle humain de l’individu homo sapiens mais surtout parce qu’il comporte en lui-même l’idée de la domination qu’il exerce.
  2. Ce qui est un trait culturel et n’est pas une fatalité anthropologique.
  3. Ce qui n’est qu’idéologique et sans fondement anthropologique ou naturel effectif.
  4. Ce qui est un trait culturel et n’est pas une fatalité anthropologique.
  5. En forme de dialogue.
  6. En particulier l’usage d’un rapport de forces déséquilibré à son avantage par nature assimilable à du chantage.


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