mardi 14 décembre 2021 - par Hamed

Algérie, pandémie et l’après-Hirak. Perspectives économiques difficiles à venir, contrechoc pétrolier programmé en 2022

 Qu’est-ce que l’homme, sa pensée, sa destinée et son devenir, depuis le tournant de l’histoire de l’humanité après deux guerres mondiales, n’est-ce pas que c’est toujours, en dernier ressort, de l’« Instance suprême qui gouverne le monde » ? Partant de cette vérité intrinsèquement métaphysique et d’une vérité vérifiable et au-dessus de l’homme, on peut se pencher sur le Hirak algérien, un mouvement presque sorti du néant, et ce qui a suivi, l’après-Hirak. Et toujours l’ « Instance qui veille et oriente l’humanité en dernier ressort ».

Posons-nous la question : « Le néant existe-t-il ? Et un vide existe-t-il ? Qu’est-ce qu’un vide ? Un espace vide où il n’y a rien ? Dès lors, si on s’interroge sur le néant ce que c’est ? C’est qu’en vérité il n’y a pas de néant, le néant n’« existe pas », il n’existe que dans notre pensée. Mais le néant est un tout, et le peuple, par son mouvement magnifique qu’a été le Hirak algérien, sorti comme du néant, est en train de remplir ce néant métaphysique qu’est le tout. Il s’est inscrit désormais dans l’histoire d’Algérie, dans l’histoire de l’humanité. Cette marche a fait éclore d’autres marches au sein d’autres peuples. 

Et sans ce néant, et sans ce tout auquel fait penser le néant, « l’humanité tout simplement n’existerait pas et ceci dit en rapport de l’être humain avec son néant et son tout. Dusse-t-il le monde humain existerait, il n’aurait pas de réalité sans la pensée de l’homme, et ne pourrait être humanité s’il n’y avait ces questions en lui-même. »

 Et ce Hirak vient aussi en droite ligne des crises politiques antérieures, internes, et aussi externes, à l’instar des crises au Soudan, à Hong Kong, en Russie, en Ukraine, en Biélorussie, en Palestine, au Yémen, en Iran qui est en prise avec les États-Unis. Donc l’humanité est un tout. Certes on ne va pas rappeler les événements historiques qui ont marqué l’histoire du monde de la fin de la Deuxième Guerre mondiale à aujourd’hui, mais la situation présente des crises actuelles qui sont suffisamment édifiantes tant la position des acteurs de part et d’autre dans la crise est compréhensible et défendable dans le sens qu’ils ne pouvaient faire autrement. Et lorsque l’on dit que la position est compréhensible et défendable ne signifie pas qu’elle est seulement juste encore il faut tenir du contexte du progrès du monde. Et cela relève des causes justes et des causes injustes mais aussi du devenir du peuple, et donc du stade historique s’il est suffisamment avancé pour passer à un autre stade.

Et dans tout conflit humain, la cause juste l’emporte toujours sur la cause injuste, quel que soit le temps qu’elle mettra pour triompher. Sans la victoire de la cause juste sur la cause injuste, l’humanité ne pourrait se concevoir « humanité », elle péricliterait et disparaîtrait pour être remplacée par une ou de nouvelles humanités.

 Aussi prenons le Hirak algérien et tentons de comprendre. L’Algérie est sortie d’une longue période de colonisation, elle s’est reconstruite, elle a beaucoup évolué. Mais, par rapport à d’autres peuples surtout les peuples qui l’ont dominé, elle enregistre beaucoup de retard. Cependant tout lui est possible puisque tout peuple est tributaire d’une évolution qui doit se faire en son temps, rien ne vient avant que les forces historiques aient fait leur effet. Surtout celles qui bouleversent les destinées et transforment le devenir.

 Et ce qui s’est passé en Algérie avec le Hirak algérien, à Hong Kong, au Soudan, en Russie et ailleurs, s’inscrit dans le mouvement du devenir des peuples. Ce ne sont pas les peuples qui se lèvent d’eux-mêmes – certes d’eux-mêmes, ils sont mus par leur libre-arbitre, mais il y a aussi l’histoire qui se réalise, et souvent les hommes n’en prennent pas conscience. L’histoire se réalise par eux et pour eux. Ils en sont les acteurs, mais tout s’opère à leur insu. En clair, ils font l’histoire sans penser que ce sont eux qui la font.

 Et dans ce qui se joue aujourd’hui dans les crises, c’est un combat, un même combat, que le peuple soit algérien, soudanais, hongkongais, palestinien ou russe, c’est toujours la même pensée qui veut se libérer du diktat d’une pensée qui ne veut pas aller de l’avant. Le monde est en mouvement, les peuples changent, leurs mentalités aussi, donc ce n’est pas la faute aux peuples qui changent, mais la faute au progrès qui les fait changer, la faute à leurs consciences, à leurs pensées qui leur font entrevoir d’autres horizons jusque-là inconnus. La faute aussi à l’histoire qui avance.

