mercredi 11 juin 2014 - par Pierre JC Allard

Allez, Marianne, dis-lui que tu l’aimes !

J'ai retrouvé cet article que j'écrivais en 2002 - je n'étais pas inactif à l'époque - et je trouve amusant de le republier. Est-ce que la situation politique ne serait pas bien différente, aujourd'hui si on avait réagi autrement à la poussée prémonitoire du FN de 2002 ? 

Et je vous dis que si un parti de gauche radical - qui au minimum, ramène en France la création de monnaie, nationalise les banques et dénonce le TAFTA - ne voit pas le jour, le FN sera au deuxième tour des prochaines élections en France comme seule vraie alternance et que nul ne sait qui gagnerait ce deuxième tour, quand on jouerait à qui l'on deteste le plus.

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"Depuis qu’elle est devenue veuve du grand Charles, la Marianne, c’est pas tous les jours qu’on lui "déride les fesses", comme disait Brassens : 99 fois sur 100, la France s’emmerde en votant. Alors, elle a ses caprices, la Marianne, comme ces mariages à trois, quand elle "cohabite" avec mari et amant. Mais, ça, ce sont les jeux innocents ; comme le troussage de jupon au bistro, quand Mamère lui parle en vert ou que le petit Hué lui lit du Maïakovski. Ça reste entre amis. Chacun a ses positions libidinales – qui sont toutes la même – et Marianne garde la sienne.

Mais quand Marianne a vu le grand tatoué au bar, qui parlait sur un autre ton et qui avait l’air d’avoir du muscle à la cuisse, ça lui a fait un petit chaud au coeur et même un peu partout. Ça lui rappelait sa jeunesse : "89, "48… Alors elle a craqué. Oh, pas beaucoup. Pas la main baladeuse, juste un petit clin d’oeil. Mais ça leur a fait un de ces effets, aux habitués … ! Oh la la ! "Marianne n’est pas heureuse" – qu’ils se sont dit ; "on ne fait plus jouir Marianne !" Et tous les petits copains, inquiets, de se dire qu’il fallait surtout vider le grand mec et garder Marianne au foyer.

"Vas-y, Jacques, c’est toi le mari. Séduis-la, mon vieux !" Ah, si seulement ils n’avaient pas tous dit la veille que Jacques était impuissant, sentait mauvais et n’était pas propre, propre entre les doigts de pieds ! Alors, à tour de rôle, tous ces potes qui se sont envoyé Marianne (plutôt mal que bien), ou qui rêvent de la sauter, tous de la même façon, viennent lui chuchoter à l’oreille les vertus de la fidélité.

Nous sommes tous avec Jacques, Marianne. Jacques, il te le fait comme nous ; c’est un type bien, Jacques. Les mecs différents, ça peut être dangereux ; tu te souviens, au bar d’en face, ce type à moustache qui sortait de nulle part et qui soudain a brandi un fusil ? Et crois-tu que, si tu partais, la banque te rendrait ta part de l’argent du compte commun ? Pas de bêtises, Marianne. Allez ! Finis les marivaudages ; bouche-toi le nez, prends Jacques dans tes bras et dis lui que tu l’aimes. Dis le lui très fort."

J’ai écrit sur ce site des centaines de textes pour proposer une société pluraliste et de tolérance qui est aux antipodes de ce que propose Le Pen. Cela dit, je pense que la réaction des élites politiques françaises au duel Chirac-Le Pen est d’une incommensurable bêtise. Tactiquement bête, quand elle appelle 80 % d’électeurs qui ont dit NON à Chirac la semaine dernière à devenir 80% d’électeurs qui lui diront OUI au deuxième tour, parce que, en mettant la barre aussi haut, on offre à Le Pen un succès dont personne ne peut mesurer l’ampleur.

En exigeant 80% pour Chirac, on peut voter pour lui tout en le traitant de minable s’il n’en obtient que 75% ; mais le corollaire, c’est qu’on va transformer en triomphe pour Le Pen le fait d’obtenir 25 % des suffrages, ce qui, objectivement, sera pourtant l’échec électoral le plus cuisant de l’histoire récente. Et comme tous les petits copains n’ont pas vraiment peur de Le Pen – mais ont gros à gagner à faire de Chirac un minable – personne ne sait, quoi qu’ils disent, comment ils voteront VRAIMENT.

