lundi 30 novembre 2020 - par Carlo Gallo

Au secours ! L’Allemagne revient !

Le site d’information Europe infos, a publié le 28 novembre 2020 un article intitulé : « La Grèce fustige Berlin pour avoir évité son appel à l’embargo sur les armes à la Turquie[1] »

Dans cet article il est question des accusations du ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, contre l’Allemagne qui a rejeté les appels d’Athènes à imposer un embargo sur les armes à la Turquie.

La Grèce a spécifiquement demandé à l’Allemagne de ne pas autoriser la livraison de six sous-marins de type 214 commandés par la Turquie. Les appels grecs sont basés sur le fait que de telles armes pourraient être utilisées contre deux pays membres de l’UE, la Grèce et Chypre, en cas d’escalade des différends sur les eaux territoriales.

« Je ne comprends vraiment pas la réticence de l’Allemagne à utiliser l’énorme puissance de son économie pour montrer clairement aux pays qu’ils doivent obéir au droit international », a déclaré Dendias dans une interview à POLITICO[2].

Dendias a noté que l’accord pour les sous-marins remontait à 2009, lorsque le gouvernement turc et sa politique étrangère étaient très différents. « Je comprends la question financière, mais je suis sûr que l’Allemagne comprend également l’énorme contradiction de fournir des armes offensives à un pays qui menace la paix et la stabilité de deux pays de l’UE. Telle est la définition du mot contradiction », a-t-il dit.

Dendias a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi la Grèce devrait même avoir à soulever la question avec Berlin « au lieu que l’Allemagne se rende compte par elle-même, à partir des freins et contrepoids de son propre système, que cela n’est pas compatible avec son rôle en Europe. »

La Grèce et la Turquie sont toutes deux membres de l’alliance de l’OTAN, mais avec des désaccords de longue date sur une variété de questions, y compris les frontières maritimes. Leur relation a atteint un point bas ces derniers mois.

Au cours de l’été, les pays ont été proches d’un conflit militaire, alors que l’Oruç Reis, un navire sismique appartenant à la Direction générale de la recherche et de l’exploration minières de Turquie, a commencé des activités de recherche dans les eaux contestées. Les flottilles navales turques et grecques se sont affrontées pendant des semaines. La Turquie a également mené des recherches et des forages au large de Chypre ces derniers mois.

Athènes soutient également que la solidarité européenne devrait être mises en avant et que l’Allemagne devrait être fermement du côté de ses partenaires de l’UE, la Grèce et Chypre.

A l’approche du Conseil européen du 15 décembre, Dendias appelle les dirigeants de l’UE à envoyer un message clair à la Turquie. « Si vous faites les mêmes choses que vous avez faites dans le passé et que vous vous attendez à un autre résultat dans le futur, c’est quelque chose qui est décrit avec le mot« naïf »- et c’est un qualificatif trop gentil pour cela, je dirais », a déclaré Dendias.

Quand on voit ce que les armes turcs ont fait dans le Caucase dans le conflit d’Artsakh, on peut légitimement avoir peur de l’utilisation des sous-marins allemands par la marine de guerre turque.

Si la Turquie achète des armes, ce n’est certainement pas pour les exposer lors des parades ; les actes agressifs du gouvernement turc de Recep Tayyip Erdogan sont devant nous pour nous faire réfléchir : actuellement impliquée dans six guerres en dehors de ses frontières et à une guerre à l’intérieur de ses frontières, la Turquie est devenue le trublion dans la région allant de la Méditerranée au Caucase.

Chypre, la Grèce, la Syrie, la Libye, l’Artsakh, l’Irak…et à l’intérieur la guerre menée toujours contre les Kurdes qui représentent grosso moto 20 millions de personnes , c’est-à-dire le quart de la population turque et qui sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone.

A propos des Kurdes, je tiens à rappeler qu’à l’occasion de l’anniversaire en 1978 de la création du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Cemil Bayik, co-président du Conseil exécutif de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) qui regroupe le PKK (Turquie), le PYD (Syrie), le PJAK (Iran) et le PCDK (Irak) a publié un appel dans la presse française[3].

Sous le titre : « L’Europe doit se tenir aux côtés du peuple kurde », Cemil Bayik dit : « Historiquement, le problème kurde est un problème de liberté et d’existence (ontologique). Depuis sa création, l’État turc mène une politique qui nie l’existence libre et démocratique du peuple kurde. Face aux politiques de déni, de rejet et d’assimilation, la lutte du peuple kurde pour conserver son existence est un combat juste et naturel.