Mais dans le monde qui avance, il y a des pauses. Le Hirak algérien, ou d’autres Hirak avant lui ont dû s’interrompre. Un Hirak n’est pas un mouvement perpétuel de revendication de la dignité, du respect de l’humain, d’aspiration du progrès, il est un tout, il est un produit de l’histoire. Mais il doit s’arrêter un jour, combien même ses revendications n’ont pas été satisfaites. Le Hirak ne commande pas la marche de l’histoire, c’est l’histoire qui a fait éclore son mouvement. Et cette situation souvent surprend, l’inattendu survient et donne une autre orientation à l’histoire. 

Regardons les nations démocratiques occidentales. Ont-elles été démocratiques ? Non, la démocratie s’est imposée d’elle-même aux peuples occidentaux. Pourquoi les pays d’Europe, les Américains sont démocratiques ? Le sont-ils d’eux-mêmes ? Non, ils ne le sont pas d’eux-mêmes, c’est l’évolution de leurs pensées qui leur a insufflée ce qu’ils devaient être dans les différents stades de l’histoire. Ils sont devenus démocratiques parce qu’ils se devaient de l’être. Et ils sont passés par une multitude de crises et de guerres. Une loi de la nature dans l’histoire de l’humanité. L’histoire n’est pas figée, et la démocratie n’est encore qu’un stade de l’histoire de l’humanité, d’autres stades historiques attendent l’humanité où le stade démocratique n’aura été qu’un stade parmi les stades et donc appelé à être dépassé.

Pour ne prendre qu’un sujet essentiel à la démocratie, le suffrage universel. En Europe, sous les monarchies, les peuples étaient totalement exclus dans le choix de leurs gouvernants. Les monarchies étaient régies par un régime politique de monarchie absolue. Le pouvoir royal a été dicté par la volonté d’un homme, qui l’a légitimé par la volonté de Dieu. Et c’est ainsi que la monarchie est devenue un pouvoir de droit divin et la transmission du pouvoir par filiation.

Le système monarchique de droit divin a fonctionné pendant des siècles parce que tout simplement, il devait fonctionner eu égard au contexte politique de l’état des peuples dans les stades passés. Mais, au fur et à mesure, que le progrès intellectuel et matériel avançait, les mentalités humaines changeaient, aspirant au renouveau, à un nouvel ordre en rapport avec leur devenir. Et la monarchie a été remplacée par une république. Ce qui a montré que la monarchie n’est pas de droit divin mais de droit humain. Un progrès de gouvernance en fait tout naturel.

En France, par exemple, le suffrage universel, c’est-à-dire la reconnaissance de la légitimité du pouvoir du peuple de choisir ses gouvernants, n’a commencé à s’appliquer qu’avec l’avènement de la Troisième république (1875-1940), et l’élection du Parlement n’était réservée encore qu’au suffrage masculin. Ce n’est qu’après la 2ème Guerre mondiale, que les élections furent soumises au suffrage masculin et féminin. On voit donc que le progrès sur ce plan est très récent en Europe, moins d’un siècle.

Et le progrès sociopolitique et civique a demandé plusieurs siècles d’histoire pour que l’Europe atteigne ce stade démocratique, que l’on peut dire presqu’unique dans le monde. Les autres peuples n’ont pas atteint encore ce stade mais celui-ci inspire et ils y aspirent.

L’Algérie, par exemple, n’est sortie de la colonisation française que le 5 juillet 1962. Son indépendance compte moins de 60 ans, et son soixantième anniversaire ne sera célébré que le 5 juillet 2022. L’adage qui dit qu’« il faut donner le temps au temps » a tout son sens dans le développement progressif des peuples. Et c’est cela qui doit être compris. Les peuples et leurs gouvernants ne sont ou n’ont été qu’une destinée que le devenir du monde va dépasser. Dans le sens que peuples et gouvernants doivent devenir, passer par d’autres stades, et ceci est valable pour tous les peuples.

Le peuple algérien, par exemple, qui a pensé qu’il se réveillerait un certain jour de février 2019, le 22 de ce mois ? Le peuple algérien l’a-t-il pensé ? On a avancé que ce sont les réseaux sociaux qui en ont été à l’origine ? Mais ces réseaux sociaux ne sont que les produits du progrès humain qui viennent de la pensée scientifique humaine. Et elle-même cette pensée scientifique vient d’elle-même dont nous ne savons rien mais elle pense en nous. Et elle revient à la force de l’esprit en nous dont également nous n’en savons rien.

