vendredi 6 septembre 2013 - par jean-jacques rousseau

Agression de la France contre la Syrie : Un crime contre la Paix et l’Humanité

Branle bas général : la guerre entre milices jihadistes et forces syriennes connait un nouveau rebondissement. "Assad gaze son peuple" annonce-t-on en gros titres dans tous les journaux ou sur toutes les chaines de television autorisées. Il s'agirait ni plus, ni moins d'un "crime contre l'humanité". Et - toujours selon cette propagande - l'inaction du gouvernement français sur ce dossier serait bien plus grave que celle contre la crise, l'austérité et le chomage que nous imposent quelques potentats européens : elle porterait atteinte à la "crédibilité du droit international". Rien de moins !

Beau jeu pour la France de se poser garante de la defense du droit, du peuple syrien et de l'humanité... si n'étaient les réticences du peuple français lui-même à se lancer à l'aveuglette dans une aventure militaire au Proche-Orient et les accusations qui pointent ici et là d'ingérence et de menace d'agression, actes strictement interdites par la Charte des Nations-unies selon une jurisprudence constante depuis le procès de Nuremberg.

Un beau jeu de matamore - en vérité - qui place le pays des droits de l'homme et du citoyen en plein paradoxe : peut-on punir le crime en méprisant le droit ? Peut-on prétendre crédibiliser le droit international par une démonstration de mépris de ses principes et dispositions élémentaires ?

De plus une autre question se pose : au vu du scandale mondial de l'usage d'arme chimique en Syrie comment se fait-il que la France se retrouve isolée dans cette course à la guerre - dans la situation tant décriée de "caniche des USA" - attendant que quelques lobbyistes corrupteurs et marchands de bombes à Washington fassent pencher les votes du Sénat en faveur d'une agression militaire de Damas ?

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Procès de Nuremberg 1945-46

Pour tenter de répondre à ces questions et rétablir la logique et le bon sens il faut premièrement revenir au cadre imposé par le droit international sur l'usage légitime de la force. Ensuite dénouer un à un les fils d'une propagande des plus douteuses sur cette "affaire des gaz toxiques" du 21 août à Damas et ses conséquences juridiques. Enfin tenter de replacer les événements dans leur contexte aussi sombre qu'inquiétant pour finalement tirer les conclusions qui s'imposent.

Le droit international sur le recours à la force

Depuis le procès de Nuremberg [1] la notion de crime contre la paix se définit par « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent ». La poursuite des personnes pour ce genre de crime ne concerne que les dirigeants d'un pays et les très hauts officiers militaires." [2] Bien que cette charge ouvre encore aujourd'hui difficilement à une procédure pénale personnelle, la menace, l'agression d'une nation par une autre ou le recours à la violence sont strictement interdits par la Charte des Nations-unies signée et ratifiée par la France [3] et 193 nations membres de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) [4]. En effet - pour éviter de retomber dans les errances qui ont provoqué la Seconde guerre mondiale - une série de dispositions juridiques réserve l'usage de la force a des cas strictement limités. Désormais la résolution des conflits entre nations se fera exclusivement par la voie de négociations diplomatiques et d'un arbitrage des instances internationales. Il s'agit de la même procédure de "paix perpétuelle" d'une nation civilisée - qui interdit aux citoyens de se faire justice par eux-mêmes mais les oblige à utiliser le recours des tribunaux - que l'on cherche a établir dans les relations de conflits entre nations.

Il est facile de se renseigner sur les buts et principes du droit international inscrits dans la
Charte des Nations-unies [5]

Article 1. Les buts des Nations Unies sont les suivants :

1.1. Maintenir la paix et la sécurité internationales par des mesures collectives en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends [...]

1.2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes [...]

1.3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire [...]

Article 2. L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, [...] doivent agir conformément aux principes suivants :

2.2. Les Membres de l'Organisation [...] doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées

2.3. Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.

2.4. Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État,

2.7. Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État [...]

Sur le sujet du règlement pacifique des différents les dispositions sont les suivantes :

Article 33. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.

Article 34. Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Article 35. Tout Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur un différend ou une situation de la nature visée dans l'Article 34.

