samedi 16 février 2019 - par Chicetchoc

Art contemporain : jusqu’où peut-on aller ?

L’art contemporain est l’objet de nombreuses critiques notamment d’ordre esthétique. Le grand public reste souvent circonspect face à des œuvres dont la beauté ne saute pas aux yeux et au message difficile à cerner immédiatement. Car, il est souvent conceptuel ou réflexif, et vise rarement à subjuguer son public.

 L’art suscite souvent des émotions et la beauté procure des sentiments de ravissement. Mais les artistes disposent d’autres moyens d’action que l’esthétique pour faire réagir. Il y a ceux comme Paul McCarthy qui jouent avec les formes et les symboles pour laisser place au flou et à l’interprétation (comme lorsqu'il exposa sur la place Vendôme un sextoy géant) et il y a ceux comme Anders Carlsson qui n’hésitent pas à afficher la vraie misère humaine pour prendre à partie un public qui ne s’y attend pas. Issu de la sphère théâtrale, Anders Carlsson a piloté une exposition à Malmö (Suède) qui a provoqué des réactions très contrastées. 

La mendicité, nouvelle forme d’art ?

Alors que les visiteurs déambulent dans les salles d’une exposition d’art contemporain, ils finissent par se retrouver nez à nez avec deux Roms assis par terre à mendier. Une scène plus que surprenante qui impose la réalité de la rue à des amateurs d’art aux préoccupations (a priori) bien éloignées de la problématique de la survie. Une réalité d’autant plus frappante que les deux mendiants ne sont pas des acteurs, mais bien des SDF, habitués à demander l’aumône dans les rues glacées de Malmö. Payés 15 euros de l’heure pour leur « prestation artistique », ils ont accueilli avec enthousiasme cette expérience unique qui a tellement frappé les esprits qu’elle s’est retrouvée dans le film suédois The Square. Le long métrage met en scène les péripéties d’un conservateur de musée d’art contemporain et moque un art contemporain qui offre parfois un spectacle qui met mal à l’aise.

En effet, comment peut-on sereinement faire de la misère humaine bien réelle une œuvre d’art ? Les visiteurs qui se retrouvent face à deux vrais mendiants payés pour exposer leur condition a quelque chose de dérangeant. L’exposition voulait dénoncer la misère, mais s’est trompée de cible, car elle porte « sur la manière dont nous ressentons la mendicité » selon Aaron Israelson, le rédacteur en chef d’un magazine vendu au profit des sans-abris. Même son de cloche du côté de l’association qui représente les Roms suédois et qui déplore l’absence de médiatisation des organisations « sérieuses, bien implantées qui travaillent sur ces questions au quotidien ».

L’art contemporain : une affaire de milliardaires ?

L’exposition suscita la polémique dans le petit monde artistique, loin de préoccupations des miséreux. Le marché de l’art contemporain constitue un petit univers dont les clés de compréhension sont cachées à un grand public qui peut s’agacer de ne pas les saisir. Quelques noms font régulièrement la Une des médias, mais cet art est hanté par des milliers d’inconnus qui peinent à survivre. Toujours en 2015, une étude d’Artprice avait recensé 49 000 artistes dont les œuvres avaient été mises aux enchères. Seuls trois artistes sur près de 50 000 se partageaient 18 % des recettes. Le chiffre montait à 35 % pour le Top 10. L’art contemporain vit en vase clos, ce qui renforce l’idée que pour se faire une place, il faut être le plus dérangeant possible.

Il y a donc peu d’élus et presque aussi peu de faiseurs de rois, car l’art contemporain n’échappe pas à l’emprise des grandes maisons d’enchères. Le leader en France (tous arts confondus) n’est autre que Christie’s France (propriété du groupe Pinault) qui a réalisé pour plus de 340 millions d’euros de vente en 2017. Sotheby’s France occupe la seconde place avec 273 millions d’euros et Artcurial (propriété du groupe Dassault) s’installe sur la troisième marche du podium avec plus de 190 millions d’euros. L’art contemporain est devenu une des mamelles des maisons d’enchères.