« Les attaques dont le peuple kurde a été victime, sont similaires aux génocides subis par les grecs, les arméniens, les assyriens et les juifs qui ont eu lieu après les années 1915. Le PKK est apparu comme un mouvement de défense contre les politiques de destruction, de déni et d’assimilation des Kurdes en Turquie. En fait, la lutte du PKK a créé une sensibilité au problème kurde en Europe. En revanche, l’État turc a eu recours à des relations bilatérales basées sur les intérêt avec les États européens. Par le biais de l’Allemagne et la France il a exercé différents moyens de pression. En conséquence, l’Allemagne et la France ont formellement interdit les associations kurdes et le PKK en juin et novembre 1993. Les États européens ont non seulement imposé ces interdictions, mais ils ont également porté le PKK sur la « liste des organisations terroriste » de l’Union Européenne. L’inscription du PKK sur la liste des organisations terroriste a eu lieu à une période où le PKK a suspendu la lutte armée, afin de mettre en avant une solution démocratique par la voie politique. Cette décision a été une décision purement politique. Dans trois affaires distinctes conclues en Belgique en 2019, et dans une affaire conclue par la Cour de justice de l’Union Européenne, il a été jugé que « le conflit entre le PKK et l’Etat turc est une guerre bilatérale » ; que le PKK ne pouvait être évalué dans le cadre d’une organisation terroriste.

« A ce stade, profitant du chaos au Moyen-Orient, la Turquie mène des opérations d’occupation en envoyant des groupes islamistes radicaux qu’elle forme, en Syrie, en Libye, en Irak et dans les pays du Maghreb. « Elle crée une instabilité et des tensions avec des politiques agressives en Méditerranée contre la Grèce, la France, l’Egypte, la Chypre et l’Italie. Elle mène une politique de chantage, en déclarant orienté vers l’Europe les réfugiés ayant fui la guerre. À ce stade, la Turquie suit des politiques hostiles non seulement à l’égard du peuple kurde, mais contre l’ensemble de la région et de l’Union Européenne.

« Le placement sur la liste des organisations terroristes et les interdictions à l’encontre du PKK de la part de l’Union européenne sont devenue un moyen de base et de légitimité des politiques au-toritaires, expansionnistes et antidémocratiques de la Turquie. La liste des organisations terroriste et les interdictions à l’encontre du PKK légitime et encourage également la poursuite de la guerre de l’État turc contre le Kurdistan et constitue un obstacle à une solution pacifique. Ainsi, l’État turc criminalise tous les Kurdes sur le fondement du terrorisme.

« Je tiens particulièrement à souligner qu’il faut retirer le PKK, qui lutte en faisant de grand sacri-fice afin de démocratiser la région et la Turquie, de la liste des organisations terroriste ; que les mauvaises décisions prises pour des raisons politiques contre le mouvement du PKK, doivent à présent être corrigées. 

« Le PKK détient une stratégie pour résoudre la question kurde pacifiquement et démocratiquement à l’intérieur même des frontières des États existants sur une base de garantie constitutionnel. En ce sens, dans l’histoire, comme toutes les organisations qui luttent pour la reconnaissance de leur droit, notre mouvement est un mouvement de liberté. Comme l’a statué la justice belge, le PKK est une partie dans un conflit non international. Il s’agit d’une force armée non étatique, en ce sens, elle n’entre pas dans la cadre du terrorisme. En conséquence, je pense qu’il est temps que les lois et interdictions qui criminalisent le PKK et les kurdes, qui rendent la vie commune des peuples difficiles, l’intégration impossible et empêchent la stabilité dans la région et la Turquie, soit abolies. Espérant que les peuples d’Europe nous comprendront, je leur adresse mes sincères salutations. »

Les prisons turques sont remplies de Kurdes, d’Alévis, d’opposants politiques, d’athées, de laïcs, de journalistes, de démocrates tout simplement.

Tous comme les Arméniens d’Artsakh avaient mis leurs espoirs sur le monde occidental, et en particulier l’Europe, les Kurdes font de même, comme les Grecs et les Chypriotes.

Mais, comme dans le Caucase et pour les Kurdes (de Turquie, de Syrie et d’Irak), je crains que les Chypriotes et les Grecs soient sacrifiés aux « intérêts supérieurs de l’Allemagne », qui empêche toute politique étrangère et de défense commune, digne de ce nom, à se développer (elle n’est pas la seule, je ne suis pas dupe, mais des articles séparés seront consacrés au rôle de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis).

La puissance économique allemande veut récupérer la puissance politique qu’elle estime « mériter » ; le reste n’est que littérature et belles formules à la manière de l’ENA, belles mais vides de sens…



2 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 30 novembre 2020 09:43

    Qu’est-ce qui est le plus à craindre ? L’Allemagne, le Royaume-Uni, le Pentagone/CIA, ou les lobbies privés plus ou moins décelables ?

    lien


    • Clocel Clocel 30 novembre 2020 09:51

      @Séraphin Lampion

      On peut réunir toute cette racaille sous le même dossard : Les kabbalistes.


Réagir