Article 37. Si les parties à un différend de la nature mentionnée à l'Article 33 ne réussissent pas à le régler par les moyens indiqués audit Article, elles le soumettent au Conseil de sécurité.

Si le Conseil de sécurité estime que la prolongation du différend semble, en fait, menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, il décide s'il doit agir en application de l'Article 36 ou recommander tels termes de règlement qu'il juge appropriés.

Article 39. Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Article 40. Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'Article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance.

Article 41. Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Article 42. Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

Article 51. Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. [...]

Pour résumer la Charte des Nations-unies impose le devoir de non-ingérence d'un État dans les affaires intérieures d'un autre et exige que les différents éventuels entre États soient portés à la connaissance du Conseil de Sécurité. Celui-ci prend des décisions qui font prévaloir - en priorité - un règlement pacifique et négocié des différents entre États. Décisions renforcées si nécessaire par des mesures non-violentes et si elles sont insuffisantes le Conseil de Sécurité habilite par mandat toute autre action qu'il juge nécessaire au maintien de la paix. 

Ainsi la menace ou l'usage de la force militaire - hors de cas de légitime défense (individuelle ou collective) - sont strictement proscrits par le droit international. L'usage de la force est un dernier recours autorisée par le Conseil de Sécurité lorsque toutes les voies de règlement pacifique d'un conflit ou les mesures coercitives non-violentes se sont révélées inadéquates. Dans ce cas le mandat d'habilitation et recours de la force armée doit être mesuré et proportionné à la menace.  

Malheureusement plusieurs Etats semblent peu enclins à reconnaître de bonne foi ces règles du droit international ou à assumer leurs obligations et responsabilités en tant que membres des Nations-Unies. Le Secrétaire-général des Nations-unies vient a nouveau de mettre en garde l'administration des États-Unis d'Amérique qui persiste à faire sourde oreille, à ignorer ses engagements internationaux et à menacer d'une agression militaire la Syrie - État-membre des Nations-Unies ! [6]

La France qui elle aussi menace la Syrie d'une agression militaire piétine ses engagements à respecter les conventions internationales. Voyons par quelle manipulation le pays des droits de l'homme et du citoyen en est venu à représenter une menace pour la paix et la sécurité de la communauté internationale.

Stratégie de manipulation et propagande autour des "preuves"

Avant de détailler les étapes de cette manipulation de l'opinion, nous souhaitons dire à tous ceux qui ont des preuves de crime de guerre ou autres infractions d'ingérence ou actes de menace, d'agression, de violation d'intégrité territoriale ou tout fait constitutif d'un différent - perpétrés par la Syrie ou par tout autre partie - de "prendre leur responsabilité" et les présenter au Conseil de sécurité de l'ONU seul chargé de décider en toute autorité à prendre les mesures qui s'imposent pour le respect du droit international. Il s'agit là d'une précaution préalable nécessaire. Car si chacun s'imaginait comme les autorités françaises avoir le devoir impérieux d'intervenir de sa propre autorité sur un prétexte choisi plus ou moins fondé et faire en toute illégitimité usage de la force, le monde entier s'enfoncerait vite dans la barbarie.

Ainsi toute la stratégie des promoteurs d'une agression de la Syrie appelée pudiquement "intervention" (et non par le synonyme "ingérence" plus connoté) va etre de tenter de noyer cette évidente simplicité du droit international.

1. Étapes d'une stratégie d'intoxication

Sous le pitoyable prétexte de "crédibiliser le droit international" il faut : premièrement blâmer et critiquer l'inaction et la paralysie du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Il faut éviter d'évoquer la conférence de Geneve2 où les négociations entre parties prenantes sont prévues pour tenter de trouver une solution pacifique, concertée et diplomatique au conflit syrien.
Il faut présenter à l'opinion (et non au Conseil de sécurité bien entendu) une "faute" et des "preuves" des autorités désignées comme "ennemies" - syriennes en l’occurrence - (à défaut un faisceau de présomptions et indices) comme casus belli et prétexte "d'intervention militaire". "Preuves" qui n'ont bien sûr aucune valeur en l'absence d'un différent réel et d'une décision de l'ONU à ce sujet. 
Pour se faire il s'agit de saturer les médias par une propagande belliciste de la pire espèce comme on a pu en voir l'effet à la veille de la Seconde guerre mondiale. Ainsi "l’incident de Gleiwitz le 31 août 1939 a servi de prétexte pour déclencher la guerre contre la Pologne le er septembre 1939 au début de la Seconde Guerre mondiale." [7]

