vendredi 20 juillet 2018 - par Elric Menescire

Affaire Benalla : retour sur un scandale d’Etat

Affaire Benalla : retour sur un scandale d’Etat

Résumons : un proche collaborateur du président, Alexandre Benalla, garde du corps et ami intime de Macron, est filmé hors de tout cadre légal, déguisé en policier, sur un cortège du premier mai. Il y tabasse joyeusement plusieurs personnes, avant de s’éclipser, brassard de police, talkie-walkie et casque sur la tête.

Le ministre de l’Intérieur Collomb est informé des faits dès le 2 mai : il aurait diligenté une enquête et aurait informé le directeur de cabinet Patrick Strzoda, dont dépend Benalla. Ce même Strzoda, informe directement le président qui « aurait demandé des sanctions ». Ledit barbouze écopera de 15 jours de suspension et réintègrera un bureau à l’Elysée. 

18 juillet : une vidéo, filmée sur un portable par un militant de la France Insoumise, fait surface dans l’édition internet du Monde. On y reconnaît clairement ledit Benalla. L’affaire s’emballe immédiatement, la FI monte au créneau, suivie de près par l’opposition communiste et de droite. A l’Assemblée, où le projet de loi de révision de la Constitution doit être discuté, malgré les tentatives d’étouffement par le président de Rugy, et le rejet d’une demande de commission d’enquête parlementaire par les députés godillots de la majorité, l’opposition ne s’en laisse pas compter. Dès le 19 juillet la pression monte : les députés de l’opposition, tous bords confondus, multiplient les interventions pour demander des explications au gouvernement.

Hormis la ministre de la Justice Nicole Belloubet, qui affirme que « cet individu était présent sur les lieux sans aucune autorisation » (et qui contredit donc les affirmations du chef de cabinet Strzoda, qui lui avait affirmé l’inverse), le gouvernement fait la sourde oreille. Le porte-parole du gouvernement tente de justifier l’injustifiable en arguant que « la sanction envers M Benalla est la plus grave jamais prononcée envers un chargé de mission à l’Elysée ». Il aurait même été rétrogradé sur des affaires internes, ce que viennent contredire quelques heures plus tard d’autres révélations (images du bus des bleus, et de la panthéonisation de Simone Veil…). Loin de calmer les choses, ces déclarations contradictoires et clairement hors-sol font l’effet d’un jerrycan d’essence jeté sur un barbecue. 

Macron, en déplacement, répond maladroitement aux journalistes qui se font insistants : « Monsieur le président cette affaire n’entache-t-elle pas la République ? » « non non, la république, elle est inaltérable ».

 

L’emballement

Au fur et à mesure les révélations s’enchaînent : un autre collaborateur, Vincent Crase, aurait aussi fait partie de l’équipée barbouzarde, on le voit sur les vidéos. Le passé plus ou moins trouble de Benalla remonte à la surface médiatique : un gros nerveux manifestement, ce Benalla. Il a déjà plusieurs affaires sur le dos : tentative de port d’arme prohibée, coup de poing contre un photographe, intervention musclée contre un journaliste de Public Sénat, licencié par Arnaud Montebourg après un délit de fuite après avoir provoqué un accident… il s’est aussi affiché sur les réseaux sociaux en visite au Maghreb, aux côtés de gros bras armés jusqu’aux dents… la commission des lois de l’Assemblée se dote exceptionnellement des pouvoirs d’une commission d’enquête parlementaire, sous la pression conjuguée des oppositions FI+LR+PC+PS. Ses travaux doivent commencer le 23 juin selon le président de Rugy, désormais bien piteux.

Par ailleurs, le syndicat VIGI CGT police dépose plainte pour « usurpation de fonction » et « usurpation de signe réservé à l’autorité publique », ce qui oblige à la nomination d’un juge d’instruction. La chaîne de commandement est désormais mise en cause : le courant commence à remonter largement près des premiers fusibles…

20 juillet : l’affaire devient affaire d’État. Les révélations s’enchaînent toutes les heures, selon un rythme désormais bien connu : régulièrement des tuyaux font surface dans la presse, et ça creuse, ça creuse. Silence assourdissant du côté de l’exécutif et du gouvernement. Les députés LREM sont quant à eux comme paralysés. La gestion de crise de la macronie rappelle celle de l’affaire Léonarda par la hollandie : elle est piteuse, quasiment inexistante et très souvent à côté de la plaque. A l’image de ce Castaner qui affirmait maladroitement, contre toute évidence et ce dès le 18 juillet, que « personne en France n’est au-dessus des lois ». Manifestement, ça n’était pas le cas pour tout le monde…

A la mi-journée, l’Assemblée est complètement paralysée, l’opposition rejetant en bloc les discussions sur le projet de loi de révision de la Constitution, multipliant les rappels au règlement à l’adresse du président de Rugy et de la majorité LREM. Les séances sont régulièrement suspendues. Le groupe FI porte une motion de censure envers le gouvernement.