Supposons que ce n’est pas 25, mais 30, 35, 40% du vote que va chercher Le Pen. ? Qu’est-ce qu’on dira aux Français et aux partenaires de la maison Europe ? Que c’était une astuce et qu’on s’est tiré dans le pied ? Bête sur le fond, aussi, cette stratégie de vouloir ignorer Le Pen et de refuser le débat ; car est-ce que la démocratie néo-libérale n’est applicable qu’aux néo-libéraux bien-pensants – comme la démocratie soviétique ne s’appliquait que dans le cadre de la "légitimité socialiste" ?

Quand on refuse le débat avec Le Pen, on dit à 4 millions de Français que leur opinion est si mauvaise qu’on fera comme s’ils n’existaient pas… Or, ce n’est pas ça, la démocratie. Quand je lis des éditorialistes qui proposent de baliser la démocratie pour protéger le peuple de lui-même, je ne marche plus du tout. C’est ça qui mène à un système "américain", où le seul droit du peuple est de choisir entre deux guignols interchangeables à qui on ne permet d’avoir qu’une seule et même politique.

Je pense, moi aussi, que Marianne a mal choisi son dernier flirt, mais je trouverais inacceptable qu’on lui interdise de regarder tous ceux qui viennent au café, quelles que soient leur race, leur religion ou leurs opinions. Il n’y a personne auprès de Marianne qui puisse lui inspirer une grande passion. Et ça, elle l’a dit bien clairement.

On escamote trop facilement la leçon LA PLUS IMPORTANTE de ce scrutin, qui n’est pas que Le Pen ait obtenu plus de suffrages que Jospin, mais que l’abstention soit devenue – et de loin – le premier choix des Français. Laissons Marianne se chercher une passion. Elle est trop jeune pour passer la main et le monde a encore besoin d’elle.

C'était en 2002...

Pierre JC Allard



3 réactions


  • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 11 juin 2014 15:39

    J’aurais pu dormir 12 ans, m’eveiller comme Rip van Winkle et retourner écrire mes articles en ne hangeant que queles noms et en ajustant quelques dates. Quand je prends un peu de distance de l’actualité, je remarque ce qu’elle a de répétitif, et à quel point le debat politique apparait comme un bavardgae ssuperficiel dont le seul but semble de justifier des paiements aux copains. 

    J’en déduis d que nous sommes dans une de ces periodes benies où il ne se passer rien et où les quidams se plaignent pour rien. Chouette ! Rien qu’un petit tripotage de ci de là, et Papa Le Pen qu’on fait parler et Dieudonné qu’on fait taire... . RIEN, heureusement ! Car quand il se passe quelque chose, c’est vraimnet dur.... Voyex les documentaires sur la Guerre de « 14. 

    Ou voyez comment, après des années à semer la zizanie en Terres Infidèles, les USA on remporté une grande victoire pour le chaos, hier, avac une vraie guerre civile entre Sunnites et Chiites que marque la prise de Mossoul par les Islamistes.... Une guerre qui durera... 

    A l’Ouest, en France, rien de nouveau... Assselineau fait 0,5 % d’appuis, pas plus... Les refugies se noient en Mediterrannée. la Bourse grimpe... . »Ca sent la biere, de Londres a Berlin... Allah qu’on est bien ! "

     Pierre JC Allard

  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 11 juin 2014 15:55

    «  »Laissons Marianne se chercher une passion. Elle est trop jeune pour passer la main et le monde a encore besoin d’elle. C’était en 2002...«  »

    Oui... Mais depuis 2002, il y’a eu bien des choses qui étouffent la passion ! Y en a t-il vraiment de la passion dans un univers homosexuel, monsieur Allard ?


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 11 juin 2014 16:17

      @ MM


      Je vois bien des inconvenients a l’homosexualité, mais j’y vois pas vraiment pas l’alpha et l’omega de nos problemes ! Et la passion n’est pas dans l’objet convoité mais chez le sujet qui convoite. 

       PJCA

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