Il est en général de bon ton d'agrémenter ce discours manipulateur par des réflexions édifiantes au sujet de la "lutte de la civilisation contre l'ignoble barbarie", d'autres parleront de "l'axe du mal contre le bien" etc... Le ministre Ayrault en déclarant : "Face à la barbarie, la passivité ne peut être une option" utilise la même ficelle. Croit-il sincèrement qu'une expédition punitive et illégale fasse un jour progresser la civilisation ? [8] Si c'est vraiment le cas sa place n'est pas à un poste de responsabilité, d'autorité et de magistrature aussi important.

Derniere étape : il n'est pas inutile d'activer des réseaux de type 5ieme colonne qui vont agiter ces "preuves" comme dernier élément du débat et ainsi occulter facilement le cadre du droit international et toute autre considération utile et sérieuse. [9

2. Les "Preuves" contre la Syrie : les faits et le droit
 
Dernièrement un document de quelques feuillets des services secrets est présenté à l'opinion comme ultime argument. La focalisation du débat sur ces "preuves" est donc le premier levier de cette stratégie de communication. Cela permet de passer sous silence l'inutilité absolue de ce débat sur "preuves" tant qu'elles ne sont pas constitutives d'un dossier concernant un différent entre la France et la Syrie et présentées selon la forme qui convient au Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui lui seul est habilité à prendre une décision.

Mais nous ne tomberons pas dans ce piège. On se rappelle des "preuves" présentées avec solennité par M. Colin Powell sur les armes de "destruction massive" en Iraq. Et nous nous souviendrons de l'utilisation de "preuves" par les nazis pour manipuler l'opinion allemande et justifier l'agression de la Thecoslovaquie, de la Pologne, etc. En réalité toutes les "preuves" du monde ne nous permettront jamais d'intervenir "en toute légitimité" en Syrie ou d'agresser un pays souverain hors d'une situation réelle de légitime défense ou de tout mandat de l'ONU.

Malheureusement à l'ONU les "preuves" sont une chose, une autre est d'en faire "un cas de guerre légitime" un casus belli. Il faut démontrer qu'il y a violation du droit international, violation des traités, la légitime défense, etc. C'est une autre paire de manche...

Les présomptions et autres faisceaux d'indices au sujet des événements de Damas le 21 aout 2013 n’entraîneront aucune décision de frappe militaire "punitive" du Conseil de sécurité, ni aucun mandat autorisant le recours à la force. Premièrement parce que cette autorité dispose d'un large dispositif de mesures de coercition et qu'elle envisagera en priorité les solutions de règlement pacifique. Avec par exemple l'exigence d’accélérer le processus de négociation prévu par Geneve2. De plus il n'existe aucun différent réel entre la France et la Syrie. A moins que la France ait subit des pertes par le bombardement du 21 aout ? Mais cela serait avouer un cas de violation du territoire national de la Syrie et un cas condamnable d'ingérence voir d'agression militaire de la France. Ce dont les autorités syriennes auraient tout lieu de se plaindre auprès du Conseil de sécurité.

Toute l'opération psychologique repose sur l'accusation du pouvoir syrien de "gazer son peuple" et la violation prétendue par la Syrie de ses engagements internationaux concernant l'usage d'armes chimiques.

Ce qui serait condamnable, et nous serions les premiers à le faire, serait l'usage d'armes chimique - à dessein - sur une population civile sans défense. Mais ce n'est pas le cas. Il est calomnieux de décrire M. Bachar Al Assad comme s'amusant à temps perdu à gazer la population syrienne au petit bonheur. Or selon les prétentions du rapport français ces gaz auraient été utilisés dans le cas précis d'une opération militaire dans l'objectif de contrer l'encerclement délibérée des milices dijhadistes et occidentales [10] autour de points stratégiques de la capitale syrienne.