Les maisons de vente connaissent des années plus ou moins réussies, non pas en fonction de la qualité des œuvres proposées, mais par les sommes disponibles pour se les procurer. Avec un système français dans lequel les œuvres d’art ne sont pas taxées et où l’argent facile avec des taux proches de zéro, les invendus ont baissé de moitié. L’objectif est bien souvent de se procurer la collection d’un artiste déjà côté afin souvent de réaliser une forte plus-value quelques années plus tard. Et quand la plus-value n’est pas soumise à la fiscalité, il n’est pas étonnant de voir les grandes fortunes tomber en pamoison devant des artistes qui laissent insensibles la plupart des gens.

Ainsi, le marché de l’art devient compréhensible que lorsque ces clés sont explicitées. La cote d’un artiste, l’engouement autour d’une collection ne repose parfois que sur de très maigres considérations esthétiques. A croire que l’art est de plus en plus sacrifié sur l’autel des puissants qui en font justement un moyen d’accroitre leur fortune et leur renommée.

L’art vaut plus que cela.

 



10 réactions


  • popov 16 février 2019 16:04

    @Chicetchoc

    ...face à des œuvres dont la beauté ne saute pas aux yeux...


    Ce qui saute bien souvent aux yeux, par contre, c’est la laideur de l’œuvre et le peu d’effort accompli pour la réaliser.

    L’art contemporain ne me dérange pas : c’est le prix à payer pour la liberté d’expression mais je me réserve le droit de l’ignorer. Ce qui me dérange, c’est que ces « travaux » soient souvent financés en partie par les impôt de citoyens qui n’en n’ont rien à foutre de ces horreurs.


    • Arogavox Arogavox 16 février 2019 21:47

      Et encore, si les citoyens s’en foutaient vraiment de ces foutaises ... Mais le pire c’est qu’une trop pathétique proportion se laisse aller à l’obscurantisme de l’argument selon lequel cet « art » serait subversif et viserait à faire réagir pour contrer la société de consommation.

      Piégés par les deux bouts, ces badauds se laissent ainsi mener par le bout du nez, suivant une mode « anti-conformiste » normalisée par ceux-là mêmes qui ont verrouillé le conformisme addictif des produits con-somatisants qui font les grandes fortunes : le fric supplémentaire obtenu par la merde ’artistique’ (Cloacaca, étron de luxe en conserve, etc etc...) n’est que la cerise sur le gâteau qui permettra de pérenniser des valeurs plus sûres que les monnaies de singe, actions, ou empires industriels jamais à l’abri d’un ’incident’ genre Titanic 


  • Jonas Jonas 16 février 2019 17:35

    "Le grand public reste souvent circonspect face à des œuvres dont la beauté ne saute pas aux yeux et au message difficile à cerner immédiatement"

    Une sinistre farce.

    L’art contemporain est une mascarade reprise de ce que l’on appelait au XIXème siècle les « arts incohérents », un courant artistique humoristique qui s’amusait à peindre n’importe quoi et à déclamer que c’était une oeuvre d’art.
    Bien entendu, tout était pris au second degré, le monochrome noir de 1882 de Paul Bilhaud faisait rire tout le monde avec des titres comme : « combat de nègres pendant la nuit », le blanc : « Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige ».
    En 1884 Alphonse Allais présentera un morceau d’étoffe rouge : « Récolte de la tomate sur le bord de la mer rouge par des cardinaux apoplectiques. »
    Eugène Bataille fera une Mona Lisa fumant une pipe en 1887, bien avant que Marcel Duchamp n’exploite le tableau en « ready-made », son fameux LHOOQ (un calembour digne des arts incohérents).

    Aujourd’hui cette farce monumentale est reprise et exploitée très sérieusement par les oligarques mondialistes en tant que véritables « oeuvres », afin d’effacer, de détruire le monde ancien, sa culture, son identité et son patrimoine, créer un monde nouveau, du consumérisme, du multiculturalisme et cosmopolitisme. Les monochromes de Malévitch sont estimés à plusieurs millions de dollars.