Pourtant les réseaux sont certes très puissants, mais ce ne sont que des réseaux sociaux, dira-t-on. Les réseaux sociaux ne sont-ils pas une part de la technologie qui commande les hommes, comme conduire une voiture, prendre le train, voyager en avion. Et d’où vient cette technologie ? N’est-ce pas des hommes et leurs pensées qui « fabriquent » la technologie ? Dès lors que la technologie relève de l’homme, elle est un progrès essentiel qui lie tous les hommes, et partant tous les peuples. Et c’est cette technologie, ce progrès du monde qui a catalysé ce mouvement sociopolitique, amenant une grande partie du peuple algérien à marcher dans toutes les villes d’Algérie et à scander ses revendications pour la dignité, le respect de soi et d’une gouvernance meilleure.

 Il est évident que rien ne vient facilement parce que le facile ne peut apporter la plénitude à un peuple. Et le progrès du monde n’apporte rien que ce qui est gagné par la persévérance, le sacrifice de soi, l’ardeur dans ses revendications, l’esprit pacifique, et surtout être à la hauteur des enjeux auxquels est confrontée l’Algérie. L’Algérie n’est pas un petit pays, beaucoup de pays suivent, attendent ce qu’apportera l’Algérie à l’humanité. Tout peuple apprend d’un autre peuple. D’autant plus que l’Algérie fait partie de ce « autre monde », qui n’a pas les mêmes avancées économiques et technologiques que celles auxquelles sont arrivés les pays occidentaux qui y sont déjà très avancés.

 Ce regard métaphysique peut-il nous dire davantage sur le mouvement contestataire qu’est le Hirak algérien ? Évidemment, oui. Puisque deux éléments essentiels venant de la pensée du peuple algérien qui a marché a été d’abord le « pacifisme » et un « haut degré de civisme » dans les marches. A voir chaque fin des marches, une escouade de bénévoles qui nettoyaient les rues. Le deuxième tout aussi majeur « Djeich, Chaab, Khawa, Khawa », signifiant « Armée, Peuple, frères, frères ». « Qu’est-ce qu’une armée si elle n’est pas une armée d’un peuple ? Qu’est-ce qu’un peuple s’il n’a pas une armée qui le défende ». Donc l’Armée Nationale Populaire (ANP), digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), et le peuple algérien sont d’une même essence qui s’appelle l’Algérie, une nation libre, une et indivisible. Et puis l’emblème national arboré par les populations dont beaucoup en recouvre le dos montre si besoin est cette terre sacrée, cette patrie libre qui est « amour de cette terre » et aussi « don de Dieu » pour les Algériens. Et on comprend la force qui est retirée par le peuple de l’emblème national, d’une portée plus que physique, « métaphysique » serait plus juste. Toute terre signe l’essence même du peuple qui y habite, pour cause toute terre a sa langue natale, ses dialectes, ses communautés, leurs traits communs, leurs mentalités, leurs traditions et tant de choses qui sont en somme toutes naturelles. Et, au sein d’une même nation, on retrouve ces particularités qui contribuent au ciment de la nation, un seul peuple, une seule terre. Et tout relève du devenir aussi du monde. Une terre peut s’unir à une autre terre. L’exemple de l’Union des peuples d’Europe en est une preuve du progrès humain.

 Mais est-ce qu’un peuple peut aller plus vite qu’il ne court, plus vite qu’il ne pense ? Non, la pensée aujourd’hui s’est imposée, c’est nouveau, et elle vient de la « Pensée du monde ». Donc un processus tout naturel de ce que le peuple algérien demande. Et qu’en est-il du pouvoir algérien ? On ne peut oublier que les hommes du pouvoir font partie intégrante du peuple algérien, certes ils gouvernent mais il demeure qu’ils sont à l’écoute de ce peuple qui les a surpris. Eux aussi ont un libre arbitre. Accepteront-ils de répondre aux revendications du peuple ? Et ce peuple qui demande que tout le système qui gouverne s’en aille. Il est évident que le pouvoir, même sous la pression populaire, va tout faire pour se maintenir, et c’est normal, c’est naturel. Quel est le pouvoir qui va abdiquer et offrir sur un plateau au peuple les clés de la maison « Algérie » ?

Et le peuple est-il réellement organisé pour diriger une grande nation qu’est l’Algérie qui a été le phare pour les nations opprimées luttant pour leurs indépendances ? Évidemment, non, il crie ses aspirations, mais diriger un pays n’est pas si simple à moins de créer un chaos qui n’apportera que malheurs et souffrances au peuple.

