lundi 2 novembre 2009 - par Maldoror

Alain Finkielkraut, CPE et principe de réalité

10 avril 2006, lors de l’émission « Mots croisés ».

Alain Finkielkraut nous fait part de son analyse de la fronde rencontrée par le gouvernement De Villepin avec le CPE, contrat dit de « première embauche » destiné à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, analyse qui n’est pas sans ressorts comiques et qui est une bonne démonstration de pensée unique.

 
Pour simple rappel, il s’agissait donc d’un contrat prévoyant en particulier une « période de consolidation » de deux ans durant laquelle l’employeur pouvait rompre le contrat de travail sans en donner le motif, procédé qui était ainsi destiné à écarter le contrôle juridictionnel de la cause réelle et sérieuse du licenciement intervenant durant ladite période, - aucun motif n’étant invoqué dans la lettre de licenciement-, et donc de permettre de facto des licenciement abusifs sans indemnisation corrélative pour le salarié (une décision du 30 mars 2006 du Conseil constitutionnel a néanmoins précisé que l’employeur avait l’obligation de dévoiler ses motifs au juge).


Pour Finkielkraut la pensée unique est celle du peuple

Le philosophe nous dépeint une France où règne un climat de terreur, la pensée unique exercée par une partie de la population, une idéologie immature et pleine de gauchisme bien pensant ; Finkielkraut va nous parler des jeunes, comme il aurait tout aussi bien pu nous parler de la niche sociale des fonctionnaires.  

Dans une charge vaillante notre philosophe-dissident s’attaqua au conformisme d’une jeunesse manipulée avant de nous rappeler la réalité réellement vraie de la vie. Car derrière ce refus juvénile de l’adaptation au néolibéralisme flexible c’est bien toute la réalité que l’on nie, et que voulez vous rétorquer face un tel aveuglement ?

Une analyse à laquelle souscrirait volontiers Alain Minc.

 

Alain Finkielkraut, philosophe dissident au milieu de l’irréalisme français

1) Le politiquement correct dans la pensée de Finkielkraut

Il s’agit tout d’abord d’énumérer l’importance de l’opposition au CPE avec quelques noms insignifiants pour mieux souligner le conformisme de la masse. Procédé classique plein de sophisme puisqu’il revient, en miroir, à qualifier la prédominance néolibérale  des trente dernières années d’anticonformiste. C’est avec le même anticonformisme que s’effectuera donc la privatisation de la Poste.

On constate cependant que le conformisme populaire vaut bien peu face au conformisme des élites.

2) L’éternel manque de maturité de la jeunesse

L’enfant ne peut pas faire de la politique. Proposition simple et pleine de bon sens, en effet, collégien ou lycéen, on n’a en règle générale pas la formation politique minimale nécessaire à exercer une pensée consciente et indépendante.

Mais que vaut l’inexpérience de la jeunesse face aux arguments spécieux d’Alain Finkielkraut qui, lui, a atteint l’âge nécessaire pour savoir ce que l’on défend en pleine conscience.

Le bon sens n’est pas toujours là où on le croit, en l’occurrence, refuser un modèle qui n’a rien d’autre à proposer qu’une précarité et un écart croissants dans la répartition des richesses devrait sembler légitime pour un philosophe, illégitime pour un sophiste.

Mais Alain Finkielkraut se place du côté de la vérité, pour lui on ne disserte pas sur le bien fondé de la "réalité". Ce n’est donc pas tant sur l’âge que se fonde l’argumentaire du philosophe mais bien plutôt sur un choix politique, qui porte chez lui le doux nom de réalité, et qui peut tout aussi bien être nié par un adulte. Le néolibéralisme est tel la loi de la gravité, on n’a pas à y objecter.

Néolibéralisme ou principe de réalité

1) Goût de l’effort et précarité

Se mettre à jour au libéralisme anglo-saxon c’est donc reprendre pied dans la réalité et abandonner enfin ses illusions. Mais en l’espèce, cela met en jeu une vertu supplémentaire : le goût de l’effort. Et quel meilleur moyen pour le redonner au jeune que de multiplier les contrats précaires ? En défendant un système largement fondé sur le désir frivole Alain Finkielkraut croit nous redonner le goût de l’effort.

