mercredi 16 septembre 2020 - par Laurent Courtois

Affaire Navalny : le triomphe de l’idiocratie

Si je vous dis que j’ai avalé 125 pilules de cyanure pour gagner un pari et survécu, vous ne me croiriez pas. Pourtant, vous croyez à l’empoisonnement de Navalvy au Novitchok et à sa guérison totale en trois semaines ! Des éléments inédits présentés dans cet article vous feront peut-être changer d’avis.

Le 20 août 2020, lors d’un vol entre Tomsk et Moscou, Alekseï Navalny fait un malaise obligeant l’avion à se dérouter et à se poser à Omsk. A son arrivée à l’hôpital, plusieurs heures après son « empoisonnement » supposé, il est placé dans un coma artificiel. Le lendemain son évacuation est autorisée et il arrive le 22 à Berlin dans un avion financé par l’ONG américaine prétendument allemande « Cinema for Peace ». Rapidement le diagnostic tombe : empoisonnement au Novitchok. Un neurotoxique que seul les russes possèdent, la tentative d’assassinat est donc signée, le Kremlin doit payer !

Ce scénario est digne de Hollywood, mais peut-il résister à une critique scientifique ?
 

Les trois mensonges de l’affaire Navalny :

Premier mensonge : le mobile, Navalny est le premier opposant à Poutine.

Les médias présentent Navalny comme le principal opposant à Poutine, alors qu’en réalité son poids politique en Russie est quasiment nul. Un sondage réalisé fin 2019 montre que deux russes sur trois ne connaissent pas les actions d’Alekseï Navalny et que seulement 9 % d’entre-eux ont un avis positif sur son action.

Un autre mantra répété par la presse occidentale, Navalny serait le leader de la jeunesse russe. Selon un sondage du Centre Levada réalisé en avril 2020 seulement 2% des moins de 25 ans se disent inspirés par A. Navalny.

Il apparaît donc que son poids politique est très faible et qu’en réalité les principaux opposants à Vladimir Poutine sont Guennadi Zoubianov du PKRF et Vladimir Jirinovski du PLDR. Le premier étant communiste et le second nationaliste, les médias occidentaux les ignorent préférant se reporter sur Alekseï Navalny plus compatible avec le concept de Société Ouverte.

Si A. Navalny ne représente pas grand-chose actuellement, peut-il devenir un danger pour le Kremlin ? Là encore, cela risque d’être une déception pour les russophobes en tout genre. La Fondation anti-corruption de Navalny (FBK) a été dissoute en juillet 2019. Ceci pour éviter de payer 1,2 million de dollars de dommages et intérêts cumulés lors de différentes condamnations pour diffamation. La somme peut paraître élevée mais elle n’a rien d’extraordinaire pour une ONG dont le budget annuel se chiffre en millions de dollars. En Octobre de la même année, la FBK a été reconnue comme « agent étranger ». En réponse à ces accusations A. Navalny prétend n’avoir jamais reçu d’argent de l’étranger. Cette déclaration semble très surprenante sachant que le compte en Bitcoins (wallet) de sa fondation a reçu en dons l’équivalent de 3,5 millions de dollars en valeur instantanée (6,5 millions de dollars au cours actuel). Ainsi la fondation du prétendu premier opposant du Kremlin a reçu 262,4 bitcoins (BTC) en 2017, 242,2 en 2018 et 109 BTC en 2019, ce qui équivaut pour cette année à 780.000 $. Le montant est à lui seul impressionnant et si on le compare à d’autres structures dissidentes russes comme Roskomsvoboda, Médiazona, the Insider le chiffre est encore plus choquant car les dons reçus par ces organismes en cryptomonnaies ne dépassent pas les 2 bitcoins… Ces mouvements en bitcoins ont entraîné en août 2019 l’ouverture d’une enquête du parquet financier russe. Depuis l’ouverture de cette dernière, les dons en cryptomonnaie ont chuté de plus de 80 % (seulement 37,2 bitcoins pour 2020).

Il apparaît donc que le « premier opposant » de Poutine est loin d’avoir le vent en poupe. En 10 ans, sa notoriété a surtout augmenté en Occident et bien peu en Russie où, il reste un personnage très marginal de la vie politique.

Le premier mensonge est donc de présenter Alekseï Navalny comme le principal opposant à Vladimir Poutine alors qu’il n’est en réalité qu’un acteur secondaire de la vie politique russe, dont la popularité stagne depuis plus de 10 ans.

 

Second mensonge : la spécificité de l’arme, la Russie serait le seul pays à posséder du Novitchok.

