samedi 4 janvier 2020 - par VICTOR Ayoli

Accident du travail à Bagdad. Un général meurt

Requiescat in pétroleum

L’élimination d’un général iranien à Bagdad ? Une péripétie dans la grande guerre de religion du 21e siècle qui sévit à une portée de missile de Riyad, le Yemen, entre les deux puissances dominantes de cette poudrière qu’est le Moyen-Orient : l’Arabie saoudite et l’Iran. Et derrière cette dimension religieuse de confrontation entre deux des principales branches de l’Islam – sunnites contre chiites – on retrouve l’antagonisme millénaire, ancestral entre Arabes et Perses. Ceux-ci, depuis 2 500 ans, sont la puissance dominante de la région. Et comptent bien le redevenir. Pour ce faire, le rapprochement avec le monde occidental est indispensable, d’où la souplesse stratégique qui a débouché sur les accords sur le nucléaire iranien, voulu par Obama. Mais voilà que cette « lumière yankee éclairant le monde » - Trump - fout tout en l’air en écrasant cette fragile avancée sous son gros cul. Pas en « neutralisant » un général iranien. Un général qui meurt ailleurs que dans son lit, finalement ce n’est qu’un accident du travail.

L’Iran, c’est un territoire énorme de 1 648 195 km2, soit plus de trois fois la France, s’étendant de la Turquie et de l’Irak à l’Ouest au Pakistan et à l’Afghanistan à l’Est, de la Caspienne et la Russie au Nord à la mer d’Oman au Sud. Près de 80 millions d’habitants, éduqués, et parmi les toutes premières ressources pétrolières et gazières du monde. Les forces armées iraniennes ont un effectif total de 755 000 militaires auxquels doivent s’ajouter les Pasdarans (gardiens de la révolution, dont le général victime de cet accident du travail était le patron) au nombre de 230 000… Ce sont 1 600 véhicules blindés, 300 avions, 3 sous-marins, etc. Du rugueux comme l’a montré dans les années quatre-vingt, la terrible guerre contre l’Irak de Saddam Hussain. Comme on peut le voir, c’est du lourd.

En face, l’Arabie saoudite, avec une superficie autour de 2 millions de km2 pour une population de 30 millions d’habitants dont près du tiers d’étrangers. C’est un pays féodal rétrograde, fanatique, où règne la loi obscurantiste de la charia, où l’on décapite, lapide, ampute en public. C’est aussi le premier pays exportateur de pétrole et – à ce titre - « l’ami », l’allié des États-Unis et des Occidentaux, pas très regardant sur la morale et s’asseyant allègrement sur les Droits de l’Homme dès qu’il y a du pognon et du pétrole en jeu. Son armée (environ 300 000 hommes) est une des mieux équipée du monde : des milliers de blindées parmi les plus modernes, 400 pièces d’artillerie, des sites de missiles, des milliers d’armes guidées, 600 avions de combats, mais encore une marine conséquente avec des corvettes modernes, des frégates, des patrouilleurs, transports de troupes, etc. Un arsenal impressionnant, mais encore faut-il avoir le personnel qualifié et… motivé pour le mettre en œuvre ! Mais cette armée, conçue pour des combats frontaux, type dernière guerre mondiale, n’est pas adaptée aux actions de guerrilla dans laquelle elle s’enlise au Yemen.

Cette guerre a été déclenchée par le dernier avatar des roitelets féodaux au pouvoir à Riad, le dénommé Mohammed ben Salmane al-Saoud, un pote à Macron. Il a voulu « faire le beau » en se mêlant des querelles internes yéménites, il en paie le prix : sept milliards par mois, son armée en dentelle ridiculisée sans compter la honte de se faire bombarder des installations pétrolières au nez et à la barbe de tous ses « spécialistes » et malgré les armements sophistiqués de ses amis yankees !

