mardi 21 avril 2020 - par Michel J. Cuny

Au Mali, le paradis, c’est pour bientôt…

par Michel J. Cuny et Issa Diakaridia Koné

Décidés à savoir qui est vraiment ce Jean François Guay, de nationalité canadienne, qui avait reçu la responsabilité – avec un collègue malien de bien plus modeste provenance, Aboubacar Koné – d’étudier les résultats obtenus au Mali par le Programme PACEPEP mis en œuvre, dans ce pays pauvre, sous le contrôle de l’ambassade du Danemark, nous avons lu avec le plus grand intérêt sur le site abtassociates.com, et à la date du 22 janvier 2020, un article intitulé :
« Aider les agriculteurs du Mali à développer leurs affaires et à faire face à une crise politique. »

Il commençait de la façon suivante :
« Le Mali aurait pu sembler un endroit improbable pour que les innovations agricoles et les nouvelles approches agro-industrielles prennent racine en raison de ses technologies agricoles obsolètes, de son accès limité au crédit, de la variabilité climatique et de l’instabilité politique. » 

Les responsables du site en question n’y vont pas par quatre chemins pour proclamer leur propre victoire… dont on pourrait presque dire qu’elle revêt un caractère tout bonnement militaire :
« Pourtant, Abt Associates, à travers le projet Initiatives intégrées pour la croissance économique au Mali (IICEM) de l’USAID, a réussi à exploiter le vaste potentiel agricole du Mali, en introduisant des outils pratiques et de nouvelles approches pour la culture, la commercialisation et la transformation du riz, du millet et du sorgho. » 

Nous le savons : le patron de l’IICEM, c’est notre cher Jean François Guay qui s’appuie tout tranquillement sur l’USAID, le bras armé de la charité en provenance des États-Unis…

C’est donc à travers lui que Abt Associates a remporté la victoire… tandis que, pour leur part, les Initiatives pilotées par monsieur Jean François Guay sont décidément à ranger sous la bannière des U.S.A. :


« L’IICEM – le programme de croissance économique de l’USAID / Mali dans le cadre de l’initiative Feed the Future du gouvernement américain – a contribué à renforcer les maillons faibles tout au long de la chaîne de valeur de ces cultures de base, des petits agriculteurs aux acheteurs de supermarchés. »

Plutôt que de trop nous parler du monde enchanteur des supermarchés, le site de Feed the Future (« nourrir le futur ») préfère nous transporter tout de suite vers une sorte de paradis très naturel. Voici la bannière qui fleurit tout en haut du site et qui porte l’intitulé : Une stratégie pour mettre fin à la faim. On voit que le résultat attendu est carrément paradisiaque !

Revenons au site abtassociates.com qui formule ainsi le but à atteindre :
« Réduire les coûts, augmenter les bénéfices »

Ce langage-là appartient aux pays où règne la liberté d’entreprise (le capitalisme). Quant à la formule elle-même, elle est celle de l’exploitation de l’être humain par l’être humain : réduire le coût du travail, augmenter la part de profit du capital…

Ainsi le bonheur qui s’annonce dépendra-t-il de la position sociale des personnes considérées : la jeune femme que nous voyons sourire ci-dessus ne se situe pas, par avance, du côté des travailleuses, mais bien du côté des propriétaires des moyens de production…

Comment elle et ses semblables, hommes ou femmes qui veulent réussir dans le cadre de la liberté d’entreprise, seront-ils mené(e)s très directement au paradis… si les intérêts étrangers ne les ont pas dévoré(e)s auparavant ?… En effet, il est difficile de croire que les États-Unis (avec, dans leur dos, les Canadiens, les Danois, les Français, etc.) vont faire le voyage du Mali pour rien…

En tout cas, tous ces gens-là auraient tort de se faire du souci alors que le Mali a été mis en état de quasi guerre civile. En effet, nous dit le site abtassociates.com  :
« Le projet s’est poursuivimalgré un coup d’État de 2012 et la prise de contrôle par les rebelles du nord du Mali, en traitant directement avec les associations d’agriculteurs, les commerçants, les banquiers et les transformateurs. » 

Ici, par anticipation, nous trouvons les possibles vainqueurs de ce qui se met en place sur fond de lutte contre les djihadistes : les associations d’agriculteurs, les commerçants, les banquiers et les transformateurs.

Ailleurs, nous verrons que les producteurs agricoles isolés ont démontré, après deux ans de mise en œuvre du programme PACEPEP d’origine danoise, qu’ils n’étaient pas à la hauteur des exploits que l’ambassade du Danemark avait cru pouvoir faire réaliser à la… pauvreté malienne… Mais que, par contre, les associations d’agriculteurs, les commerçants, les banquiers et les transformateurs, à condition de bien faire tout ce qu’on leur demanderait de faire, étaient, en quelque sorte, sur la bonne voie… et que tout cela, l’IICEM serait en mesure de s’en attribuer le mérite… à elle seule… Tant pis pour les Maliennes et les Maliens qui auront cru qu’ils y étaient pour quelque chose…

En effet, le site abtassociates.com le proclame :
« Les principales réalisations de l’IICEM comprennent… » 

Reprenons cela en vrac, sans oublier de dire que c’est bien monsieur Jean François Guay qui pilote chacune de ces rubriques que nous étudierons en détail une prochaine fois :
« Augmentation de la productivité des cultures ; des récoltes sécurisées ; renforcement des marchés agricoles ; meilleur accès au financement ; innovation tirée par le marché ; stimulation des investissements du secteur privé ; soutien de nouvelles infrastructures. »

Impossible, dans tout cela, de ne pas reconnaître immédiatement le langage de l’exploitation capitaliste… Pas sûr que le paradis que cela prépare puisse être le fait des membres du patronat malien et de la population qui croit se ranger sous la bannière que le Conseil national du patronat du Mali porte sous l’œil vigilant des impérialistes occidentaux à qui l’instabilité politique du pays paraît être si favorable qu’ils se voient déjà triompher d’une population travailleuse dont ils se disent qu’avec la guerre civile, elle est fort heureusement occupée ailleurs… 

NB. La suite immédiate est accessible ici :
https://unefrancearefaire.com/2020/02/14/comment-convaincre-les-maliens-et-les-maliennes-de-sexploiter-les-uns-les-autres/



2 réactions


  • sls0 sls0 21 avril 2020 19:44

    A cause de Sarko, je ne vais plus dans les pays du Sahel. Avant j’y allais pour l’eau potable et l’électricité.

    A l’époque le manque de terre donnait déjà des tensions entre les agriculteurs et les pasteurs.

    L’augmentation démographique et le réchauffement ça n’aide pas.

    Le djihadisme, c’est plus de l’opportunité de se faire du fric qu’idéologique quand on connait le coin.

    Il sont mal barré, pas seulement au Mali, les pays où il y a des tensions agriculteurs/pasteurs c’est le signe d’un manque de terres donc de ressources.

    Si on veut stabiliser la région les militaires devraient suivre les conseils de la FAO.


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 avril 2020 20:32

    Très jolie indienne en photo...merci


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