Avant de commencer, il serait bon de regarder à quoi correspond le nom de Novitchok. Il s’agit d’une famille de neurotoxiques organophosphorés innervants (qui bloque l’acétyl-cholinestérase) développée en URSS à partir de 1970. Il en existe des centaines de variantes dont seule une petite partie est connue. Les composés innervants bloquent les messages nerveux dans l’organisme. Ils sont donc capables d’empêcher de manière irréversible, le fonctionnement des muscles et d’autres organes en bloquant les synapses (connexions nerveuses). Le propos de l’article n’étant pas scientifique, je n’irai pas plus loin dans les explications. Néanmoins, il faut retenir qu’un agent innervant peut à une dose d’un milligramme arrêter le cœur, bloquer les muscles respiratoires et accomplir beaucoup d’autres prouesses dont une seule suffirait à vous tuer. Une cuillère à café (5 grammes) de Novitchok peut selon les conditions tuer de 1000 à 5000 personnes…

La spécificité de la famille Novitchok, par rapport aux autres séries plus anciennes d’agents innervants de type V et G, est le phénomène de « vieillissement ». C’est à dire, l’arrêt irréversible du message nerveux par blocage des récepteurs de l’acétylcholine par hydrolyse partielle d’une molécule d’acétylcholine. Si on fait l’analogie avec une serrure (récepteur à acétylcholine) et une clef (acétylcholine), les innervants de type V et G bloquent la clef dans la serrure mais on peut encore l’enlever avec un antidote (de type atropine). Les Novitchoks eux, cassent la clef dans la serrure qui est alors irréversiblement inutilisable.

Une personne qui survivrait à une intoxication au Novitchok présenterait inévitablement de très graves séquelles caractéristiques.

Cette famille de neurotoxiques organophosphorés est connue depuis que le chimiste soviétique Vil Soultanovitch Mirzaïanov se convertit en lanceur d’alerte en 1991. Fuyant la Russie, il trouva refuge aux USA dans un laboratoire de chimie de l’Université de Princeton.

Ce point en soulève un autre, les agents innervants de type Novitchok sont-ils produits uniquement par la Russie ?

Zil Mirzaïanov ayant repris ses travaux scientifiques à Princeton, des gaz de la famille « Novitchok » ont donc été produits aux USA. Cette production a été officiellement réalisée pour mettre au point des traitements palliatifs (US patent 9132135 B2). Mais la Russie et les USA sont-ils les seuls pays capables de produire du Novitchok ? Évidemment non, tous les pays sont capables de produire des innervants appartenant à l’immense famille des Novitchoks, par exemple l’Iran, la République Tchèque ou encore l’Allemagne dès 1992.

Le second mensonge est donc de dire que le Novitchok est un « gaz » innervant exclusivement russe. Il est en réalité produit par de nombreux pays, dont les USA et l’Allemagne. Contrairement au scénario Hollywoodien, un empoisonnement au « Novitchok » ne fait pas de la Russie le seul coupable. Le seul intérêt à utiliser le mot passe-partout Novitchok est d’ajouter une note slave à l’affaire….

L’utilisation d’un gaz de type Novitchok ne saurait suffire à impliquer la Russie. Le seul moyen d’identifier le fabricant d’un agent innervant est d’en posséder un échantillon de référence, sinon il est impossible de pouvoir affirmer quoi que se soit. Dans le cas présent, comme l’Allemagne ne daigne fournir les résultats des analyses du laboratoire de guerre chimique de la Bundeswehr, on ne peut tirer aucune conclusion sur l’origine du poison.

 

Troisième mensonge narratif : les trois miraculés du « Novitchok ».

Les agents innervants sont les poisons les plus dangereux du monde, mais comme ils sont peu connus du grand public, il est facile d’écrire n’importe quoi à leur sujet. La première chose à faire est donc de matérialiser leur toxicité en la comparant à des poisons plus connus. Nous commencerons par la comparer à l’arsenic, l’arme de Marie Besnard (13 victimes supposées ou fantasmées). Il faut 53 grammes d’arsenic pour arriver à la DL50 (Dose Létale à partir de laquelle plus de 50 % des victimes meurent). Pour le cyanure, le poison contenu dans les capsules cachées dans les dents des espions, nous tombons à 0,2 grammes. Il est donc 250 fois plus « efficace » que l’arsenic. Les premiers agents innervants ont été découverts en Allemagne par IG Farben entre 1936 et 1939, il s’agit du Tabun et du Sarin, ces gaz sont 500 fois plus dangereux que le cyanure. C’est-à-dire qu’ils sont mortels pour des doses inférieures au milligramme. La dose létale correspond à une « goutte » du type de celle constituant la bruine produite par la condensation de l’eau dans le brouillard. Les agents innervants de Type V produits par les alliés après-guerre, dont le plus connu est le VX sont 10 fois plus dangereux que le Sarin. Les Novitchoks de classe militaire sont quant à eux au minimum 5 fois plus dangereux que le VX. Il est à noter que la DL50 varie énormément avec le type de Novitchok.