  • Jonas Jonas 16 février 2019 17:42

    L’art contemporain participe à la destruction de la civilisation européenne, faire table rase de l’héritage culturel et technique millénaire occidental, du travail minutieux et le travail d’orfèvre qu’il faut à un véritable artiste pour produire une oeuvre d’art, la recherche des matériaux nobles pour une sculpture, les tons des peintures pour une aquarelle, pour une seule cause, la quête de la Beauté de la création Divine.
    Au XXème siècle, c’est l’élite oligarchique (financiers, banquiers, industriels, dirigeants de grandes startup informatiques, directeurs de journaux, etc...) qui dicte au peuple ce qui est art et ce qui ne l’est pas, débilisant les esprits afin d’affirmer une soi-disant suprématie intellectuelle et artistique. L’homme nouveau doit oublier son passé, son héritage culturel et religieux, pour se plier uniquement au consumérisme de la société moderne, effacer en lui la notion de Bien et de Mal, de Beau et de laid.
    Toute représentation humaine dans laquelle il pourrait s’identifier, retrouver ses racines, son patrimoine culturel, doit être bannie. Les statues, sculptures ne sont que de grotesques formes où l’on à peine à reconnaître quoi que ce soit.

    Comme il n’y a plus d’héritage, plus d’Histoire, plus de transmission par les maîtres du passé, l’art contemporain vise essentiellement à assouvir les instincts les plus puérils et pervers : chiens fabriqués avec des ballons gonflables de foire, l’exposition de Jeff Koons au château de Versailles est une insulte aux magnifiques pièces de collection qui s’y trouvent, ou les plus vils : pornographie, scènes morbides, mise en oeuvre du caca et du pipi, du sexe, comme le « vagin de la reine », de l’« artiste » Anish Kapoor à Versailles, basés sur la perversion et la provocation, seul moyen d’attirer la curiosité des mécènes.

    La grande « oeuvre » de Jeff Koons, la série « Made in Heaven », a été vendue plusieurs millions de dollars. À vous de juger sur pièces.

    Milo Moiré créée ses toiles en se promenant nue dessus, glisse des oeufs de poule dans son vagin, qu’elle « libère » lorsqu’elle passe sur la toile.

    Joep van Lieshout met en avant dans ses « oeuvres » le sexe, les scènes de tortures macabres et morbides.
    http://www.bestinteriordesigners.eu/ateliervan-lieshout/
    http://www.bestinteriordesigners.eu/ateliervan-lieshout/
    http://zueccaprojects.com/slavecity-by/

    Marcel Duchamp propose un urinoir renversé, qu’il expose comme oeuvre d’art.


    • Olivier 18 février 2019 11:48

      @Jonas
      Oui, absolument. « l’art » contemporain peut même être considéré de nature blasphématoire, où la représentation de la nature et de l’être humain est caricaturée et rendue monstrueuse, comme une négation des oeuvres divines. Sur ce sujet, voir le livre de N. Choucha : « Surrealism and the occult » qui montre le caractère anti-religieux de l’art contemporain.


    • Jonas Jonas 22 février 2019 23:30

      @Olivier « « l’art » contemporain peut même être considéré de nature blasphématoire »

      Blasphématoire également dans le sens où ces monstruosités vendues à coup de millions de dollars, servent en partie à blanchir de l’argent, et à financer des milliardaires.

      "Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon."
      Matthieu 6:24


  • Sozenz 16 février 2019 19:52

    https://www.fiac.com/fiac/News/decouvrez-les-notices-redigees-par-les-etudiants-de-l-ecole-du-Louvre/

    moi je dis qu’ il faut être culotté et pas avoir de face pour pouvoir exposer ça .

    un peu comme nos élus ..

    c est peut etre pour cela qu’ ils s aiment bien.

    A méditer


  • François Vesin François Vesin 17 février 2019 09:51

    C’est le MARCHE qui fait la loi

    Sur cette base, tout est « permis », l’immoralité règne partout 

    Vos deux mendiants Roms à Malmö en sont la preuve

    autant que le gamin et la vieille qui s’exposent à l’Elysée !!!

    La valeur financière de « l’oeuvre » est sa valeur intrinsèque.


  • paulau 18 février 2019 13:25

    L ’ art contemporain , c ’est souvent de la laideur ostentatoire.


  • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 19 février 2019 15:37

    Il ne peut pas y avoir d’art contemporain dans une société aussi fracturée, pas plus qu’il ne peut y avoir de littérature majeure, car les mots et les symboles n’ont plus le même sens pour tout le monde et c’est un obstacle majeur à la compréhension des œuvres.

    Le seul art encore possible est donc celui qui traduit le déclin, comme le font les romans de Houellebeck.


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