Dès la mi-matinée, Benalla est licencié, placé en garde à vue et auditionné par les services de police. 
On apprend de surcroît que 3 policiers, dont deux commissaires (! !), ont été mis à pied car ils auraient transmis des images de la fameuse intervention, filmées par les caméras de vidéo surveillance de la préfecture de Police à… M. Benalla.

Collomb est désormais mis en cause par l’opposition, il savait dès le 2 mai, et n’a rien fait à part couvrir le sinistre homme de main… Le Sénat va l’auditionner, ainsi que la commission d’enquête nouvellement formée. 

 

Une gestion de crise calamiteuse, et des conséquences encore mal évaluées

Il semble désormais évident que cette affaire est devenue, malgré les dénégations gênées des membres de la majorité (du moins du peu qui ont osé braver les consignes et s’exprimer), une affaire d’Etat. L’Elysée est inexistante depuis le début, et ce qu’elle voulait faire passer pour une banale échauffourée est en train de lui exploser à la figure.

Un Ministre d’Etat, le premier flic de France en plus, ainsi que le président de la République, ont couvert les agissements délictueux d’un de leurs subordonnés. Dans les termes de l’article 40 du Code de procédure pénale, « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

On peut raisonnablement imaginer que Collomb y laisse sa chemise, histoire de protéger le président qui est directement mis en cause depuis plusieurs jours.

Quand à ce dernier, bien qu’il soit intouchable juridiquement parlant pendant toute la durée de son mandat, il ne pourra pas sortir de cette affaire sans y laisser des plumes. Cela parait désormais acté : cette affaire est celle qui vient de casser la magnifique dynamique de « la république en marche », dans une macronie où tout semblait relativement bien huilé…

L’effet coupe du monde de Macron n’aura pas duré 3 jours, un record, et sa popularité, déjà bien entamée, n’y survivra sans doute pas.

Au-delà de ces possibles développements immédiats, il y a bien sûr les nombreuses contradictions que cette affaire soulève : la vision macroniste du « dialogue social » et la soi-disant « exemplarité » d’un président qui n’hésite pas à sermonner un lycéen et à s’acharner sur lui, est mise à mal par ce même président qui au fond cautionne des méthodes de voyous, tout en s’affranchissant lui-même des règles qu’il n’hésite pas à porter en étendard, comme une marque de fabrique. 
Un désastre pour ce grand communicant.

 

Un bénéfice pour la démocratie, ou ce qu’il en reste

Le fait également de voir une opposition ressoudée sur des questions de principe, qui font, quoi qu’en disent et pratiquent certains, le cœur même de la République –exemplarité, devoir de transparence, probité des agents de la Fonction Publique et de leurs représentants–, et la formation de cette commission d’enquête –alors que la majorité avait déjà balayé de son revers de main coutumier cette possibilité– redonnent quand même un peu d’espoir dans cette démocratie qui semblait chaque jour s’enfoncer de plus en plus dans l’autoritarisme et le fait du prince.

Il existe malgré tout encore quelques mécanismes de contrôle et de sauvegarde qui semblent fonctionner, cette commission d’enquête en est la preuve, et le point positif dans cette affaire est sans doute à chercher là.

Autre sujet de satisfaction, et pas des moindres, la réaction de la presse dans son ensemble, qui relaie l’affaire et ce, quel que soit son bord. On a longuement constaté la compromission quasi généralisée de la presse mainstream française, qui a porté Macron au pouvoir et qui depuis plus d’un an désormais, lui déroulait le tapis rouge. Il faut bien constater aujourd’hui qu’avec cette affaire, la donne a changé : le ton n’est plus le même, la lune de miel semble bel et bien terminée, de BFMTV à Valeurs Actuelles, en passant par Libé ou LCI, tous ceux qui hier encensaient le président et son style, le golden boy de l’Elysée, sont désormais attentifs au développement de l’affaire et sont passés en mode « emballement médiatique maximum ». Au-delà de ce constat, c’est bien parce que ce quatrième pouvoir a repris en mains ses prérogatives, que l’exécutif n’a désormais plus le choix : comme de Rugy qui a dû plier devant la pression médiatique, le président doit s’exprimer dans les prochains jours, avant que tout ceci ne devienne incontrôlable.