Maintenant, nous pouvons matérialiser la dangerosité des Novitchoks. Ils sont 6.250.000 fois plus toxiques que l’arsenic, et 25.000 fois plus que le cyanure. Cela veut dire qu’ingérer un milligramme de Novitchok équivaut à 6,25 kilos d’arsenic ou 25 grammes de cyanure soit 125 fois la dose mortelle…

Donc, la survie de Navalny tient du miracle, miracle répété trois fois puisque les Skripal (père et fille) ont eux aussi survécu…

Maintenant, souvenez-vous de la spécificité des Novitchoks, c’est-à-dire, leur aspect irréversible (le processus de vieillissement). Comment se fait-il qu’au 15 septembre, Alekseï Navalny ait déjà récupéré 100% de ses facultés ? Pour ce qui est des Skripal, on ne le saura jamais puisqu’ils ont selon les autorités britanniques, changé d’identité et vivraient cachés sous protection…

Un autre élément qui interroge sur l’utilisation du Novitchok, c’est l’aspect réactif de la pupille de Navalny. Selon son médecin personnel, Anastasia Vassileyva « il y a une réaction pupillaire, c'est déjà bon, généralement avec un empoisonnement au butyrate, il y a une mydriase (dilation de la pupille) ». Or, le Novitchok provoque un myosis (contraction de la pupille), certainement un miracle des médecins d’Omsk qui lui on lavé les yeux à l’atropine. Décidément avec Navalny, Lourdes devrait se faire du souci.

Il existe un cas d’assassinat à l’aide d’agent innervant bien documenté, il s’agit de celui de Kim Jong Nam demi-frère de Kim Jong Un, . Ce dernier a été aspergé de VX (dilué dans un demi-litre d’eau) par une femme pensant réaliser une vidéo humoristique pour YouTube. Trente minutes plus tard, le fils de Kim Jong Ill n’était plus. La contamination par le VX ayant été cutanée son efficacité a été divisée par 10. Navalny ayant soit-disant ingurgité du Novitchok, les effets auraient dû être 50 fois plus violents. Il est à noter que la jeune femme ayant aspergé Kim Jong Nam a été contaminée et a présenté d’après les témoins des symptômes caractéristiques d’une intoxication au gaz innervant.

Il se pose alors la question de la manière dont a été contaminé Alekseï Navalny. Selon les autorités allemandes, des traces de « Novitchok » ont été retrouvées sur ses mains et sa bouteille d’eau. Selon son entourage, il n’aurait pas bu à cette dernière. L’intoxication serait donc cutanée via un objet contact. L’objet le plus probable serait alors le gobelet du thé bu au « Café de Vienne » à l’aéroport de Tomsk. Le plus simple dans ce cas serait d’utiliser une version du Novitchok liquide pour badigeonner le gobelet. La dose minimale serait de l’ordre 0,1 gramme, mais le Novitchok liquide aurait dû se vaporiser sous l’effet de la chaleur du thé et contaminer d’autres personnes en particulier celles lui faisant face et celles se trouvant derrière lui.



Un autre point négligé par les médias occidentaux, voire caché et qui contredit totalement la storytelling occidentale est la chronologie du drame. Selon eux, Navalny ne devrait sa survie qu’à la promptitude du pilote de l’avion et à la rapidité des soins ! Or la réalité contredit totalement cette fadaise. Les proches de Navalny affirment qu’ils ont embarqué dans les premiers à 7h30 (2H30 heure de Paris) à bord du vol S7-2614 Tomsk-Moscou. L’avion a décollé à 8h03 (3h03 heure de Paris). Le commandant de bord dérouta le vol sur Omsk après 1h14 de vol (4h17 heures de paris) et l’avion se pose après 1h58 de vol (5H01 heure de Paris). Il a été ensuite transporté à l’hôpital des soins médicaux d’urgence (BSMP) n°1. Le trajet entre l’aéroport et l’hôpital prend normalement 26 minutes Alekseï Navalny reçoit donc les premiers soins vers 9h30 heure d’Omsk (10h30 à Tomsk et 5h30 à Paris).

Il s’est donc produit un minimum de 3 heures entre le supposé empoisonnement et le début des soins.

Les agents innervants de combat étant mortels dans un laps de temps de 2 à 30 minutes, Alekseï Navalny aurait dû décéder avant son admission à l’hôpital de Tomsk qui a eu lieu 3 heures après avoir été soit-disant en contact avec le Novitchok.

Le troisième mensonge de l’affaire Navalny est donc celui de l’utilisation d’un agent innervant de type Novitchok russe à usage militaire. Navalny n’aurait pas survécu plus de trente minutes à un tel poison qui aurait au minimum intoxiqué voire tué d’autres personnes….