 D’autant plus que sur ce point très important, vital même pour la nation algérienne, la pression populaire a été pacifique et surtout annonçait que l’armée et le peuple sont frères, donc pas de scénarios à la syrienne, libyenne ou autre. Impossible de tels scénarios, et donc à exclure. Et on le sent même par plus d’une année de marche pacifique. Chaque vendredi, malgré la chaleur de l’été, malgré le Ramadan, malgré la saison estivale, le peuple algérien n’a pas changé dans son combat. Toujours pacifique et volontaire, et cela est dû aussi aux décennies passées, aux souffrances qu’il a vécues lors d’une guerre fratricide qui a duré.

La seule explication est que le peuple algérien a fortement évolué, a beaucoup mûri. Passer par une décennie noire était un passage obligé pour élever sa maturité, sa conscience dans ses aspirations pacifiques, son rejet de la régression, et sa noblesse même. C’est la raison pour laquelle le pouvoir algérien a été sensible à cette force du peuple. Et l’Etat algérien a essayé de calmer, d’assainir le climat, de combattre la corruption, et tant de décisions auxquelles le peuple a été sensible.

Et qui est cet État algérien qui essaie de calmer le jeu, d’assainir le climat politique ? Si ce n’est le peuple algérien, le pouvoir en place, l’opposition, et tous les Algériens qui sont silencieux ! Et tous face à la crise cherchaient à résoudre la crise pacifiquement. Et le peuple sait aussi que tout ce qui s’est opéré par le pouvoir dans la lutte contre la corruption, les incarcérations de personnalités du pouvoir, d’hommes hauts placés, le doit au Hirak, aux marches populaires depuis plus d’une année, et ce dans toutes les villes algériennes. Un Hirak pacifique, mouvement il faut le dire comme « sorti de la terre » et qui a fasciné les peuples du monde. Et ce Hirak restera en lettres d’or dans l’histoire de l’Algérie et du monde. 

Et au-delà des slogans qui font peur au pouvoir, le peuple sait que c’est lui le peuple, le peuple sait que c’est lui l’Algérie, et cette pensée lui vient de la pensée comme le pense naturellement le peuple. Et cette ténacité en lui à toute épreuve vient précisément de la foi en lui, qui ne veut que le bien à l’Algérie. Parce que cette parcelle de la Terre est sienne. Et pour preuve, 132 ans de colonisation n’ont pas sapé l’esprit du peuple, de même les dix années d’islamisme barbare.

 Aussi vient cette interrogation qui doit nous guider dans ce qui a été et ce qui sera du Hirak algérien dans l’esprit du peuple algérien ? La première réponse est qu’il a été une révolution pacifique digne des grands pays démocratiques, surtout qu’il n’y a pas eu d’effusion de sang. Et s’il a faibli puis s’est arrêté, c’est parce que l’objectif a été atteint même si le peuple n’a pas eu tout ce qu’il voulait.

On peut se poser la question sur l’Instance qui a envoyé la pandémie du Covid-19 ? De même, on peut se poser la question qui envoie la pluie qui tombe et fait éclore la Terre ? Qui envoie la science aux hommes ? Est-ce les hommes qui font nourrir la Terre ou la Terre fait nourrir les hommes ? Qui a donné la vie aux hommes ? Est-ce les hommes qui se sont donnés la vie ? Et c’est là le drame des hommes de ne pas comprendre que l’humain qu’il est est limité. Qu’il ne commande pas sa destinée.

Aussi, dans un certain sens, la pandémie a été salvatrice pour le Hirak. On ne peut oublier que le Hirak a débouché sur une « impasse ». Le pouvoir est responsable des biens et personnes, et le problème n’est pas que le pouvoir change, c’est impossible, à moins d’aboutir à un désordre tel qu’il remettra en question tout le pacifisme du Hirak. Et on ne peut que le penser sous cet angle vu l’histoire de l’Algérie révolutionnaire. Et la pandémie est venue naturellement « décompressée » le mouvement hirakiste par le haut. N’est-ce pas un prodige que ce mouvement descendant du Hirak ordonné par des « sphères » que l’humain que sont les hommes ne commande pas.

Et le pouvoir va-t-il changer ? L’après-Hirak nous fait dire que cet évènement historique qui a changé la marche de l’histoire algérienne va influer fortement sur le pouvoir. Il changera, cela fait partie du processus qui se joue dans ce tournant de l’histoire du monde. Évidemment, il restera encore des épreuves parfois dures et pénibles que le peuple et le pouvoir auront à subir. L’Algérie n’évolue pas en vase clos, elle fait partie du monde. Mais ces épreuves s’inscrivent aussi dans la marche du progrès du monde. Surtout que le peuple algérien est appelé à affronter une économie qui n’est pas au beau fixe avec la chute, année après année, des réserves de change et du faible cours du prix du baril de pétrole. Et donc d’autres épreuves l’attendent. Le prix du pétrole, dont dépend l’économie de l’Algérie, à 100 dollars et à 120 dollars ne reviendra plus à moins d’un miracle.