Or si des civils se trouvaient dans cette zone de combat c'est probablement qu'ils ont été empechés d'en fuir devant l'imminence de l'offensive de l'Armée régulière, retenus sur place contre leur gré par des jihadistes souhaitant s'en servir comme bouclier humains et faire porter le nombre des victimes sur le compte de l'armée régulière. Ici la responsabilité des pertes civiles est partagée, il y a ceux qui les ont bombardé à l'aveugle et ceux qui les ont maintenus dans la zone des combats - avec la complicité éventuelle d'instructeurs étrangers - et il est assez difficile de prendre partie sur ce point.

Sur le point de la violation par le pouvoir syrien de ses obligations internationales concernant l'interdiction des armes chimiques, rien est plus faux. M. Chevenement dénonce cette supercherie [11] devant le Parlement français ce mercredi 4 septembre [12] :

"Des frappes aériennes sur la Syrie ne pourraient ainsi s’effectuer qu’en dehors du cadre de la légalité internationale. Vous invoquez la légitimité et même vous essayez d’invoquer une autre source de droit en vous référant à la convention ancienne et aujourd’hui dépassée de 1925 interdisant l’utilisation, en temps de guerre, des armes chimiques dont la Syrie et pour cause – elle était alors sous mandat français – n’était pas partie prenante. Quant à la Convention plus récente sur l’interdiction des armes chimiques signée à Paris le 13 janvier 1993, vous savez pertinemment que ni la Syrie ni l’Egypte ne l’ont signée, le négociateur égyptien de l’époque, M. Amr Moussa, ayant alors expliqué que son pays y adhérerait quand les armes de destruction massive, nucléaires, bactériologiques et chimiques auraient été éliminées du Proche-Orient, la détention d’une telle arme contribuant, selon lui, à un équilibre de dissuasion régional. La Conférence d’examen du Traité de Non Prolifération (TNP) de mai 2010 vise la création d’un Moyen-Orient dénucléarisé. C’est dans ce cadre général qu’il faut agir pour préserver dans cette région les équilibres de sécurité. 

A l’heure actuelle, deux Etats ont signé mais n’ont pas ratifié la Convention d’interdiction des armes chimiques : la Birmanie et Israël, et six autres demeurent en dehors : Angola – Corée du Nord – Egypte – Somalie – Soudan du Sud – Syrie. 

Vous évoquez la notion de crime contre l’humanité mais j’observe que le statut de Rome, portant création de la Cour Pénale Internationale (CPI), définit celui-ci très largement dans son article 7, mais ne mentionne pas spécifiquement l’utilisation d’armes chimiques. Dans la logique morale où vous vous placez, qui ne faut-il pas punir ? Les utilisateurs de bombes à fragmentation, de bombes au napalm, les pays qui refusent de signer les conventions d’interdiction des armes chimiques, bactériologiques, nucléaires, ceux qui n’ont pas ratifié le traité d’interdiction des essais nucléaires, ceux qui répriment par balles leur opposition ? La liste serait longue des Etats qu’il faudrait punir."

En effet l'Armée française elle-même disposait jusqu'en 1993 du systeme de missile Pluton [13] (puis Hadès [14] jusqu'en 1997) doté d'une tête nucléaire de 10 à 25kt et d'une portée de 17 à 120 km. On imagine bien les dégâts et les pertes humaines civiles provoqués par une telle arme destinée à une "frappe tactique" sur les terrains d'opération ! Mais la légitime défense du territoire - contre les forces du pacte de Varsovie - justifiait la nécessité une telle arme de destruction massive nous disait-on à l'époque.

Peut-on accuser la Syrie d'infraction a une convention qu'elle n'a pas signé ou sur le motif d'un protocole qui ne concerne pas les faits reprochés, alors qu'en menaçant la Syrie d'une intervention militaire - sur cette base incertaine -  la France viole la Charte des Nations-unies qu'elle a signé et ratifié et qui s'applique pleinement dans la circonstance ? Ce défaut de base légale et cette violation du droit ne plaide pas en faveur de la France mais tout l'accuse dans cette position indéfendable.