Maintenant que nous avons éliminé l’hypothèse la plus farfelue (l’attaque au Novitchok), nous pouvons réfléchir à la cause et à l’origine réelle de l’empoisonnement. Si on admet que le premier communiqué Allemand est véridique, A. Navalny aurait été empoisonné par un inhibiteur de la cholinestérase.

Que pouvons nous dire de ces substances ? A celles-ci appartiennent les « agents innervants », elles ont été créées à l’origine comme insecticide. Le célèbre « Baygon vert » que l’on retrouve dans beaucoup de placards français est un inhibiteur de la cholinestérase (N-méthyl carbamate DL50 : 0 ,8gr/kg).

Il n’est pas besoin de s’appeler Vladimir Poutine pour faire un empoisonnement à
l’agent innervant
.

Sur le marché russe se trouve un insecticide du nom de Carbophos (карбофос) connu en Europe sous le nom de Malathion, parfois utilisé comme anti-poux ou anti-cafard. Il s’agit d’un cousin du Gaz sarin donc un agent innervant de type G. Cet organophosphoré cancérigène est interdit en Europe depuis 2008. Sa toxicité est 2 fois plus faible que celle du Baygon et de l’arsenic, avec une DL50 (Dose létale 50) proche de 100 grammes. Elle commence pour un sujet de 70 kg à 2,5 grammes. A partir de 15 à 25 grammes le sujet présente tous les symptômes d’une intoxication aux gaz innervant. Le Malathion étant communément utilisé lors de tentatives de suicides, son mode d’action est bien documenté dans la littérature médicale. La longue durée d’apparition des symptômes et la survie au-delà d'une heure sont caractéristiques de l’ingestion d’un agent innervant de type insecticide (et 1).

Les symptômes, leurs durées d’apparition et la survie de Navalny durant plusieurs heures avant son hospitalisation, correspond plus à un empoisonnement à un insecticide du type Carbonophos qu’à un agent innervant militaire.

Cette substance étant en vente libre en Russie, qui pourraient-être les coupables ? Étant donné les activités présentes et passées de Navalny, les suspects ne manquent pas, des tchétchènes, à la mafia du bâtiment de Sibérie, aux politiciens locaux dénoncés pour corruption et fraudes électorales avec plus ou moins de preuves. Un auto-empoisonement à titre promotionnel est aussi possible. Si on considère qu’Alekseï Navalny est un « agent étranger » grillé, la mise en scène de son empoisonnement serait la dernière occasion de l’utiliser et de rentabiliser les millions de dollars d’investissement. Cette hypothèse pourrait être étayée par le fait que les occidentaux, États-Unis en tête craignent plus le gaz domestique livré par les futurs pipelines russes (Nord Stream2) que les gaz innervants du type Novitchok.

Devant l’absence de danger que représente Navalny, il n’y avait donc pas de motif pour la Russie de l’empoisonner. L’arme censée être utilisée n’est pas spécifiquement russe. S’il s’agissait réellement d’un agent innervant de la famille des Novitchoks, une survie au-delà de trente minutes, tiendrait du miracle et un état autre que celui d’un légume relève de la fiction.

Si on tient à tout prix au scénario hollywoodien du Novitchok, on peut toujours se réfugier comme Galia Ackermann soviétologue incontinente, derrière une nouvelle théorie :

Le Novitchok étant le poison le plus mortifère (25.000 fois plus que le cyanure, voire plus), comment Navalny a-t-il pu survivre ? Plus mortifère et survie ne serait-ce pas antinomique Madame Ackermann ?

Si réellement comme le dit notre soviétologue préférée reconvertie en pipeaulogie il s’agit de Novitchok, il est probable que se soit d’un avatar raté, comme par exemple ceux fabriqués en Allemagne par le Dr Lindemann et le professeur Riesel…

Si l’objectif était de créer un motif pour empêcher la fin de la construction du Nord Stream2, cela risque malheureusement d’être un échec. L’Union européenne est actuellement entrain de se cliver sur le conflit gazier en Méditerranée Orientale. La Grèce, Chypre, l’Italie et la France font pression sur l’Allemagne qui n’ose bouger du fait de son importante diaspora turque et de ses nombreux accords financiers avec Ankara. De leur côté, les faucons Berlinois souhaiteraient mettre la pression sur Moscou et ainsi sanctionner la Russie. Les négociations entre européens risquent de tourner à un impossible donnant-donnant. Cela, Recep Erdogan l’a bien compris et en profite pour mettre sous tension l’U.E. Autant dire que l’opération Navalny-Novitchok, risque de se transformer en opération Niévalny (qui ne vaut rien en russe)-Novitoc...




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