Apartheid : la nouvelle race inférieure à la mode !
L’agriculture qui appartient au secteur primaire permet l’emploi des Français pour une part de plus en plus minime : depuis la première guerre mondiale, cette part a diminué d’un facteur 20 ; elle n’intervient actuellement que pour 0,7% dans le PIB. Malgré tout, le taux d’autosuffisance alimentaire est supérieur ou proche de 100% pour la France, les Etats-Unis ou l’Allemagne.
En 20 ans, le poids de l'industrie dans le PIB a diminué de moitié. et a perdu près de 40% de ses effectifs soit environ 2 millions d'emplois en France. Ce mouvement est général dans tous les pays occidentaux. À titre d’exemple, la France, comme l’ensemble de l’Europe, ne fabrique plus de téléviseurs bien que pratiquement tous les ménages (95%) soient équipés.
Le secteur tertiaire lui s’étend de jour en jour. Il est composé du commerce, des transports, des activités financières, des services rendus aux entreprises ou aux particuliers, de l’enseignement et de la recherche, des professionnels de santé… Plus de 75% des français travaillent maintenant dans le secteur tertiaire (et environ 60% dans le monde).
Les travailleurs ont donc dû changer d’activité pour conserver une utilité sociale locale. Deux sortes d’Hommes pouvaient survivre au néant qui s’annonçait : le maître et l’honnête homme.
L’honnête homme est cultivé et sociable, il doit être, ou au moins se montrer, humble, courtois. Il refuse les excès même dans le Bien et sait dominer ses émotions. Dans le corps social il ne peut s’affirmer que grâce aux multiples aspects de la séduction. Il évite autant que faire se peut les rapports de force et s’efforce d’être être autonome afin de conserver son indépendance et sa liberté.
Le maître n’a pas ces préoccupations : son statut, sa fortune, sa naissance lui permettent d’obtenir ce qu’il souhaite, et il souhaite en premier lieu voir ses ordres exécutés par ses subordonnés. Plus la division du travail et des compétences est grande, moins le risque de rébellion parmi ses obligés est importante et plus il est puissant. C’est le maître que les temps modernes ont choisi.
Au niveau mondial, le colonialisme pensait accomplir une mission civilisatrice : « Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures : elles ont le devoir de les civiliser. » Dont acte. Plus tard, le progrès mondialisateur évita de telles assertions : les races à civiliser n’étaient pas noires, jaunes, rouges… mais pauvres.
Le tissu industriel en France comme aux État-Unis permettait à des personnes dites non qualifiées de trouver un emploi et d’en tirer un revenu qui lui permettait d’élever dignement les siens. Un soubassement chrétien, éminemment contestable mais présent, leur permettait d’avoir un semblant de respect de la part de ceux qui tiraient profit de leur travail : ils avaient le même Dieu, la même Nation, la même morale. Mais dans une logique où le sacré s’évanouissait, ces notions transcendantes n’avaient plus de sens. Les gens fortunés investirent leur fortune en des lieux qu’aucun dieu, qu’aucune république, qu’aucune morale ne pouvaient réunir aux ouvriers qu’ils employaient jusque là. Que pouvaient devenir les laissés pour compte : auto-entrepreneurs, informaticiens, livreurs de pizza ??
Le mépris est l’arme des lâches, certes, mais c’est aussi la plus efficace pour disqualifier une population.
Par précaution, il faut souligner que poser les bonnes questions n’implique pas que l’on ait les bonnes réponses. Des hommes, des femmes s’interrogèrent sur le sort des mis sur la touche de la mondialisation : le populisme était né. Ce courant mettait en avant les intérêts divergents du peuple mis hors jeu et une certaine élite accusée de tous les maux. Celle-ci se rebella et les populistes devinrent indignes, indignes même d’exister, mais ils furent tolérer au nom de la démocratie verbale calquée sur les paroles verbales et verbeuses.
Mais le mépris alla beaucoup plus loin : un racisme de classe se mit en place au nom d’un politiquement correct qui prêchait cependant l’abolition même de l’utilisation du mot race : on interdisait le mot pas la pratique.
Les travailleurs manuels préfèrent le savoir faire sur le faire savoir. C’est vrai en chaudronnerie mais aussi en Physique, en Chimie, en Biologie, domaines pour lesquelles le savoir empirique est d’une importance telle que les théories ne font souvent que le décorer. Les laissés-pour-compte n’expriment que difficilement ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent et ceux qui se sont faits métier de parler purent les moquer, les ridiculiser voire les insulter en les mettant en exergue des maladresses d’expression. Le mépris gagna en grandeur : les délaissés étaient des imbéciles incapables de savoir la différence entre un logarithme décimal et népérien, entre Zadig et Voltaire, entre Foucault et son pendule, entre Spinoza et Hanouna. Pourtant l’intelligence de la main existe bien, et l’esprit de finesse, et le bon sens. La raison raisonnante ne fait souvent qu’étaler, délayer des préjugés, un prétexte pour avoir le dernier mot.
À ce mépris culturel s’ajouta encore un effroyable mépris ethnique, racial.
Sortant du club de fitness où elle a pu rencontrer Arthur qu’elle avait connu quelques semaines auparavant en faisant de l’équitation, elle courut jusqu’au studio où elle animait un divertissement politique qui faisait autorité dans son créneau. Le sujet du jour : l’obésité. 7 millions de personnes sont considérées comme obèses en France. La proportion des personnes obèses a doublé ces dix dernières années. Une étroite corrélation est observée entre la propension au surpoids et à l’obésité et le revenu de l’intéressé. Un tiers des femmes qui ont un revenu mensuel inférieur à 450€ est obèse tandis que seulement 7% le sont avec un revenu supérieur à 4200€. Géographiquement, plus le développement économique d’un département est faible, plus il concentre des personnes en situation d’obésité. Les obèses sont quatre fois plus nombreux chez les enfants d’ouvriers que chez les cadres.
Les industries ont été délocalisées afin de trouver des travailleurs moins payés mais plus dociles et beaucoup de ceux qui se virent conséquemment précarisés tombèrent dans la malbouffe, le trop de bouffe. Malgré les aides d’état, leur reconversion vers des professions d’avenir se révéla difficile ou impossible. Les gens sentirent le mépris que le parisianisme sait si bien engendré : ils se réfugièrent au sein de sympathies identitaires, nationalistes, patriotes… ce que l’on assimilait sourdement au national-socialisme.
L'apartheid est une politique dite de développement séparant les populations afin qu’elles vivent loin les unes des autres selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. La mondialisation n’est rien d’autre qu’un apartheid bon chic, bon genre qui permet de dissocier en tous points les possédants des dominés : les riches dans les métropoles occidentales, les pauvres ailleurs. Les pauvres blancs, majoritaires chez les ex-salariés de l’industrie, sont relégués loin des centres des villes, loin des regards, loin de toute compréhension : il est tellement désagréable de devoir fréquenter ceux que l’on a privé de travail, d’espoir, d’âme. Une nouvelle race inférieure émergea donc peu à peu, des confins de l’Ohio jusqu’au tréfonds du Pas-de-Calais.
Et tant d’autres sont bannis que 10 jours ne suffiraient pas à les nommer : la race des seigneurs n’avait plus à se préoccuper d’eux. Cette race des seigneurs à laquelle on ne peut accéder ni par les connaissances, ni par le mérite, ni par les vertus : seulement en vendant des rêves fabriqués industriellement à des gens qui ne souhaitent que de vivre de peu de choses réelles : avoir des enfants dans le droit chemin, un toit décent, quelques jours au bord de la mer… et surtout ne pas avoir à quémander.