2) La fin de l’histoire, le règne de la Réalité

Le réel, la réalité, le bon sens, une rhétorique que l’on connait et qui sous entend simplement la soumission du politique et de la vie sociale à la loi du marché.

Une réalité qui a partout remplacé le qualitatif par le quantitatif, une réalité dogmatique, mais qui sait en temps (de crise) voulu – et par réalisme certainement ! - sociabiliser les pertes pour continuer à privatiser les profits…

 

Lecture recommandée : l’essai critique de Serge Halimi sur  la pensée unique propagée par les médias : « Les Nouveaux chiens de Garde ».



20 réactions


  • abdelkader17 2 novembre 2009 10:35

    Plus le contenu de pensée est faible plus le « penseur » prend de l’importance.
    Promotion du capitalisme déréglementé et de l’idéologie réactionnaire, telle est la fonction de cette nouvelle police de la pensée.


  • barbouse, KECK Mickaël barbouse, KECK Mickaël 2 novembre 2009 10:38

    bonjour,

    j’adore le principe de votre article, revenir sur les propos tenues avec le regard critique du temps qui a passé, même si là vous l’utilisez de manière gentiment partisane, il y a un tellement de tartuffes qui si on prenais le temps de reprendre leurs propos sous cet angle...

    Finkelkraut a des bons moments de lucidité dans ses domaines de prédilections, et des moments où il ferais mieux d’étudier la réalité cachée derrière les dossiers sur lesquels on lui demande d’intervenir. Son problème c’est peut être de ne pas savoir dire non, je ne suis pas la personne compétente pour en parler au mieux.

    « Les nouveaux chien de garde », toujours aussi difficile a retrouver ?,

    il est un peu daté sur les exemples donnés , mais sur le fond toujours aussi bon :))

    amicalement, barbouse.


    • Maldoror Maldoror 2 novembre 2009 10:56

      Bonjour barbouse,
      concernant « Les nouveaux chiens de garde », le livre est parfaitement trouvable oui ;)
      Pour les exemples donnés, je ne sais pas de quelle édition vous parlez, car, sorti en 1997, le livre a été réédité en 2005, avec, fort logiquement, une mise à jour sur le référendum constitutionnel européen de 2005, et qui était bien méritée.

      Il fera peut être l’objet d’une ré-actualisation future, cela lui permettrait d’intégrer le facteur internet qui, on l’a vu ces derniers mois, impose un peu de contradiction dans ce paysage médiatique consensuel.

      Amicalement,
      Maldoror.


    • barbouse, KECK Mickaël barbouse, KECK Mickaël 2 novembre 2009 12:32

      merci, effectivement j’ai lu la version 97 en ...97 et pour l’avoir souvent conseillé a lire, on m’avais souvent répondu qu’on ne le trouvais plus en rayons...

      je vais allez de ce pas voir la nouvelle version, merci pour l’info,

      amicalement, barbouse.


  • Daniel Roux Daniel Roux 2 novembre 2009 12:12

    D’où vient la légétimité de ce type si excessivement partisan et agressif ?

    Moins philosophe que moulin à vent pris dans une tempête, il n’argumente pas, ne prouve pas mais s’agite, éructe et insulte.

    On le voit et on l’entend partout, à la télé, à la radio, raconter n’importe quoi sur tous les sujets sensibles. C’est comme s’il possédait un passe-droit spécial. On a l’impression qu’il dispose, à lui tout seul, de plus de temps d’antenne que Martine Aubry qui fait semblant de ne pas s’en apercevoir.

    Ce qui est remarquable, c’est qu’en général, il est précédé ou suivi par plusieurs oiseaux du même ramage, BHL notamment. Tel un vol d’étourneaux s’abattant sur un cerisier, la bande organisée s’abat sur les médias, détruit dans l’oeuf le débat rationel avant même qu’il ne débute, étouffant la critique par le sectarisme.