Pour mieux discerner les tenants et les aboutissants de cette malheureuse affaire, il serait utile, par un bref aperçu, de la replacer dans son contexte.

Contexte politique et logique de destabilisation
 
La Syrie est un pays très ancien [15] et Damas une des plus vieilles capitales du monde. C'est une nation indépendante et souveraine qui dispose d'une population instruite et d'un système d’État cohérent et évolué.

Lorsqu'en 2011 les "révolutions arabes" ont éclaté d'abord en Tunisie, ensuite en Egypte, Lybie, Barhein, Yemen, etc. beaucoup de commentateurs ont prédit la chute imminente du régime baassiste de Damas, il constitue selon ces experts une "anomalie" dans la région. En effet la Syrie compte 8,5% de minorités chrétiennes pour 90% de musulmans [16] mais avec 74% musulmans sunnites alors que le pouvoir est largement tenu par des chiites alaouites [17] En 2000 M. Bachar Al-Assad [18] succéde à son père Hafez Al-Assad qui a réussit à imposer "un régime fortement autoritaire, structuré autour du parti unique du Baath, [Il] a mis en place un contrôle de l'ensemble de la vie politique syrienne. Il a conféré une stabilité à un pouvoir politique syrien marqué jusque là par les coups d'État." [19] Avec la répression brutale de l'opposition, une escalade de la violence entraîne un conflit ouvert avec l'apparition de milices jihadistes : Armée syrienne libre (FSA) et Front islamique de Libération de la Syrie, Jabat Al-Nosra. Ces groupes para-militaires reçoivent le soutien du Quatar, de l'Arabie Saoudite, des États-Unis, de l'Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, de la Turquie, de la Katiba libyenne de Tripoli [20], du Hamas palestien, Al-Quaida en Irak et Mouvement des Talibans du Pakistan [21].

Est-il possible et comment expliquer que des nations occidentales pronant ouvertement la lutte contre le terrorisme se retrouvent associées à ces mouvements islamiques radicaux tant décriés ? Il n'y a pas si longtemps que la France prétendait "détruire" les terroristes au Mali [22] et par un curieux volte-face elle se retrouve en pointe pour agresser la nation syrienne aux cotés d'Al-Quaida et autres Jihadistes ?

Mais ce volte-face n'est que le troisième paradoxe que nous rencontrons. Nous n'avons pas d'explication officielle à donner à se retournement de stratégie française et occidentale, nous ne pouvons que nous lancer dans la spéculation.

L'hypothèse la plus vraisemblable est que la politique étrangère française a été placée sous la tutelle des services secrets des États-Unis : NSA et CIA. Ceux-ci comme en Afghanistan vers les années 79-91 ont décidé de se servir des brigades du jihad islamique comme supplétifs d'une guerre par procuration [23]. Ceci dans le cadre d'une stratégie de déstabilisation globale contre toute nation qui ne se soumet pas aux exigences politiques, économiques ou financières des maîtres de Washington. Plusieurs auteurs ont formulé cette thèse dite "stratégie du chaos" qui semble la plus pertinente et la mieux vérifiable à cette heure. 

Ce même 21 aout le journal Le Monde retire un article de la publication. Traitant de la situation politique en Tunisie (Par qui ont été commandité les assassinats [24] de deux leaders démocrates M. Chokri Belaïd et M. Mohamed Brahmi ?) l'article offre cette conclusion alarmante (trop peut-être ? [25]) : "Le pire est donc possible en Tunisie et il est temps que le gouvernement français, et François Hollande, arrêtent de se prêter au double jeu des islamistes d’Ennahda. Les Frères musulmans ne veulent pas de la démocratie, incompatible avec leur vision d’une société régie par le Coran. A partir de ce postulat, on doit arrêter de les crédibiliser et de les traiter comme des démocrates respectables." [26]

