Après le grand débat public national, faut-il rétablir l’ISF ?
La suppression de l'impôt sur la fortune (ISF), avec son assise sur le seul immobilier et la hausse de la CSG de 1,7 point pour les salariés, les fonctionnaires, les indépendants et certains retraités a soulevé les objections que l'ont sait... le rétablissement de l'ISF fut par ailleurs une demande constante exprimée lors du grand débat national, mais pas seulement. Faut-il rétablir l'ISF, est-ce possible et sous quelle forme ?
ans sa lettre d'ouverture au grand débat national le Président de la république écrivait notamment : " l'impôt, lorsqu'il est trop élevé, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s'investir dans les entreprises, créant ainsi de l'emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d'encourager l'investissement et faire que le travail paie davantage"... A l'évidence cela visait la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) pour lequel Emmanuel MACRON n'entendait pas y revenir ... Ce qu'il a plusieurs fois réitéré depuis.
Au sein de l'UE, seuls deux pays ont encore un ISF
Les Pays-Bas où c'est le rendement "théorique" du capital qui est imposé de manière arbitraire à 4%. Cette somme est ensuite taxée à 30%. Ce qui équivaut, en pratique, à un impôt sur la fortune de 1,2%.
L'Espagne où l’impôt sur la fortune a été un temps supprimé, puis remis au goût du jour en 2011 et concerne les contribuables ayant une base imposable de plus de 700.000 euros, même si certaines régions peuvent moduler cette assiette taxable.
L’Italie et la Grèce, de leur côté, ont préféré abandonner l’impôt sur la fortune pour taxer les seuls biens immobiliers, comme l'a fait Emmanuel MACRON.
L’ensemble des autres pays européens, à l’instar de l’Allemagne (depuis 1997) ont abandonné leur dispositif. Ou ne l’avaient simplement jamais mis en place.
Hors UE, Deux pays ont aussi un impôt sur la fortune.
la Suisse, chaque canton possède son mode de calcul et applique un taux différent.
En Norvège, Enfin, il existe un ISF dont le taux varie entre 0,9% et 1,1% du capital.
Pour mémoire, en France l'ISF était un impôt déclaratif
L'ISF concernait les personnes physiques dont le patrimoine net taxable était supérieur à un certain seuil et déterminé par l'administration fiscale au 1er janvier de chaque année d’imposition. Il était stabilisé à 1.3 million d’euro de patrimoine net taxable depuis 2011. L'ISF était calculé sur la base d'une déclaration de patrimoine réalisée par le contribuable lui-même. Considéré comme « exception française » et « impôt idéologique », il était régulièrement sujet à polémique, en particulier dans les milieux politiques de Droite.
Les revenus étaient exclus de l'ISF, car ils sont déjà comptés dans l'impôt sur le revenu. En effet, l'impôt sur le revenu et l'ISF se cumulent. C'est d'ailleurs pourquoi un système de plafonnement avait été mis en place dès 1989, année où l'ISF a été recréé par Michel ROCARD, après que son ancêtre, l'Impôt sur les Grandes Fortunes (IGF) mis en place en 1982 sous le premier Gouvernement Socialiste de Pierre MAUROY avait été supprimé en 1987 par Jacques CHIRAC. L'idée initiale était de permettre à des Français qui ont par exemple hérité d'un gros patrimoine mais qui ont de petits revenus, de ne pas avoir à payer plus de 70% de leurs revenus. Ce taux de 70% était celui de 1989. Il a été relevé à 85% en 1991. Il est ensuite passé à 75%. Entre temps, l'ISF est passé par un « plafonnement du plafonnement » par Alain JUPPE en 1995, puis il a cohabité avec le « bouclier fiscal » à 50% de Nicolas SARKOZY en 2017. En cas de dépassement, la différence venait en déduction du montant de l'ISF.
Les éléments du patrimoine qui étaient taxables à l’ISF
Il s’agissait de prendre en compte les éléments de patrimoine détenus par tous les membres du foyer fiscal, à savoir les biens (meubles et immeubles), les véhicules, bateaux et bijoux (sauf si ce sont des biens de collection), mais aussi les droits (usufruit, droit d’usage...) et les valeurs (actions, titres...) qui composaient le patrimoine au 1er janvier de l’année d’imposition.
La valeur de la résidence principale entrait dans le patrimoine net taxable à l’ISF, mais elle bénéficiait d’un abattement de 30 % (sauf si la résidence principale est détenue en SCI).
Parmi les droits pris en compte dans le calcul de l’ISF, ont peut noter :
- les usufruits et droits d’usage
- les droits de propriété industrielle (brevet, marque), littéraire ou artistique.