 

Retour de bâtonInstant Karma Justice comme ils disent

Dernier point, et nous en resterons là, c’est quand même la gestion de l’affaire par la France Insoumise. Arrêtons de nous voiler la face : le timing était parfait, et cette affaire était sans doute sous le coude depuis un bon moment (depuis début mai en fait, rappelons-nous que les faits furent filmés par un militant FI et brusquement « sortis » dans l’édition du Monde du 18 juillet dernier).

Mais là aussi, c’est de bonne guerre : on peut hurler au loup, faire même des parallèles avec l’affaire Fillon, toujours est-il que comme le disait mon vieil ami Africain, « quand on grimpe au cocotier il vaut mieux s’assurer qu’on a le derrière propre ». La morgue de LREM, le verrouillage de l’Assemblé nationale par une majorité de députés godillots, ainsi que le mépris constant et renouvelé du président des ultra riches pour le peuple, toute cette accumulation trouve ici magiquement son dénouement dans un espèce de retour de karma absolument magnifique.

L’image bien lisse et donneuse de leçons de « la république en marche » a désormais volé officiellement en éclats, et il faudra attentivement scruter la réaction des français : resteront-ils sagement dans la torpeur estivale, post coupe du monde, qui semble les caractériser…ou bien demanderont-ils des comptes à ce gouvernement ? 

Les paris sont ouverts…



114 réactions


  • signéfurax 22 juillet 2018 12:11

    je pense que c’ est une sorte de publicité pour recruter du multiethnique.
     le manque de personnel dans l’ armée , la police et la gendarmerie incite nos élites a laisser faire ; le collomb manque cruellement de bras pour « sécuriser » l’ afrance.
    quand l’ otan demande toujours plus , il faut trouver des solutions simples et efficaces .


  • ZEN ZEN 22 juillet 2018 12:11

  • zygzornifle zygzornifle 22 juillet 2018 13:37

    Benalla est une « chance pour la France » , Macron l’a bien senti de suite..... 


  • ZEN ZEN 22 juillet 2018 14:59

    Pourquoi mon post, hyper critique sous l’ironie, a-t-il été éjecté ?


  • ZEN ZEN 22 juillet 2018 15:01

    Sorry, j’avais pas vu... smiley


  • BA 22 juillet 2018 15:01

    Une accusation terrible. Il faut penser que le journal de Joffrin disposait d’éléments pour la lancer.


    Lors du scandale du Watergate, le Washington Post eut la peau de Richard Nixon. Pour le protéger ses proches mentaient et leurs mensonges s’effondraient les uns après les autres. C’est que le journal américain avait une source haut placée qui l’informait. Son nom de code : « Gorge Profonde ».


    À l’Élysée, ou place Beauvau, il y a une « Gorge Profonde » qui renseigne les journaux. Le Monde, d’abord. On n’imagine pas un seul instant que sans son aide ce journal aurait pu identifier la brute qui frappait un manifestant à terre.


    Gérard Collomb, prétendument au courant de rien, ment.


    Bruno Roger-Petit ment. Les services de l’Élysée mentent. Et comme lors du Watergate, leurs mensonges s’effondrent les uns après les autres.


    Maintenant c’est Libération qui, à son tour, bénéficie de l’aide providentielle de « Gorge Profonde ». Il faut lire attentivement l’éditorial que Laurent Joffrin consacre à l’affaire. Il note – et c’est l’évidence » - qu’Emmanuel Macron est protégé par des dizaines de policiers spécialisés. Quel besoin avait-il d’un Alexandre Benalla ? Sauf à ce qu’il rende des services particuliers…


    Une preuve parmi d’autres : le boulet de l’Élysée habite dans une résidence appartenant à la présidence de la République. Une autre preuve : il accompagne toujours Macron dans ses déplacements privés, à la mer, à la montagne….


    Puis dans l’article vient le clou qui s’enfonce dans le cercueil du chef de l’État. Voici la phrase qui explique ce que Joffrin appelle « le mystère Benalla » : « Parce que c’est un proche qui a rendu tant de services ou qui en sait trop ? Hypothèses redoutables ».


    Redoutables en effet. Joffrin subodore, laisse entendre, procède par allusions. Le directeur de Libération doit savoir des choses que nous ignorons encore. Nous attendons avec impatience la prochaine livraison de « Gorge Profonde ».


    PS : Et le Journal du Dimanche révèle qu’après l’éclatement de l’affaire, Macron a téléphoné à Benalla ! Quand on vous disait qu’ils étaient proches, très proches…


    http://www.atlantico.fr/decryptage/affaire-benalla-et-liberation-enfonca-dernier-clou-dans-cercueil-macron-benoit-rayski-3459549.html


  • baldis30 22 juillet 2018 18:55

    Bonsoir,

    Et voici le ban et l’arrière -ban des défenseurs appelés au secours ..