    Rappelons nous les mots définitifs que ce réseau avait sur la guerre passée en Irak ou à venir, en Iran, sur les affaires DSK ou Polanski plus récemment.

    Étonnant qu’un tel tambour au service d’intérêts iniques à la fois étrangers et communautaristes, puisse disposer d’une si grande résonnance médiatique. Comme dirait Boris Vian, « Y a quelque chose qui cloche là dedans ».


  • Daniel Roux Daniel Roux 2 novembre 2009 12:15

    D’où vient la légitimité de ce type ?

    Désolé !


  • ELCHETORIX 2 novembre 2009 14:01

    bojour l’auteur , merci pour votre article qui dépeint la « pensée » de ce philosophe qui n’a pas de leçon à donner aux citoyens de l’hexagone , car son « idéalisme » ne correspond en rien à l’idéalisme de la nation française .
    CE MONSIEUR N’A RIEN 0FAIRE D’AUTRE QUE DE PASSER DANS LA PLUPART DES GRANDS MéDIAS DE NOTRE PAYS .
    Il serait plus utile en « travaillant » sur le terrain pour améliorer le sort et la qualité de vie de ses « concitoyens » , mais aime-t-il réellement notre FRANCE et TOUS ses habitants ?


  • M.Junior Junior M 2 novembre 2009 15:53

    Ce qui est inquiétant chez Finkyphito ce ne sont pas ces propos déconnectés du monde réel et souhaité mais plutôt qu’il continue de former des élites. (Polytechnique)

    Elites qui nous expliquent que nous sommes des crétins permanents !

    On aime les lapins crétins. on y peut rien.


  • lord_volde lord_volde 2 novembre 2009 19:14

    Monsieur Finkielkraut est logique avec lui-même et sa propre idéologie d’inspiration atlanto-sioniste. Il dénie à la jeunesse le droit de penser et surtout celui de les exprimer sur le terrain politique. Il y a peu, il a dénié à la jeune Samanta Geimer, le droit d’être victime d’un pédophile violeur appartenant au même courant idéologique que lui, tout en l’accablant des maux qu’il attribuait déjà aux lycéens et étudiants d’alors. Les mineurs et les jeunes adultes doivent répondre pénalement de leurs actes et subir la répression la plus extrèmiste qui ait été mis en vigueur par la République chérie, mais ne peuvent pas dénoncer les politiques qu’ils réprouvent ou qu’ils trouvent préjudiciables à leurs intérêts.
    Deux poids, deux mesures. c’est la dure réalité à laquelle nous devons nous soumettre. 


  • lord_volde lord_volde 2 novembre 2009 19:17

    correction : et surtout celui d’exprimer leurs opinions sur le terrain politique. qui ait été mise en vigueur.


  • moebius 2 novembre 2009 22:26

    je ne crois pas que l’idéologie de monsieur Finkielkraut soit d’inspiration atlanto sioniste. Elle serait plus simplement d’’inspiration poujadiste mais d’une maniére plus complexe et intellectuel trouve davantage son inspiration chez Barres et chez Péguy entre autre ; Qui peut comprendre un fils d’émigré juif, petit commerçant du marais et qui a fait normale sup...tout est là. Ce point de vue est passionnant


  • moebius 2 novembre 2009 22:33

     Ceci dit ; l’enfant ne fait pas de la politique pour la simple et bonne raison qu’il est un enfant et qu’au sens étymologique un enfant n’est pas un etre politique..sauf pour les pédophiles qui leur distribuent des tracts à la sortie des écoles et qui veulent absoluments ignorer que les enfant ne sont pas encore équipés pour cela et ne peuvent pas encore l’étre..comme quoi le point de vue d’un petit juif du marais qui a fait de brillante étude faut parfois et souvent son pesant de raison


  • moebius 2 novembre 2009 22:35

    pardon for the orthographics errors


  • hans lefebvre hans lefebvre 3 novembre 2009 10:08

    Finkielkraut, un philosophe (amoureux de la sagesse) ?
    Sinon, concernant votre recommandation de lecture, j’adhère volontiers et recommande aussi en guise de perspective :
    Paul Nizan, Les chiens de garde, 1932.
    Cordialement


  • daniel daniel 3 novembre 2009 10:55

    @Vilistia
    Pour juger Finkielkraut, il faudrait au moins l’écouter.
    Même si il a des obsessions, même si il est mieux traité par les média que beaucoup d’autres, alors qu’il se croit souvent persécuté, on ne saurait lui nier une vaste culture et une grande capacité d’analyse et de synthèse associée à une clarté d’expression assez rare.
    Bref, il est très utile car il force à penser (ça prend parfois du temps puisqu’il a fallu plus de trois ans à Maldoror pour réagir)et il nous libère de la pensée dominante. 