Né de la fusion difficile du Yémen du Nord et du Sud, le Yémen est une terre de bordel permanent, avec un pouvoir faible toujours contesté, des mouvements rebelles, des rivalités tribales, des tentations sécessionnistes et le territoire de naissance d’Al Qaïda qui y est solidement implanté et s’empare de territoires entiers où elle forme les tueurs qu’elle exporte dans le monde entier (les assassins de Charlie, les frères Kouachi s’y étaient entraînés). Ceci sur fond de rivalité religieuse entre sunnites (deux tiers de la population de 30 millions d’habitants) et chiites. On ne sait plus qui y gouverne… Bref, le foutoir. En face de la coalition menée par Riad (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Bahreïn, Koweït, Qatar, Jordanie, Soudan, et le Maroc, soit huit pays du Machrek et du Maghreb, plus le Pakistan), les rebelles Houthis, partisans, comme leur nom l’indique, de Abdel Malik Al-Houthi, un leader basé dans la province de Saada (nord), de confession zaïdite, une branche de l’islam chiite.

Et l’Iran dans ce foutoir ? Téhéran, traditionnel rival de Ryad au Moyen-Orient, a mis en garde contre une propagation du conflit yéménite à d’autres pays. Il arme et soutien les « rebelles » qui sont chiites face aux sunnites soutenues par Ben Salman. Toujours la guerre de religion..

Et les Occidentaux dans ce bordel ? Les USA, chroniquement à côté de la plaque, soutiennent la coalition menée par l’Arabie saoudite (bombardement par drones, armements). Ouais mais ça donne du boulot aux Yankees qui travaillent dans les usines de belles machines à tuer étasuniennes.

Quant à la France, espérons que Macron a rappelé à Salman, lors de leurs rencontres, que notre pays, malgré Trump, reste attaché à la préservation des accords sur le nucléaire iranien et à l’intégrité du Liban, ce pays cher au Français. Ouais mais l’Arabie saoudite nous achète à nous aussi nos belles machines à tuer. Alors, un client, c’est un client pour notre président mercanti et banquier.

Entre les Iraniens, puissance essentielle de la région et les pays arabes dont Salman se voudrait le lideur, il n’a pas à choisir mais à essayer de rapprocher. Parce que nous aurions tort de cyniquement penser que « tant qu’ils se battent entre eux, chez eux, ils nous foutent la paix, et en plus on leur vend des armes pour des milliards ! ». Parce que ce chaos va immanquablement accentuer encore la fuite de populations décimées par la famine de ces lieux de guerre. Et elles viendront où chercher refuge ? Devinez.

Bon. Allez, dans quelques jours va partir une course célèbre, le Paris-Dakar. Il ne partira pas de Paris et n'arrivera pas à Dakar mais déroulera son enfumage… en Arabie saoudite ! On peut s'attendre à du sport. Les Iraniens doivent déjà s'en lécher les crocs !

Photo X Droits réservés



15 réactions


  • phan 5 janvier 2020 10:41
    Gagner la guerre sans combattre selon Sun Tzu : Qassem Soleimani a gagné la bataille de Bagdad, les Yankees de merde vont quitter l’Irak la queue entre les jambes !!!
    La première saison de « L’ Apprenti Sorcier », l’émission de télé-réalité iranienne :
    « Mister Trump, vous êtes viré ! » - titre du premier épisode.

    • phan 5 janvier 2020 18:47

      @kimonovert
      Même mort il a réussi à avoir le respect des chiites, des sunnites ... voir même des non croyants ! Qassem Soleimani avait joué un rôle de premier plan pour permettre aux forces militaires de la Syrie et de l’Irak pour empêcher la chute de Damas et de Bagdad face aux assauts des organisations terroristes forts du soutien tous azimuts que les États-Unis, le régime israélien et leurs alliés européens et régionaux leur ont accordé pour démembrer la Syrie et l’Irak.

      « En anéantissant la tumeur cancéreuse et mortelle qu’était Daech, il avait rendu un immense service aux peuples de la région, aux nations musulmanes, à toutes les nations et à l’humanité tout entière. »
      Récitez bêtement les pages de wikimerdia et relayez la propagande des Yankees de merde si ça vous chante, voilà un cadeau d’année nouvelle (surtout à 20:04)...

  • mursili mursili 6 janvier 2020 08:47

    Idem pour moi. Au fond, l’assassinat de Trump, de Macron ou de Netanyahu, IDGAF...


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 6 janvier 2020 10:04

    Article un peu lèche boule non ?