     « Meuh non ce n’est pas le Watergate, Meuh non ce n’est pas le Watergate, Meuh non ce n’est pas le Watergate, »

    Puisque du haut ( probablement 1,90 mètre et plus de 100 kilogrammes) un historien vous le dit : 

    https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/l-affaire-benalla-est-elle-vraiment-du-niveau-du-watergate-on-a-demande-a-un-historien_2861961.html

    Puisque c’est un historien qui le dit ce doit être vrai et vous seriez du dernier malotru si vous ne le croyez pas !  smiley


  • SPQR audacieux complotiste chasseur de complot SPQR Sono Pazzi Questi Romani 22 juillet 2018 20:40

    Alexandre, le gland, le gros, le barbu, la bouse.......

    Manu au pays des bouses ..............  
     smiley

    LREM plus que godillot tout simplement misérable ....

    Le benjamin Griveaux qui disait du haut de sa morve ...Tout ce qui est excessif est insignifiant ....Alexandre est donc insignifiant comme son pote Manu l’embrouille ......
     https://vimeo.com/47188353

    Ce gouvernement de poufs et de débiles apparaît au grand jour à l’image de cet Alex Benalla ....Benalla doté d’accréditation et de pouvoir que l’on refuserait avec fermeté à un simple citoyen français de souche ...

    Au fait, Daech a t elle revendiquée la réussite de son coup tordu... ?

       smiley 


  • Esprit Critique 22 juillet 2018 23:52

    La Vrai question !

    De qui Benalla était -il l’amant ?

    Emanuel, Brigitte , ou les deux ?


  • eric 23 juillet 2018 13:41

    Scandale d’État ? J’espère...Avec le peu que j’en sache, et dont la moitié doit être faux, j’ai peur que tous cela ne relève plus de la mondaine.

    On a donc un mec, jeune et beau, style hypster, qui aurait 26 ans, bien de sa personne, très physique joliment barbu, présent au quotidien auprès du président, logé à proximité, payé 10 000 euros par mois pour « de la sécurité », nommé au choix lieutenant colonel de réserve dans la Gendarmerie, qui a accompagné au quotidien Macron avant pendant et après la campagne sans que Colomb ne le rencontre tout à fait...

    Cela me fait penser à Charles Albert le Duc de Luynes.

    Je tiens à préciser que les historiens les plus sérieux pensent qu’en réalité, Louis XIII n’était pas du tout, au moins exclusivement, homosexuel...

    Je n’était pas non plus hostile à ce que la femme de Fillon soit son attachée parlementaire.

    Au fond, qu’est ce qui serait le plus grave, qu’on ait un exécutif avec des méthodes ponctuellement un peu musclées de temps en temps, ou qu’on ait une coterie de copains et coquins, réunie par des goûts commun et qui gèrent le france comme une cour d’ancien régime avec des favorites se croyant tout permis ?


  • Heratokles 23 juillet 2018 14:11

    Vous semblez oublier qu’une terrible sanction fut prise à l’encontre de M. Benalla le 8 juillet dernier : le pauvre fut assigné à résidence au palais de l’Alma, une misérable dépendance de l’Élysée, là-même ou furent gardées au secret Mme Pingeot ainsi que sa fille.


  • troletbuse troletbuse 23 juillet 2018 15:12

    Déjà un fusible : le préfet qui va être démissionné et renommer un peu plus tard à un autre poste.


  • yvesduc 26 juillet 2018 15:56

    Un coup de pied dans le ventre ressemble presque à une caresse en comparaison de la politique menée par Macron…


  • Jonas 26 juillet 2018 18:40

     Scandale d’Etat ? Emballement honteux. 

    Alexandre Benalla , garde du corps et ami du président de la République commet une bêtise ,et aussitôt  l’opposition qui ne propose rien et la presse subventionnée qui n’a pas de sujets en ce début de vacances montent au créneau. 

    Alexandre Benalla, par son comportement , met en danger les Institutions de l’Etat et la République. 
     
    En revanche le socialiste Cahuzac, et son mensonge d’Etat , les écoutes téléphoniques de l’Elysées, le bateau torpillé avec mort d’homme sur ordre de cabinets noirs. Des assassinats de ministres des suicides Premier ministre ainsi qu’un conseiller à l’Elysées sous Mitterrand ont donné une bonne image de la République socialiste. Aucun scandale d’Etat, les socialistes sont des exemples . 

    Quant à la droite , avec Pasqua , et ses maffieux d’Action civique du RPF et Sarkosy avec Djouhri et Takiedidine  dans l’affaire de la Libye où les millions se distribuaient aux amis , il n’ y avait aucun scandale d’Etat. 


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