La pandémie du Covid-19, en plus d’avoir eu du positif sur le Hirak en Algérie, est aussi venue, dans un certain sens, en « aide » aux peuples d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Elle a permis de contrer l’aveuglement de la superpuissance américaine dans la politique monétaire à la fois restrictive et déflationniste que la Banque centrale (Fed) a menée de 2013 à 2019. Une politique monétaire que l’on appelle le « tapering », est redoutable par ses conséquences.

Et d’emblée, on peut pronostiquer qu’un autre contrechoc pétrolier est programmé au deuxième semestre 2022 comme ce qui s’est produit en 2014. Et ce depuis que la Fed américaine a lancé son deuxième tapering en novembre 2021, en réduisant de 15 milliards de dollars par mois, ses achats mensuels de titres publics et privés.

Et la compréhension de ce processus est simple. Pour saisir le processus, il faut remonter aux origines, c’est-à-dire à la crise financière de 2008. En effet, après avoir mené pendant six ans des quantitative easing (QE) pour sauver le système financier et relancer l’économie, la Réserve fédérale américaine a opéré, en 2013, un virage à 180 degrés à sa politique monétaire, c’est-à-dire a abaisser ses injections de 10 milliards de dollars par mois, et a commencé à remonter son taux d’intérêt directeur, en décembre 2015. Résultat : en octobre 2014, la Fed a cessé d’injecter des liquidités dans le cadre des quantitative easing. Conséquence : le prix du baril de pétrole a fortement chuté, provoquant un contrechoc pétrolier.

Si le nouveau tapering ne va pas en s’accélérant, la fin des injections monétaires (dans le cadre des 120 milliards de dollars par mois, depuis les mesures urgentes prises, en mars 2020), par la Fed, pour contrer les effets de la pandémie du Covid-19, est prévue la mi-2022. Si le tapering va s’accélérer, le motif de la Banque centrale américaine étant la hausse de l’inflation qui a atteint aujourd’hui 6,8, et donc la poussant à diminuer plus ses injections de liquidités, la fin du QE4 sera prévu avant juin. Des médias avance 30 milliards au lieu de 15 par mois. Toujours est-il la fin des QE auront des conséquences graves pour les pays dépendant des exportations pétrolières. L’Algérie est particulièrement sensible du fait que 97% des recettes en devises proviennent de ses exportations d’hydrocarbures.

On peut se poser à juste titre pourquoi la fin des quantitative easing aura un impact direct sur le prix du pétrole, en 2022. Il faut se rappeler que, depuis les crises monétaires entre l’Europe et les États-Unis, au début des années 1970, le dollar américain était la monnaie-centre du système monétaire international. Ces crises ont poussé les pays d’Europe à refuser les dollars parce qu’ils étaient émis en surplus par la Fed, et donc plus que ne stipulait le système de change fixe (accords de Bretton Woods de 1944). Ce qui revenait pour les États-Unis à importer des biens et services d’Europe gratuitement.

Or, dans les accords de Bretton Woods, chaque pays signataire déclare la parité de sa monnaie en or ou en dollar. Le dollar est lui-même défini par une parité fixe avec l’or (35 dollars pour une once d’or fin, égale à 31,104768 g). Et comme le stock d’or américain a fortement diminué, les Américains ne pouvaient plus convertir les dollars que leur présentaient les pays d’Europe. Face à cette situation conflictuelle avec l’Europe, les États-Unis mirent fin à la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971.

Malgré la fin de la convertibilité du dollar américain, les crises monétaires n’ont pas cessé entre l’Europe et les États-Unis. Les pays d’Europe, en représailles, sont passés au change flottant, obligeant les États-Unis à diminuer les émissions monétaires ex nihilo (sans contreparties productives). Par conséquent, tout excès d’émission monétaire par la Fed se traduisait par une dépréciation du dollar US sur les marchés monétaires.

En 1973, lors de la guerre du Kippour, les pays arabes quadruplent le prix du pétrole. C’est le premier krach pétrolier. Le prix du pétrole passe de 3 dollars à 12 dollars. Ce krach pétrolier vient régler les crises monétaires puisque les pays d’Europe qui refusaient les dollars non adossés à l’or se retrouvent obligés à acheter plus de dollars pour régler leurs importations pétrolières en provenance des pays arabes. Le pétrole exporté par les pays arabes étant toujours facturés en dollars.

