Affichage électoral - Tags, Street art, graffiti et liberté d’expression
Dans un charmant petit village mosellan dont le nom restera inconnu, à l'heure du laitier, une silhouette masculine anonyme portant un gilet jaune fait du jogging. Le voilà qui s'arrête et sort d'une poche un stylo-feutre...
Nous sommes à quelques jours des élections présidentielles de 2017 et des panneaux d'affichage électoraux sont installés comme dans toutes les communes. Partout en France se cachent de talentueux adeptes du street art ; nous y reviendrons. Mais, l'artiste villageois dont il est question ici possède une imagination graphique assez modeste bien éloignée d'une véritable expression artistique. Il serait plutôt du niveau gribouillis en toilettes publiques.
Pour cet homme qui n'a pas l'excuse d'une jeunesse rebelle, désoeuvrée ou désemparée, les élections sont l'occasion d'exposer ses oeuvres sur les panneaux électoraux situés devant la mairie. Ses représentations les plus originales sont la croix gammée ainsi que la paire de moustaches. Son orthographe prouve que l'individu est doté d'une éducation scolaire, puisqu'il est parfaitement capable d'écrire des mots comme, voleur menteur et d'autres dont le caractère sexuel familier est bien connu sans faire de faute. L'affichage se trouvant le long de la route départementale qui traverse le village, le passage de véhicules oblige le feutré à se planquer derrière les panneaux pour éviter d'être reconnu, avant de retourner terminer son oeuvre inachevée. Ce qui prouve chez lui une technique de camouflage très éprouvée acquise après de nombreuses années d'expérience.
Une rapide petite note historique et un retour sur l'érruption du Vésuve le 24 août en l'an 79 ap. J. -C. à 13h.
Grâce aux fouilles entreprises, de nombreuses inscriptions gravées sur les murs de Pompéi ont été observées. C'est dans un ouvrage du père jésuite Raphaël Garrucci (1812-1885) qui a étudié ces traces du passé qu’apparaît, pour la première fois, le terme graffito, au singulier, graffiti au pluriel.
Parmi les marques romaines retrouvées, "il y a des signatures, des déclarations d’amour, des dessins obscènes, des caricatures de personnages politiques, des portraits de gladiateurs renommés, des insultes, ou encore des phrases philosophiques".
Notre citoyen tagueur aurait-il hérité du sang de gladiateur romain ? Cependant, il faut lui rappeler que :
"Ceux qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré par un procédé quelconque, de manière à les travestir ou à les rendre illisibles, les affiches apposées par ordre de l’Administration dans les emplacements à ce, réservés, seront punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe…"
Les contraventions de 3e classe correspondant à une amende de 450 euros.
Les habitants de la petite commune de 350 habitants ont certainement remarqué que tous les panneaux d'affichage avaient été décorés de la main de l'artiste local furtif et matinal. Ce qui peut signifier que l'homme au gilet jaune a probablement comme préférence politique le tous pourris ! On peut aussi imaginer qu'il se déplace pour voter avec un bulletin "nul" très explicite et imagé pour affirmer sa liberté d'expression.
Or, il existe une différence incontestable entre l'individu capable défigurer n'importe quel endroit public ou privé avec des graffiti obscènes ou injurieux et un véritable street artiste :
L'histoire dérisoire de ce villageois est d'une normalité affligeante, combien comme lui gribouillent frénétiquement les affichent des candidats en période électorale ? Pour le plaisir de braver l'interdit, voire le frisson de la désobéissance civile en cachette. Ou plus simplement par bêtise.
Illustration - Vivien Latuner de Pokaa et Banksy : Le lanceur de fleurs