Egalement pour les placements financiers à prendre en compte pour évaluer le montant du patrimoine à déclarer à l’ISF, on trouve :
- les actions et obligations cotées,
- les contrats d’assurance vie
- les montants placés sur un plan d’épargne entreprise (PEE) ou un Plan d’Épargne Interentreprises (PEI)
- les sommes placées sur les Plans d’Épargne en Actions (PEA)
il y a aussi les liquidités à déclarer à l’ISF pour son calcul que sont :
- l’argent disponible sur les comptes courants,
- les sommes placées sur les livrets d’épargne, PEL et CEL
- les bons du Trésor, bons de caisse, bons de capitalisation
- les lingots d'or
Le barème de taxation à l’ISF était le suivant (selon l’article 885 U du Code Général des Impôts) :
Tranche de la valeur nette taxable |
Taux d’ISF |
Patrimoine net taxable inférieur ou égal à 800 000 € |
0% |
Supérieur à 800 000 € et inférieur ou égal à 1 300 000 € |
0.5 % |
Supérieur à 1 300 000 € et inférieur ou égal à 2 570 000 € |
0.7 % |
Supérieur à 2 570 000 € et inférieur ou égal à 5 000 000 € |
1 % |
Supérieur à 5 000 000 € et inférieur ou égal à 10 000 000 € |
1.25 % |
Supérieur à 10 000 000 € |
1.50 % |
Pour un effort de solidarité par les très riches, sans revenir à la formule initiale de l'ISF, c'est possible !
S'il ne s'agit pas de rétablir l'ISF sous sa forme initiale, il serait toutefois nécessaire que les personnes très riches fassent un effort de solidarité. Peut-on imaginer qu'une richissime personne possédant un yachts de plusieurs dizaines de millions d'euros, également un "jet" privé de somme équivalant, des chevaux de course, voitures de luxe, lingots d'or, dividendes d'actions en plus de très confortables revenus ne contribue pas à un effort de solidarité envers les plus faibles ou ne ne participe pas à l'aide des petites et moyennes entreprises créatrices d'emploi, notamment dans le domaine de la protection de l'environnement et des économies d'énergie ... Il serait donc souhaitable d'établir une contribution solidarité richesse qui, hors immobilier et excepté les contrats d’assurance vie et les droits de propriété industrielle (brevet, marque), littéraire ou artistique. réintégrerait les biens somptuaires qui ont été exclus avec le transfert de l'ISF à l'IFI (yachts, jets privés, chevaux de course, voitures de luxe, lingots d'or ...) ainsi que la suppression de la dispense des prélèvements sur les dividendes des actions. Il faudrait toutefois simplifier la procédure de calcul, éviter l'évasion fiscale en recréant un boucler fiscal à 50% des revenus et relever les seuils qui sont actuellement de 1,3 million d'euros pour l'IFI à 3 millions d'euros sous la forme d'un prélèvement unique, par exemple de 1, 25% . Tous les investissements, par mécénat associatif ou dans le capital des micros, petites et moyennes entreprises (sous réserve de création d'emplois) seraient déduits du montant de l'impôt à payer.
Pour rappel en 2017, l’ISF avait rapporté 4,3 milliards d'euros pour 358 000 contribuables soumis à cet impôt, dont 3590 avaient déclaré plus de 10 millions d'euros. Après sa suppression en 2018, l'IFI qui a concerné 120 000 contribuables (130 000 de moins que pour l'ISF ) n'a rapporté qu'un peu plus d'un milliard d'euros, soit 3 milliards de moins que l'ISF en 2017. Ou 4,2 milliards de moins que l'ISF de 2016 ( qui avait rapporté 5,224 milliards d'euros)
Définir un nouveau calcul pour la CSR
L'ISF était plafonné de sorte à ce que le montant cumulé des impôts à acquitté du revenu plus ceux de l'ISF n'excède pas 75% des revenus. Précisément, en 2017, le montant de l'ISF ajouté au montant de l'impôt 2017 sur les revenus de 2016 ne pouvait excéder 75% des revenus perçus durant l'année 2016. Un mécanisme, selon le gouvernement, dont se servaient certains contribuables , afin de réduire artificiellement leurs revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement.
Afin d'éviter cette situation pour la contribution solidarité richesse (CSR), étant donné l'augmentation du seuil à 3 millions d'euros et que certains éléments, et pas des moindres, seraient exclus du calcul, le bouclier de 50% s'appliquerait à la somme totale à payer et non au seul revenu. toutefois à la somme obtenue pour le seul calcul de la CSR on pourrait appliquer préalablement un dégrèvement de 40 %.
Exemple : Un contribuable a un patrimoine imposable CSR de 3 150 000 euros, il doit acquitter 1,25 % de 3 150 000 de contribution solidarité richesse soit 39 375 euros, il bénéficie toutefois d'un dégrèvement de 40 % sur cette somme soit 15 750 euros, ce qui reste à 22 625 euros. Il doit acquitter 5800 euros sur le revenu, plus 22 625 euros résultant du calcul CSR. le total à acquitter serait donc de 28 425 euros Mais avec un bouclier fiscal à 50 % il devra donc acquitter 14 212 euros de contribution solidarité richesse. S'il investit 10 000 euros dans le mécénat associatif ou dans le capital d'une petite entreprise, ces sommes viendront en déduction de sa Contribution solidarité.
Exclure l'immobilier de la nouvelle contribution solidarité richesse (CSR) et la taxe d'habitation pour les résidences secondaires.