En fait la riposte américaine a été le « pétrodollar », né grâce à la connivence entre l’Arabie saoudite et les États-Unis. Le pétrole ou or noir a remplacé en quelque sorte le métal-jaune, sauf que le change fixe a fait place au change flottant. On comprend pourquoi, depuis 1973, le Moyen-Orient est une région géostratégique vitale pour l’économie américaine. Grâce au libellé monétaire des exportations des pays arabes, puis élargi aux autres pays d’Opep, les États-Unis pouvaient émettre toutes les liquidités monétaires ex nihilo – adossées à rien sinon aux ventes de pétrole des pays arabes et Opep – nécessaires pour financer leurs déficits commerciaux avec les pays du reste du monde. Déficits commerciaux et budgétaires (jumeaux) qui sont devenus pratiquement structurels, depuis 1973.

 Et les guerres menées par les États-Unis au Moyen-Orient ont été le seul moyen pour empêcher les puissances régionales et endiguer les convoitises des grandes puissances sur cette région de perturber le statu quo et pérenniser leur puissance sur le monde. Toutefois sans que la superpuissance prenne conscience que le « pétrodollar » pourrait se retourner sur son leadership sur le monde.

En effet, de 1973 à 2008, soit 35 ans de domination, les États-Unis se sont efforcés de maintenir leur rang sur le plan mondial. Mais ils n’ont pas pris en compte la montée en puissance des nouvelles puissances économiques asiatiques (pays émergents ASEAN des années 1980) et des nouveaux émergents Mexique, Turquie et surtout le BRICS des années 2000 (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). C’est cette situation de guerre qui a vu le prix du pétrole exploser dans les années 2000-2008 du fait des émissions monétaires massives pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan et les déficits jumeaux américains qui a permis une ascension des pays du BRICS, en particulier la Chine et son poids sur le plan économique monial – une Chine devenue l’« usine du monde ».

Une situation qui a vu les réserves de change des pays émergents et exportateurs de pétrole exploser. La crise financière survenue, en 2008, aux États-Unis, la Banque centrale américaine de nouveau émet des liquidités massives pour sauver le système financier et relancer l’économie. Ce qui s’est opéré par plusieurs programmes de quantitative easing. En fait, une politique monétaire non conventionnelle qui procède aux rachats de dettes publiques et privées.

Mais comme la dette publique américaine a fortement augmenté passant de 55,746% du PIB en 2007 à 96,342% du PIB, en 2014 (chiffres Banque mondiale) et qu’une partie importante est détenue par des pays étrangers, la Fed, dans ses quantitative easing, entre 2008 et 2014, a racheté beaucoup plus les titres de dette publique détenus par les pays étrangers (bons de Trésor de 3 ans, de 10 ans, obligations) que les titres détenus par les nationaux (banques, fonds de pension, assurances) Et ces titres ont été achetés auprès des banques américaines SVT, accréditées par le Trésor américain, qui ne détenaient que les passifs, puisque les actifs sont vendus à la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite, etc.

Précisément, après que le taux de chômage s’est abaissé, loin des 10% en 2008-2009, l’économie relancée, la Fed américaine a lancé le premier tapering en 2013. Comme mentionné plus haut, elle a abaissé ses injections de 10 milliards de dollars par mois, et a commencé à remonter son taux d’intérêt directeur, en décembre 2015. Les conséquences ont été immédiates, le prix du pétrole est passé de 115 dollars le baril en juin 2014 à moins de 60 dollars en décembre 2014.

Et cette chute des cours a duré six ans, jusqu’en 2019. Il a fallu l’irruption de la pandémie pour mettre fin au tapering de 2013 à 2019. En pleine pandémie du Covid-19, le prix du baril a encore chuté, en 2020. Malgré les plans de relance en mars 2020 et décembre 2020, respectivement 2 200 milliards de dollars et 900 milliards de dollars, sous l’administration Trump.

Un point très important sur ce qui se passe aujourd’hui en fin de l’année 2021. Si, aujourd’hui, le tapering est motivé par la hausse de l’inflation, le tapering en 2013, s’est opéré en situation de déflation. En effet, le taux d’inflation était de 1,5% en 2013, 1,6 en 2014 et 0,1% en 2015. (Données Statista) Ce qui signifie que l’inflation en 2021 et même en 2022 est conjoncturelle. Elle a été provoquée par les plans de relance et les quantitative easing massifs de la Réserve fédérale, suite aux effets de la pandémie et les conséquences sur l’économie américaine (confinement, fermeture d’entreprises, télétravail, hausse drastique du chômage, nécessité d’apporter une aide financière aux États, aux entreprises et aux ménage).