"Pour qui a bien compris que la bataille qui se livre en Syrie n’est pas celle de la démocratie contre l’autocratie, mais celle de la balkanisation et de l’islamisation radicale contre le maintien de l’unité et de la souveraineté d’un pays, il n’est pas étonnant de voir le porte-parole d’Al-Qaeda (le bras droit de Ben Laden, devenu le numéro 1 de la nébuleuse terroriste, Al Zawahiri – tout comme les Frères Musulmans et le Hamas) soutenir fermement la « rébellion » syrienne, autrement dit, de voir ceux que l’Occident prétend combattre lutter à ses côtés." [27

Dans ce contexte on comprend mieux le ministre M. Laurent Fabius. Celui-ci semble avoir renoncé à la mise en place rapide de la conférence Geneve2 sur la Syrie qui offrirait la part belle au gouvernement de Damas. En effet l'Armée régulière et les forces Kurdes reprennent peu à peu le contrôle du pays et il est envisageable désormais d'atteindre l'objectif d'une l'expulsion définitive des groupes jihadistes et irréguliers occidentaux du territoire syrien.

Il était temps de faire parler la poudre avant cette débâcle lamentable !

Conclusions

Il ressort qu'aucune nation n'est autorisée a faire usage de la force contre une autre, hors cas de légitime défense, sans mandat de ONU. La prétendue défense de valeurs universelles par l'envoi de surplus de bombes sur des troupes ou des bâtiments militaires ou civils d'une nation - hors du cadre de toute légalité - est en soi le reniement de toute valeurs civilisatrices et humaines, un acte honteux, l'expression d'une barbarie inqualifiable.

En prenant sur elle de "crédibiliser le droit international" la France du gouvernement Hollande-Ayrault ne fait que violer les règles de base de ce droit, discréditer les institutions internationales, nuire à l'esprit de légalité et compromettre les chances de règlement pacifique des différents. 

Aventurisme occidental s'appuie sur le bellicisme d'un État-major qui doit cesser de s'illusionner d'un sentiment d'impunité dans la conception, la préparation de crimes contre la Paix et le droit international. On voit bien que beaucoup de généraux français ont fait ce "choix de la défaite" et du déshonneur de leur Patrie en cautionnant le "grand jeu" d'une stratégie globale de déstabilisation. Une trop longue fréquentation des cercles du renseignement US et des salons de l'OTAN semble les avoir rendus réceptifs à l'idée d'une soumission à une puissance étrangère. Une nécessaire purge des États-majors ne devra laisser en place que les officiers loyaux, attachés aux principes républicains et hostiles à toute soumission aux faux-amis et ennemis de la France. Cette errance criminelle signe désormais l'échec de la thèse dangereuse d'une "armée de métier". Le retour à la Loi Jourdan du 5 septembre 1798 et à la conscription nationale doit rendre les armes de la France dans les mains de ses jeunes citoyens.

Nous attendons une ferme résolution de toutes les nations du monde face a cette dérive et ce mépris du droit international. Il nécessaire de faire échec à cette aventure sanglante et sans lendemain d'un nouveau désordre mondial.



15 réactions


  • Buddha 6 septembre 2013 09:21

    Le dossier est si dru que j’avoue que je devrai relire tout ça en prenant le temps..merci du travail..

    ce sont des bandits qui dirigent la planète au travers de l’argent dette et du pouvoir qu’il procure et ça n’est pas du tout récent....la bonne nouvelle étant que l’argent n’a en fait jamais jamais rien produit du tout, il y a la claire possibilité de s’en passer et de renvoyer les banquiers en centre de rééducation par le travail dans des champs en république populaire de chine.....

    il y a deux choix devant nous : soit on continue la compétition alors rien ne va changer, ne peut changer...et les 10 000 dernières années seront les 10 000 prochaines..

    l’autre possibilité, personne (’trop peu)...n’en veut pour le moment.... fabrication par et pour tous selon compétences et situation des besoins vitaux ,avec partage équitable....

    Ce monde dément est notre responsabilité globale....notre fabrication...notre echec...

    or quasiment personne ne veut de çà.......tous responsables coupables alors ? oui bien sur....il faut d’abord voir cette vérité,car c’en est une, et seulement après l’avoir vu, pourrons comprendre le mal qui est fait en profondeur et changer..pas avant..la solution est dans la compréhension profonde du probleme, ce que nous ne faisons jamais.............