    Pour la défense du diable (Trump), savez-vous que les conservateurs iraniens eux-mêmes, ceux qui ont la réalité du pouvoir, n’ont jamais voulu de l’accord sur le nucléaire ?

    Alors, venir dire que c’est la faute à Macron... sans commentaire smiley


  • velosolex velosolex 6 janvier 2020 11:04

    L’analyse est vraiment café du commerce. « C’est du lourd » « Ce bordel » « Tout ce foutoir ». J’en passe…..C’est pas ’histoire expliquée même pas aux nuls, mais carrément aux types bourrés. On est loin des motifs et des arabesques persanes...Toute le drame iranien vient des états unis, comme le rock an roll pour Eddy Mitchell. Au début, dirons nous, pour faire court, il y eut le bon docteur Mossadegh, qui nationalisa dans les années 50 les compagnies anglo américaines de pétrole. Les usa organisèrent des manifestations bidons, et imposèrent le chah, qu’ils amenèrent des états unis. On connait le reste, le retour du religieux en conséquence. .Ce pays a un potentiel immense, non seulement économique, mais humain. Il est maintenant réduit à un rôle misérable, et les iraniens sont entre le marteau et l’enclume, soumis à un régime qui s’est construit comme un cancer sur un organisme affaibli

    La France ne bronche pas quand on a les ricains font ce crime d’état, au delà de toute convention politique, inédit. On sait depuis longtemps pourquoi on était lâche dans les années 30. On nom de la raison, qu’on disait. Cela rappelle l’attentat de Sarajevo, dans la violence, et les conséquences incalculables. Le cow boy trump cette fois ci a renversé carrément le billard. Demain ça sera le tour de la terre. 

    L’article finit en fait là où il devrait commencer ; Le paris dakar, qui passe par les émirats, leur donnant une caution morale, comme des mercenaires. Moi, je ferais attention à mes pneus. 


  • Trelawney 6 janvier 2020 12:13

    Le désert est un endroit hostile, où la seule qualité exigée pour y survivre est l’intelligence. les habitants manquant d’intelligence n’ont pas survécu dans ces régions. La génétique a fait le reste et la ruse, la malice, la duplicité et l’habileté intellectuelle, sont des qualités dont l’iranien, comme tous les habitants de cette région ne manquent pas.

    Vous pensez que les iraniens vont répondre instantanément à ceux qu’ils considèrent comme une déclaration de guerre ? Bien sur que non. Ils vont comme à l’accoutumé attendre le moment propice, c’est à dire au moment où les USA ne s’y attendront pas, pour donner une réponse adéquate.

    Les irakiens viennent de voter une résolution dénonçant le stationnement des troupes américaines sur leur sol. Est-ce qu’ils vont les inviter à partir ? Bien sur que non. Il disent seulement qu’ils ne garantissent plus la sécurité des américains (soldats comme consultants) sur leur sol. Autrement dit Al Qaida comme Daesh, la chasse est ouverte !

    Les pays de l’Europe (France RU Allemagne) assurent le minimum en garantissant aux USA leur soutien indéfectible, tout en demandant aux iraniens de ne pas renoncer à l’accord sur le désarmement nucléaire. Ils ont déjà lâcher l’affaire en laissant seul les USA gérer leur merdier.

    A quelque mois des élections, Trump sera obligé d’envoyer massivement des troupes et du matériel en Irak. Troupes qui dès qu’elles sortiront de leurs bases seront immédiatement la cible d’attentat suicide. On verra si la presse américains publiera la photo des soldats morts comme ils l’ont fait pour le Vietnam


  • Kapimo Kapimo 6 janvier 2020 13:15

    Solaimani, c’est le Che Guevara des peuples musulmans, en mieux. C’est celui qui a aidé les afghans à combattre les talibans en 2002, celui qui a aidé le Hezbollah à battre Israel en 2006, celui qui a aidé les Irakiens à mettre Daesh dehors et à renvoyer les kurdes des territoires historiquement arabes, celui qui a aidé les Houtis résister victorieusement et à endommager gravement l’infrastructure pétrolière Saoudienne.

    Soleimani, c’était un général victorieux, le meilleur soldat des forces spéciales au monde, et de plus un grand diplomate capable de faire combattre cote-à-cote des ennemis d’hier. Aucun général du camp impérial anglo-sioniste n’arrive a sa cheville.