Mais au fur et à mesure que ces plans de relance seront consommés, et la situation de l’économie américaine s’assainisse, ce qui explique pourquoi la Fed programme son tapering, l’inflation va alors se contracter du fait de l’extinction du QE4, dès le deuxième semestre 2022. Le cours du prix du pétrole va par conséquence fortement baisser. Le monde entrera dans le scénario de 2014-2019. On peut pronostiquer que les cours atteindront les 50-60 dollars. Et que cette situation de tapering qui provoquera le contrechoc pétrolier va durer sur plusieurs années d’autant plus que se joue aujourd’hui une guerre économique entre la Chine et les États-Unis. Et qui ne va pas cesser parce que l’enjeu est que la Chine supplante les États-Unis dans son rang de première puissance mondiale, à l’horizon 2030-2040. C’est dire que le bras de fer États-Unis-Chine va durer, sur le plan mondial.

Si l’Algérie a enregistré entre 2014 et 2020 des déficits commerciaux sans discontinuer, faisant passer ses réserves de change de 201,437 milliards de dollars US, en 2013, à 59,44 milliards de dollars US, en 2020 (Chiffres Banque mondiale), et le 25 juillet 2021, à 44 milliards USD (Données APS), il est évident que les années à venir seront difficiles pour son économie. Et pour tous les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique dont les recettes en devises étrangères dépendent des exportations pétrolières et de matières premières. Le recours à l’endettement sera inévitable. Mais sera-t-il une solution à moyen ou long terme ? Le programme d’ajustement structurel des années 1994-2000 a simplement assaini la situation économique et financière, il n’a pas propulsé l’Algérie en pays émergent.

Donc, l’Algérie doit se préparer à se serrer la ceinture et changer d’approche sur son devenir. Le problème n’est pas d’attirer les investissements étrangers mais d’aller vers les investissements, et non pas attendre la baraka pour que de nouveau les prix du pétrole remontent. Car, avec cette optique, c’est toujours faire du surplace et d’importer massivement des milliards de dollars en produits fabriqués à l’étranger et produits de première nécessité (lait, céréales, viande, huiles, sucre, etc.). Telle et la situation attendue pour l’Algérie dès 2022. Le problème qui va se poser à l’Algérie, c’est la fonte des réserves de change et comment boucler la balance commerciale puisque les déficits commerciaux ne vont pas s’interrompre.

Aussi faut-il attendre une nouvelle catastrophe pour l’humanité, une pandémie, un krach financier mondial, ou une guerre de grande envergure pour mettre fin au nouveau tapering américain, ce qui obligera la Fed américaine d’ouvrir la bourse à argent et injecter massivement des liquidités internationales. Des injections monétaires qui amèneront les quatre grands émetteurs de monnaies internationales que sont l’Europe des Dix-Neuf, la Chine, le Royaume-Uni et le Japon à la suivre dans de nouveaux quantitative easing que l’on appellera QE5. Tout est possible. La pandémie Covid-19 n’a-t-elle pas arrêté le tapering1 ? Il peut aussi se jouer de même avec le tapering 2. D’autant plus, qu’au-delà la guerre économique qui oppose les États-Unis à la Chine, lorsque les pays du reste du monde consomment, importent des biens et services, l’Occident comme la Chine consomme, produit et créé de l’emploi, le chômage diminue et la prospérité est pour tous.

Un tapering en lui-même est stérile s’il ne fait qu’endetter, surendetter les pays du reste du monde sans voie de sortie. 28 pays d’Afrique sont déjà surendettés, selon le FMI, et croulent dans la misère. Il n’y a pas de solution pour eux, ils n’ont aucune possibilité de renverser les donnes. Ils vivent des subsides que leur accordent les créanciers, et toujours vont de restructuration en restructuration de la dette. Ces pays sont piégés à l’infini. Puisque ces pays n’exportent que des matières premières et le pétrole et ne sont maîtres ni de la fixation des prix des produits qu’ils exportent ni de la monnaie de facturation de leurs produits exportés.

N’est-ce pas étrange et choquante cette situation pour ces pays qui sont pour la plupart pauvres et détiennent certes leurs richesses mais ce ne sont pas eux qui fixent les prix ni n’ont de monnaies pour les facturer internationalement ? Ils ne peuvent valoriser leurs richesses. Ils ont les mains et les pieds liés par l’Occident qui lui détient ces deux donnes stratégiques. Et même l’Opep, quoi qu’il fasse, les résultats de son action sont très à la marge, et donc le cartel est impuissant à revaloriser le prix du pétrole. Quant à la Chine, elle cherche en catimini à partager ce pouvoir financier avec l’Occident qui, plus tard, lui permettra d’accéder au rang de première puissance mondiale.