  • Dwaabala Dwaabala 6 septembre 2013 10:47

    Les États-Unis mènent leur politique impérialiste, avec ou sans le droit, selon les circonstances.
    La France du futur Traité transatlantique de libre échange fait désormais partie de leurs satellites, comme Israël.


  • lambda 6 septembre 2013 12:07

     «  »UN CRIME CONTRE LA PAIX ET L’HUMANITE«  », oui mais dans le cadre de l’organisation du Plan !!!

    quel Plan me direz vous ? - rafraichissons nos mémoires - le Plan Pike -

    écoutez cette courte vidéo qui fera écho à la situation actuelle et remet en mémoire l’application dans les 2 précédentes guerres mondiales du Plan Pike

    nous aurons donc la 3ème telle que prévu !



    • COLLIN 7 septembre 2013 10:12

      « Le droit international et Isräel ?

       Israël s’assoit sur le droit international »  smiley

      Oui,mais c’est normal,parce que c’est le peuple « élu »....par qui,je l’ignore (en tous cas,je n’ai jamais voté à ce scrutin là ) ,certains affirment qu’ils détiennent un parchemin vieux de quatre mille ans,plus ou moins illisible.... smiley

      Donc,quoi qu’il arrive,ceux qui sont « élus » ne peuvent relever du droit commun....des « goy »... smiley


  • Sarah 6 septembre 2013 13:40

    Depuis le début de l’année, avec la fixation unilatérale par les USA d’une prétendue « ligne rouge à ne pas franchir » et plus encore depuis le 21 août, l’opinion publique s’est laissée enfermée dans un choix binaire : soit il n’y a pas de gaz et on ne fait rien, soit il y en a et on attaque.

    Il est dangereux de se laisser enfermer dans ce conditionnement des esprits : si des « preuves », réelles ou fabriquées, de l’utilisation par la Syrie étaient présentées, l’argument des opposants à la guerre, basé jusqu’à présent exclusivement sur l’absence de preuves de l’utilisation par l’armée syrienne, tomberait automatiquement. 

    Cet argument ne suffit donc pas pour s’opposer à la guerre contre la Syrie.


    Faisons-nous l’avocat du diable : quand bien même l’armée syrienne aurait employé l’arme chimique, serait-ce une raison pour lui faire la guerre ? Si la Syrie avait attaqué un autre pays, peut-être, mais là ? Cela s’est passé sur son propre sol ! Et peut-être, le comble, par des mercenaires étrangers utilisant du gaz fourni par ceux qui les paient !

    La guerre du Vietnam a été la plus grande guerre chimique de l’histoire. Les effets de l’Agent orange se font sentir encore aujourd’hui : 1 million de personnes affectées.

    Les obus en uranium appauvri sont aussi une arme chimique - interdite par la Convention de Genève : Serbie, Kossovo, Irak. Des centaines de milliers de personnes atteintes et les sols contaminés pour très longtemps.


    De plus, on a appris récemment que le gaz de combat sarin avait aussi été utilisé par les USA au Vietnam.


    Quelle puissance jugera et « punira » le gouvernement US ?


    Supposons que les USA et la France attaquent la Syrie ; combien de syriens mourront des futurs bombardement, en partie chimique avec l’uranium appauvri ?



    • tinga 6 septembre 2013 14:26

      Les usa ont tué directement ou pas des dizaines de millions de personnes, avec notre complicité, mais ce n’est que le début, pensez vous que le pays qui dépense à lui tout seul plus que le reste de la planète pour ses armes de destruction massive ai fait tous ces efforts pour ne pas s’en servir ?

      Les américains ont construit leur beau pays sur le plus grand génocide de l’histoire de l’humanité, ils ont violés tous les traités signés avec les natifs de cette terre, violés leurs femmes pour les massacrer finalement quasiment jusqu’au dernier, et pour en faire ensuite de beaux films pour les enfants, les westerns, ou l’homme blanc, ce héros fait de magnifiques cartons sur ces singes emplumés.