L'actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI), bien que le seuil de déclenchement soit de 1,3 million d'euros, le barème commence à partir de 800.000 euros (au taux de 0,5 %). Du coup, le contribuable à l'IFI acquitte d'entrée un impôt de 2.500 euros.
Si à priori cet impôt semble toucher les plus riches, malgré le "bouclier" fiscal comme pour l’ISF et bien que l’IFI intègre un dispositif de plafonnement afin de garantir aux contribuables que le montant total de leurs impôts ne dépassera pas un certain pourcentage de leurs revenus. En application de ce dispositif, le total formé par l’IFI et l’impôt dû sur les revenus de l’année précédente ne peut dépasser 75% de ces mêmes revenus. En cas d’excédent, celui-ci vient en déduction de l’IFI à payer, comme l’énonce l’article 979 du Code général des impôts (CGI).
Malgré cela, en réalité l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) peut aussi concerner des personnes plus modestes en plus grand nombre, dont les biens ont été acquis par héritages successifs ou des agriculteurs à la retraite qui ont conservé les bâtiments, voire des terres de leur exploitation. Ne pas oublier que les revenus éventuels dus à des locations de biens immobiliers font l’objet d’impôts sur le revenu, de même que lors d’une transmission du patrimoine il y a des frais de succession très élevés.
Il convient de supprimer totalement la résidence principale du calcul de la contribution solidarité richesse (CSR), ainsi que pour chaque résidence secondaire dont la valeur n'excède pas 800 000 euros. Au delà de cette somme, l'excédent sera rajouté au calcul de la Contribution solidarité richesse.
Avec un impôt sur la fortune immobilière, n’est-ce pas contradictoire avec la volonté exprimée par le Président de la république de vouloir faire revenir de riches expatriés ? Outre les difficultés administratives chroniques que connaissent toutes les personnes ayant vécu à l’étranger, lors de leur retour en France, comment pourraient-ils s’installer en France en acquérant un somptueux bien immobilier pour compenser celui qu’ils laissent à l’étranger, sachant qu’ils seront lourdement fiscalisés ?
Les chefs d’entreprises expatriés qui ont investi dans le pays par « effet de ruissellement » ne l’on pas fait à cause de la suppression de l’ISF, mais grâce à la stabilité politique que connaît traditionnellement la France et par des bénéfices réalisés par retours sur investissements de leurs activités. Pour celles et ceux de ces chefs d’entreprises non expatriés qui en ont bénéficié, ils ont généralement préféré les placements financiers en actions, désormais défiscalisés.
Avec la taxe d’habitation pour les résidences secondaires, l’exemple d’une mesure dont l’efficacité peut soulever des critiques légitimes et qu'il faut également supprimer.
En maintenant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, soit 2,5 à 3 milliards de recettes espérée par an, le gouvernement fait un geste pour les Maires et souhaite montrer qu'il ne favorise pas les plus fortunés. Mais là encore ne s’agit-il pas d’un « leurre d’équité sociale » à la limite de la Constitutionnalité ? Certes il y a de riches propriétaires qui possèdent de somptueuses villas comme résidences secondaires sur la côte d’Azur, or les Maires de ces communes peuvent appliquer une surtaxe de 60% pour ces résidences, par contre la majorité des personnes qui possèdent un « second, voire un troisième Bien » sont une population bien plus modeste et l’ont généralement acquis par une procédure d’héritage, suite au décès de leurs parents, beaux parents, grands parents. Inutile de préciser que s’ils louent ce Bien, fusse-t-il occasionnellement, ils répercuteront forcément la taxe d’habitation dans le prix du loyer et là encore c’est le locataire, souvent modeste, qui acquittera indirectement la taxe d’habitation pour sa résidence, alors que celle-ci est supprimée… Avec le risque que le Conseil constitutionnel retoque, non seulement cette disposition, mais la réforme dans son ensemble, au motif que le principe d’égalité des Français devant l'impôt n’est pas respecté, ce qui avait d’ailleurs motivé Emmanuel MACRON de supprimer pour tous la taxe d’habitation sur les résidences principales…
Pour conclure
Cette proposition de contribution solidarité richesse (CSR), telle qu'elle est formulée, bien qu'elle mérite d'en débattre, peut être un compromis acceptable entre les intransigeants qui exigent de rétablir l'ISF et ceux qui refusent, évoquant les uns et les autres des arguments dont il faut tenir compte.
En plus de l'établissement d'une contribution solidarité richesse et la suppression de l'IFI, Il y aurait urgence à refondre la fiscalité locale, ainsi qu'à revoir les barèmes dans le sens d'une meilleure équité fiscale, de même que certains taux de TVA. Mais aussi, revoir les niches fiscales, car il n'est pas normal qu'en 2018 elles aient littéralement explosé, pour atteindre plus de 100 milliards d'euros (100,4). L'évasion fiscale et la lutte contre les paradis fiscaux doit être une priorité au niveau Européen, ainsi qu'une harmonisation fiscale au sein des pays de l'UE. La France doit servir d'aiguillon dans ce sens.