 On comprend qu’au fond que lorsqu’il n’y a plus de solution entre les humains, c’est la nature qui se mêle des affaires humaines et provoquent l’impensé comme en 2020, une pandémie mondiale. Et c’est cela que les grandes puissances doivent redouter parce qu’il peut toujours exister quelque chose de plus fort que le plus fort.

Et le problème est que si une autre pandémie mondiale venait de nouveau à faire irruption, après celle-ci qui n’est toujours pas terminée, elle prend même de la vigueur avec la nouvelle souche de Covid-19 Omicron, ce qui rendrait service au reste du monde, en mettant fin au tapering 2, le problème est qu’elle risque d’être pire que le Covid-19. Et si c’est la seule solution pour que les humains comprennent ? L’Occident en premier. Les deux Guerres mondiales ne sont-elles pas venues libérer l’Afrique et une grande partie de l’Asie qui étaient colonisées ? L’Inde, plus de 200 ans. Une partie de la Chine, la Mandchourie, colonisée par le Japon. La Corée, l’Indonésie, le Vietnam et tous les autres pays d’Asie colonisés. Presque tous les pays arabes et le continent africain colonisés. Bref plus de la moitié de la population mondiale était sous tutelle occidentale.

Aussi tout mal majeur qui frappe l’humanité doit être pensé à sa juste valeur. Sinon, il y a un prix à payer par le monde, en particulier par les puissants.

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective



2 réactions


  • Jonas 16 décembre 2021 10:53

    Mon pauvre Hamed.(1)

    Vous êtes toujours à ruminer le passé en occultant une grande partie de l’histoire de votre pays qui n’avait pas encore le nom d’ Algérie. 

    Or le passé montre que le monde arabo-musulman est sorti de l’histoire depuis la chute des Abbassides XIIIe siècles.

    Ce ne sont pas les autres qui sont responsables de ces hordes , hirsutes , sales , affamées , édentées qui fuient les pays musulmans ,pour venir s’installer dans les pays occidentaux au péril de leur vie , dans l’indifférence des pays musulmans.

    Et avant la colonisation française de l’Algérie il y avait celle de la colonisation de l’empire ottoman , qui avait asservi votre pays pendant plus de quatre siècles, en laissant derrière lui que des mosquées et des tribus qui se faisaient la guerre. 

    Le monde Arabo-musulman, restera dans sa nuit noire , tant qu’il ne réformera pas sa théologie, qui est le principal obstacle a son développement. 

    @Hamed , vous pouvez comme à votre habitude accuser les autres de tous les maux dont souffrent le monde Arabo-musulman , cela fait des décennies que vous le faites , tout en faisant du surplace. 

    Je ne crois pas que la guerre civile de votre pays dans les années de plomb faisant 200 000 morts , ni celle du Liban avec ses 150 000 morts sont de la responsabilité des autres. Comme les guerres en Irak , Libye , Somalie , Soudan, comm les plus de 500 000 morts en Syrie , les plus 330 000 morts au Yémen sans parler des dictatures qui enserrent les pays arabo-musulmans .

    Tout ce que vous savez faire ,comme le disait un intellectuel pakistanais , c’est prier Allah et accuser les autres. 

    Le monde avance et vous pays arabo-musulmans vous stagnez , a part les confettis du Golfe , qui essayent de prendre le train en marche. 



  • Jonas 16 décembre 2021 11:35

    Mon pauvre Hamed (2)

    Le monde arabo-musulman est sorti de l’histoire et a pris un retard dans tous les domaines a cause de sa théologie , qui le maintient dans l’obscurantisme, le ressentiment , l’humiliation et la haine des autres. 

    Un simple exemple.

     Le Vietnam ,pays ancien colonisé par la France , qui a recouvré son indépendance , après sa victoire militaire ( Giap) puis une autre victoire sur les Etats-Unis, comme il n’est pas musulman , n’a pas cette rancune macérée et venimeuse. 

    Les dirigeants de ce pays regardent l’avenir et non le passé pour sortir leur pays des difficultés.

    Ils ont de bonnes relations avec les Etats-Unis. Et lors de la visite récente du Premier ministre vietnamien,PHAM MIN CHIN, en France. Celui-ci reconnait l’apport de la France. De solides infrastructures qui fonctionnent encore aujourd’hui, des bâtiments magnifiques devenus patrimoine national, une conception moderne de l’Etat. Une reconnaissance admirative pour l’instruction reçue dans les écoles françaises. Des lycées français et les écoles privées françaises continues d’accueillir les enfants des grandes familles vietnamiennes etc. 

    L’Algérie insulte la France d’un côté , et de l’autre côté elle lui envoie tous ses nombreux miséreux, qu’elle est incapable de nourrir. 


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