  • abdelkader17 3 novembre 2009 11:07

    @Daniel
    Bonjour
    Ce sont ces prises de position de communautariste intransigeant qui sont pour le moins inadéquates avec ses fonctions,Il dispose en effet d’un bagage intellectuel assez conséquent mais il rame dans le sens des courants dominants,ces types sont avant tout des intellectuels médiatiques,des portes paroles de l’élite réactionnaire.
    Je ne pense que l’élite intellectuelle Française se résume à Finkielkraut ,le problème depuis le triomphe sans partage du néolibéralisme c’est que la dissidence et la discordance n’ont plus voix au chapitre.


    • daniel daniel 3 novembre 2009 11:56

      @Bonjour Abdelkader
      J’ai bien peur que chacun d’entre nous ne désigne par « idéologie dominante » celle que nous ne partageons pas.
      En effet Finkielkraut ne résume pas le monde intellectuel français. Heureusement. Notre chance est sa diversité et A.F. y participe. S’il se taisait il n’y aurait personne pour le remplacer. Ce serait dommage car, encore une fois, il force à réfléchir sur nos propres opinions.
      Il lui arrive de m’inquiéter. Sa défense de Polanski sur France Inter (sur la forme, pour ne pas parler du fond) ne m’a pas paru à la hauteur de son argumentation habituelle.


  • Maldoror Maldoror 3 novembre 2009 12:39

    Précision : je ne suis pas un anti-finkielkraut primaire ; néanmoins, j’ai jugé bon de m’arrêter sur ce passage, non pas trois ans après, mais un jour avant l’article puisqu’ Internet a cet intérêt qu’on peut stopper la machine médiatique, réfléchir à ce qui y est dit, et entamer un débat.
    Donc, je constate que Finkielkraut propose une pensée qui sur certains sujets n’a rien d’universaliste mais est de parti pris (au hasard quand il s’agit d’Israël par exemple), en l’occurrence, sur ce point précis, il met au service du pouvoir sa rhétorique, il se place du côté des forts. Il apporte ici une pierre à l’édifice de ceux qui s’emploient continuellement à stigmatiser des travailleurs en les qualifiant de privilégiés, fainéants, profiteurs etc : un cheminot ne bénéficie par d’une « niche sociale ». Épargnant ainsi ceux qui profitent réellement du système, les vrais privilégiés.
    Il choisi de s’en prendre aux jeunes, par une position de principe, sans le recul nécessaire, sans même parler du fond, tout ce qu’il trouve à nous dire c’est le montant auquel se chiffre les dégâts...Puis il nous explique qu’il n’y a qu’un chemin à suivre, le reste n’étant qu’illusion, rhétorique néolibérale classique...
    C’est certes un intellectuel doté d’une solide culture, mais pour ce qui est de nous libérer de la pensée dominante on repassera.


    • M.Junior Junior M 3 novembre 2009 13:39

      Attention de ne pas sombrer dans l’antisémitisme ou si tu préfères reprocherais-tu à une mère de continuer d’aimer son fils indépendamment de ces actes  ?


  • Maldoror Maldoror 3 novembre 2009 20:05

    Junior M : je ne vois pas le rapport avec l’antisémitisme, tu fais là un amalgame assez inacceptable.
    En premier lieu il me semble qu’Alain Finkielkraut est français et non pas israélien, ensuite il me semble qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre être juif et avoir un regard critique sur la politique israélienne (ex : Noam Chomsky etc.).

    Amicalement,
    Maldoror.


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