vendredi 1er mai 2009 - par Krokodilo

Au sujet du film « Les ripoux », une anecdote de l’ex-URSS

J’ai hésité entre vous entretenir de la crise financière et vous causer longuement de la pandémie de grippe américaine...

vous expliquer comment les antibiotiques sont inutiles, les antiviraux incertains, inutiles en prévention et « réservés » aux malades, leur improbable acheminement dans toute la France dans les délais (à administrer dans les tout premiers jours...), vous annoncer avec des trémolos d’inquiétude comment y en aura pas pour tout le monde en cas de pandémie niveau 6... Comment il faudra choisir entre la fabrication du vaccin contre celle-ci ou contre la grippe saisonnière, comment la Terre a été frôlée par un astéroïde il n’y a pas si longtemps, comment nous sommes tous condamnés à long terme, mais je me suis dit que vous allez l’entendre trois fois par jour dans les semaines à venir, et que la télévision allait prochainement dégorger de l’inquiétude jusqu’à la nausée !

Alors, j’ai finalement opté pour une anecdote qui date de l’ex-URSS.

Contrairement à ce que pensent les esprits chagrins qui critiquent tout ce qui est français et ne jurent que par les productions hollywoodiennes, le cinéma français était déjà à l’époque très apprécié du public soviétique, particulièrement les comédies en tout genre, avec Pierre Richard ou De Funès qui y étaient très connus, dans les films de Weber, Gérard Oury etc.

La comédie policière Les ripoux, de Claude Zidi, fut donc elle aussi un grand succès dans les villes de l’URSS. Il faut dire que le côté réaliste, l’accent de vérité porté par ce duo de flics - l’un jeune, idéaliste et ambitieux, l’autre désabusé et d’une rigueur morale toute relative, magouilleur à la petite semaine, corrompu mais humain - est internationalement reconnaissable. Quel pays n’a pas quelques policiers ripoux – excepté la France, je veux dire ?

Pourtant, les spectateurs ne pouvaient s’empêcher de trouver la fin bancale, en opposition au ton du film : ce flic déshonoré, ruiné, abandonné par son pote jamais venu le voir en prison, qui sort du pénitencier dans le brouillard, triste et solitaire - c’était exemplaire, mais ça ne cadrait pas avec l’ambiance générale de la comédie, sauf si le réalisateur avait absolument tenu à une fin moralisatrice.

Pas étonnant : la censure soviétique avait tout bonnement sabré le final où, après ses quelques pas dans la brume, Noiret entend soudain un bruit de sabots : ses amis ne l’ont pas abandonné, ils sont venus, ils ont même apporté avec eux le fruit de l’argent mal acquis, un canasson de course ! Quant à cacher l’amour du jeune flic incarné par Lhermitte pour une prostituée aussi séduisante que Grâce de Capitani, il aurait fallu couper la moitié du film... impossible.

Évidemment, en une époque où, dans la même année, on a eu droit aux malversations de Kerviel, aux parachutes dorés de banquiers renfloués par l’État, à l’escroquerie pyramidale d’un Madoff, le cheval de course de Noiret fait un peu petit bras... Mais pour la censure soviétique, le peuple ne devait pas penser que le crime pouvait parfois payer – en supposant que ledit peuple ne le sache pas déjà  !

Heureusement, même en ces temps préhistoriques d’avant l’ordinateur domestique, l’ancêtre d’Internet existait déjà : il s’appelait le bouche à oreille, merveilleuse source d’information, grâce à laquelle les gens se racontèrent assez vite la véritable fin de cette comédie. Et le peuple put avoir la confirmation qu’en France comme en Russie, le crime, petit ou grand, est parfois profitable...

Nota : toute ressemblance avec un crime ou un délit commis sur le sol français, ayant été profitable récemment à son ou ses auteurs, n’est que pure coïncidence. Les magistrats français sont promus en fonction de leur sens de la justice, de leur impartialité et de leur indépendance du pouvoir.


5 réactions


  • Jovitourtiste Jovitourtiste 1er mai 2009 21:47

    Pas une seule mention du nom espéranto... Venant de vous, cela témoigne d’un remarquable effort de volonté et de contrôle sur soi-même, je vous félicite.


  • MR MERLIN Perpleks 1er mai 2009 22:23

    Ripoux en russe se dit Rvcbecn, et se prononce Poutine.


  • zelectron zelectron 1er mai 2009 22:28

    "Nota : toute ressemblance avec un crime ou un délit commis sur le sol français, ayant été profitable récemment à son ou ses auteurs, n’est que pure coïncidence. Les magistrats français sont promus en fonction de leur sens de la justice, de leur impartialité et de leur indépendance du pouvoir."
    mieux encore : il n’y a pas de ripoux chez nous et nos juges sont intègres, ceux de l’extérieur ne franchissent pas nos frontières.
    Cher Toubib, ça s’appelle de la Tchernobylite aigüe, j’ai peut-être vu ça dans une épreuve non publique du Vidal ?


  • Asp Explorer Asp Explorer 1er mai 2009 22:33

    Il faut dire qu’à l’époque, la France pouvait éventuellement donner des leçons de morale à l’URSS. Aujourd’hui, ça ferait bien rigoler. Ce pays est devenu pourri à un point tel que le simple fait de s’en étonner vous fait passer pour un ringard de la pire espèce.

    Cela dit il y a quand même des raisons d’espérer. Par exemple, il y a ce type qui a prétendument tué sa femme. En général, l’absence de cadavre n’empêche pas la police et la justice de conclure au meurtre et d’embastiller le mécréant, surtout s’il a une sale gueule. Mais cette fois ci, à la grande surprise du Parquet, le jury l’a acquitté. Mais c’est quoi ce pays, bientôt si ça continue, il faudra des preuves pour condamner les gens ! Où va-t-on ?


    • lymb lymb 2 mai 2009 19:17

      On pourrait en écrire des pages, sur le système des jurys populaires...

      Et puis d’abord, c’est quoi un peuvre... Peruve ?... Preu...


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