    Soleimani a redonné de la fierté, de l’honneur et du courage aux peuples musulmans qui combattent l’empire. Sa mort est une grande perte immédiate pour l’Iran, mais elle aura pour effet de galavaniser les combattants à l’empire. Les assassins de la secte qui ne connaissent que le langage de la violence ont une fois de plus commis une bourde : la psychopathie a ses points faibles.



    • Olivier Perriet Olivier Perriet 6 janvier 2020 13:58

      @Kapimo

      psychopathie, oui, quand on vous lit, on comprend ce que ça veut dire smiley


    • Kapimo Kapimo 6 janvier 2020 17:56

      @Olivier Perriet

      C’est un plaisir d’échanger avec vous, on sait qu’on va directement dans l’attaque ad hominem, et économiser ainsi sur la longueur des messages. Bref, le néant.
       smiley


    • xana 6 janvier 2020 18:49

      @Kapimo
      Ne faites pas attention. Olivier Perriet, c’est notre bouffon à nous.


    • Trelawney 7 janvier 2020 06:57

      @Kapimo
      Solaimani est avant tout le chef des Pasdaran (gardien de la révolution), qui ne sont pas vraiment des gens fréquentables, même pour un iranien.
      Trump a fait une énorme connerie en s’attaquant à un type de la sorte, mais en restant tout à fait objectif, ça n’est pas vraiment une grande perte pour l’humanité


    • Kapimo Kapimo 7 janvier 2020 23:02

      @Trelawney

      Ce n’était pas le chef des Pasdaran, c’était le chef de la force Al Qods (forces spéciales chargée de former/armer/financer/coordonner l’axe de la résistance en Irak/Afghanistan/Yemen/Liban/Syrie).
      Sinon, selon le dernier sondage de l’Université du Maryland (institution très sérieuse) d’Octobre 2019, c’était l’homme le plus populaire en Iran, avec 8 Iraniens sur 10 qui avaient une bonne opinion de lui.... On attend de tels niveaux pour nos ploutocrates occidentaux.
      https://cissm.umd.edu/research-impact/publications/iranian-public-opinion-under-maximum-pressure
      Meme le gendre du Sha lui a rendu honneur il y a peu.
      C’était un très grand personnage.

      Informez vous sérieusement, au lieu de ressortir les poncifs (souvent racistes) de la presse occidentale.


  • xana 6 janvier 2020 18:56

    Et aussi merci à vous pour cet hommage à Qassem Soleimani. Plus j’en apprends sur lui, plus cet homme me semble admirable. Et comme on dit : L’ennemi de mes ennemis est certainement un ami qui s’ignore...

    Par contre ceux qui insultent sa mémoire, par parti pris plus que par ignorance, sont définitivement des ennemis, et à traiter comme tels...


    • xana 6 janvier 2020 21:39

      @xana

      Ouille !
      Je sens que tatamivert va m’envoyer un nouvel « avertissement »... 

      Pourquoi ? Pour l’avoir (c’est évident) « menacé de mort » puisque j’ai écrit qu’il était « définitivement un ennemi et à traiter comme tel ».
      Ciel, il va me dénoncer au Décodex ! Peut-être même à Castaner !

      C’est vrai. Les gens comme lui, ou comme Pattacux, me font gerber.
      Et c’est encore vrai : Si j’apprenais qu’ils se sont fait écraser par un camion, je plaindrais le camionneur.
      Mais je plaide non-coupable, car je suis bien incapable de les retrouver, et a fortiori, de les balancer sur la chaussée par temps de verglas.
      Tout comme eux d’ailleurs seraient incapables de me retrouver...


  • AmonBra QAmonBra 8 janvier 2020 06:46

    Bonjour à tous.

    Qui sème le vent récolte la tempête !

    Nommée « opération Soleimani », la riposte iranienne est tombée bien plus rapidement que prévue, signe que les forces iraniennes était prêtes de longue date à toutes éventualités.

    Sous toutes réserves & compléments d’informations, la base de al Assad et, surtout, d’Erbil dans le Kurdistan irakien, considérée comme le centre opérationnel du Mossad en Irak, viennent d’être rayées de la carte par des missiles iraniens.


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