lundi 26 janvier 2015 - par Gérard Dahan

Agoravox, échecs et réussites...

Réponse partielle à l'article de Chalot du 15 janvier 2015 (1)

J'ai publié mon 1er article sur Agoravox en 2007. J'ai trouvé le concept de Carlo Revelli de "Journalisme citoyen" original et intéressant.

A l'époque, le débat portait sur le web 2.0 et ce qu'il allait apporter à l'information sur Internet en transformant les consommateurs passifs que nous étions dans le modèle habituel des mass-média en potentiels contributeurs actifs. (Carlo Revelli et Joël de Rosnay ont d'ailleurs écrit un livre sur ce sujet : "La révolte du pronetariat - Des mass média aux médias des masses".)

Mais à l'époque déjà une caractéristique des articles publiés sur le site m'avait frappé : il s'agissait plus d'articles d'opinions, de commentaires, de réactions à des évènements et principalement à l'actualité, que des articles d'information, d'explication ou d'analyse. En gros la majorité des articles était plus un "brouillard" qu'un véritable apport. Mais, ce n'était pas le cas de tous les articles.
Depuis cette époque et avec l'intrusion des réseaux sociaux cette caractéristique première et d'autres se sont fortement développées.

 

1. Les dérives d'Agoravox :

- En premier lieu, et ce n'est pas spécifique à Agoravox, le site a contribué à renforcer ce qu'il annonçait : chacun de nous a eu la possibilité de s'exprimer sur l'actualité et de devenir un locuteur potentiel. Cette expression n'est pas forcément originale, elle ne nous apprend pas forcément quelque chose, ce n'est pas toujours une information et on peut au contraire parfois penser qu'il s'agit de tentatives de "désinformation". Agoravox a participé à cette irruption d'une profusion d'informations de toutes provenances qui contribue au sentiment d'un "brouillard informationnel" qui participe à la "décrédibilisation" générale de l'information sur le net.

- Victime de son succès, Agoravox est devenu l'enjeu de tentatives de manipulations et de désinformations. L'article que j'ai publié sur le site (et il ne s'agit pas de ma part de la volonté de stigmatiser Agoravox) en est la démonstration factuelle. On sait que les sondages sont susceptibles d'influencer l'opinion. "Bidonner" des prétendus sondages fait partie désormais de la propagande systématiquement à l'oeuvre comme l'astroturfing sur les forums et les réseaux sociaux.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-bourrage-des-sondages-sur-162571

- Suivant en cela l'évolution des autres sites, forums, réseaux sociaux, on a vu croître - dans les commentaires - le niveau de grossièretés, d'insultes, ne comportant en général aucun argument et qui ne sont que des déversements de haines.


Mais ces dérives qui ne sont en rien spécifiques à Agoravox, elles sont générales à l'Internet et ne peuvent pas non plus masquer les réussites de ce site.

 

2. Les réussites d'Agoravox :

- Ne nous le cachons pas, on trouve parfois sur Agoravox des articles qu'on ne trouve nulle part ailleurs et surtout pas sur les sites d'information classiques. Véritables perles informationnelles, ils sont l'illustration même du projet originel. Une information atypique, la prise de parole de gens que l'on entend pas souvent, le résultat de recherches internet inaccessibles aux journalistes, la parole donnée à des gens ayant des compétences que les journalistes n'ont pas.
Pris collectivement, les "journalistes citoyens" sont capables de parler toutes les langues, ont des connaissances dans des domaines très vastes et explorent sur la toile, des sites que les journalistes traditionnels (bien trop enclins à se contenter des dépêches d'agences et à se copier mutuellement) ignorent totalement.

- En complément des sites d'information classique, Agoravox est devenue un lieu où on trouve une "autre information" et où ont peut - lorsque le ton reste cordial - se confronter à la vision que l'autre peut avoir (celui qu'on ne rencontre jamais).

- Vous vous souvenez probablement d'une époque (pas si vieille) où l'on disait des Français qu'avec la télévision et l'ensemble des médias passifs, ils ne savaient plus écrire. L'Internet et l'émergence des sites comme Agoravox, ont fait partiellement mentir cette affirmation. D'une part, parce que les médias actifs que sont l'Internet et les réseaux sociaux qui demandent d'écrire, ont supplantés les "mass-médias" passifs.
Ce faisant, ils ont effectivement mis en exergue le fait que bon nombre de Français maitrisaient mal la langue et l'orthographe.
Mais l'émergence de ces médias actifs a également participé au fait que la situation est en train de changer...

 

3. Réussite ou échec ?

Je ne saurais répondre à cette question, ce n'est pas mon rôle, et en définitive la réponse n'a que peu d'importance. Qu'on soit pour ou contre ce type de journalisme, il fait aujourd'hui partie - en liaison avec les réseaux sociaux - de la réalité de l'information.

Cela fait déjà plusieurs années que les études ont montré que ce n'est plus la télévision qui est le vecteur principal de l'information, c'est l'Internet.

En 2007, quand j'ai commencé à écrire sur Agoravox, on voyait beaucoup plus de gens écrivant sous leur vrai nom et le niveau d'insultes dans les commentaires était me semble-t-il largement plus faible.
Personnellement je vois une correspondance entre le niveau de grossièretés, la violence des propos et l'anonymat permis par la généralisation des pseudos. L'anonymat désinhibe.
 

Il me parait évident que lorsqu'on écrit sous son propre nom, on fait un peu plus attention à ce qu'on dit et à la façon dont on le dit. Mais il est aussi clair que la réussite du site dépend en partie de cet anonymat.

Bon nombre de gens n'oseraient pas écrire, s'exprimer ou commenter sous leur propre nom. C'est donc une forme de balance...

- Doit-on laisser continuer à se développer le niveau de grossièreté en prolongeant l'anonymat ?

- Doit-on tenter de le réduire en incitant les auteurs à écrire sous leur propre nom ?

- Ou doit-on, comme le font de plus en plus certains sites, supprimer les réactions et les commentaires aux articles ?

Je n'ai pas de réponse, bien que je sois favorable au fait de responsabiliser les gens sur leurs actes et leurs conséquences. L'anonymat, je le pense, favorise la déresponsabilisation et je trouverais dommage de supprimer les commentaires qui sont parfois tout aussi intéressant que l'article.

 

(1) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/agoravox-souffle-ses-10-bougies-en-161363




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