    • R Nesto’r 6 septembre 2013 21:24

      Salut Tall ...

      En plus ils sont armés ...


  • agent orange agent orange 6 septembre 2013 17:18

    Beaucoup de choses justes dans cet article bien documenté et sourcé.
    Un bémol toutefois, vous dites : "L’hypothèse la plus vraisemblable est que la politique étrangère française a été placée sous la tutelle des services secrets des États-Unis : NSA et CIA".
    On a plutôt l’impression que notre politique étrangère est plutôt décidée à Tel-Aviv...
    Jusqu’à présent les faucons qui appellent à l’agression de la Syrie sont comme par hasard des sionistes patentés et ardents défenseurs d’Israël (Fabius, BHL, Kouchner, Coppé, Désir, Guetta,..).


  • viva 6 septembre 2013 18:52

    Une telle attitude ne peux s’expliquer que par la corruption et ou la soumission à des intérêts étrangers. Reste à savoir à qui profiterais la destruction de la Syrie et l’on a un début de réponse.


    Etre gouverné par des puissances étrangères doit cesser ....

  • viva 6 septembre 2013 18:56

    Il est possible de constater que l’attitude qui consiste à exterminer des populations en invoquant de faux prétextes est une signature qui désigne certaine nation, bien loin de nos valeurs ....


    • jean-jacques rousseau 6 septembre 2013 20:41

      La question n’est pas de savoir s’il y a des bons ou des méchants mais d’appliquer les règles du droit international. On apprécie que vous ayez pris la peine de donner votre avis mais votre réponse est hors sujet. Nous laissons ce genre de considérations simplistes et manichéennes aux tenants de la désinformation et autres reflets.info. Veuillez contacter Olivier Laurelli (@bluetouff) & consort qui ne se feront pas prier pour vous publier.


    • Lecrabe 6 septembre 2013 22:27

      @JJR
       cette petite pique à l’égard de Bluetouff amalgamé à tout le site « reflets.info » n’est pas très courtoise et autant hors sujet que le commentaire précédent.
      Là bas aussi le débat s’exprime, notamment sur le parti pris grossier de certains, et c’est très bien.
      A part ça, j’apprécie cet article sur la force du droit, espérons qu’il puisse tenir en échec les velléités belliqueuses du plus fort et de ses acolytes du moment.


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 6 septembre 2013 22:51

    Dans un nouvel article exceptionnel, l’ancien Secrétaire Adjoint au Trésor américain Paul Craig ROBERTS démonte avec acuité l’ampleur des mensonges des dirigeants américain, britannique et français, qu’il n’hésite pas à qualifier de «  criminels de guerre » ... source

    The US Government Stands Revealed to the World as a Collection of War Criminals and Liars

    Paul Craig Roberts

    Does the American public have the strength of character to face the fact that the US government stands before the entire world revealed as a collection of war criminals who lie every time that they open their mouth ? Will Congress and the American public buy the White House lie that they must support war criminals and liars or “America will lose face” ?

    The obama regime’s lies are so transparent and blatant that the cautious, diplomatic President Putin of Russia lost his patience and stated the fact that we all already know : John Kerry is a liar. Putin said : « This was very unpleasant and surprising for me. We talk to them [the Americans], and we assume they are decent people, but he [Kerry] is lying and he knows that he is lying. This is sad. » source

    Dans ce dernier paragraphe il est question du mensonge de John Kerry quand M. Poutine a traité John Kerry ( secrétaire d’État des États-Unis ) de « menteur », après que le secrétaire d’Etat a nié la présence d’éléments d’Al-Qaida dans les rangs de l’opposition syrienne.


  • Yohan Yohan 6 septembre 2013 22:57

    Hollande a menti lui aussi pour avoir sa petite guerre privée en Syrie que lui réclame Fabius depuis plus d’un an. Il n’y a pas de preuves formelles et personne ne sait qui est à l’origine de quoi. De plus ,chacun sait que Fabius est le roi de l’embrouille. Dans ce cas, les preuves de Flamby ne valent pas mieux que celles des américains pour frapper l’Irak. Pas étonnant que nous n’ayons plus de crédit.


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