mercredi 3 janvier 2018 - par Le Cri des Peuples

Avocats-rapaces Michael Chetkof et Allyson Burger : mon âme est témoin (Norman Finkelstein)

 
Je dois d’humbles excuses à mes lecteurs. 
 
Après une vague de soutien de la part de tant de personnes à travers le monde, j’ai donné l’impression d’avoir disparu des radars. 
 
J’ai reçu beaucoup de messages qui s’informaient de mon sort, mais je suis resté silencieux. 
 
Mais ce n’était pas de l’indifférence et encore moins de l’ingratitude. 
 
La machine légale s’était temporairement mise à l’arrêt. 
 
J’ai essayé de mettre de côté mon accablement face à la crucifixion du Dr Baldeo et à l’absurdité de ma propre situation critique, m’efforçant de me concentrer sur quelque chose de constructif. 
 
Mais cette semaine, l’horreur a frappé. 
 
Stacy D. Bennett, la juge dans l’affaire Baldeo, a rendu un verdict odieusement partial. 
 
Le Dr Baldeo était anéanti. J’étais déchiré. 
 
Ensuite, le tribunal a ordonné au Dr Baldeo de livrer immédiatement l’ensemble des économies réalisées durant sa vie, faute de quoi il irait « immédiatement » en prison. 
 
Cependant, quand il est allé à la banque, les agents l’ont informé qu’Allyson Burger avait gelé tous ses comptes bancaires ! 

Après m’avoir emprisonné, ce chacal cinq étoiles (summa cum laude) s’efforçait maintenant de le faire emprisonner. 
 
Suis-je choqué ? 
 
Bien sûr que non. 
 
Nous sommes au Comté de Nassau. 
 
Il a une population d’à peine un peu plus d’un million d’habitants, mais tapez « Corruption Nassau County » sur Google et vous obtiendrez 150 000 résultats. 
 
On ne parle du Comté de Nassau aux informations que lorsqu’un nouveau responsable est inculpé pour des accusations de corruption criminelle. 
 
Le Comté de Nassau est dirigé comme un village perdu de l’Alabama où chaque responsable fait partie du Ku Klux Klan. 
 
C’est le genre d’endroit où Roy Moore [magistrat républicain d’Alabama récemment accusé d’abus sexuels, et subséquemment battu aux élections sénatoriales du 12 décembre 2017] serait élu à une écrasante majorité. 
 
Le 13 décembre 2017, j’ai dû comparaître devant le juge. 
 
Il faisait un froid glacial. 
 
Le Palais de justice a trois entrées. 
 
A 9h du matin, chacune des files d’attente s’étendait comme pour un concert de rock. 
 
Sauf qu’à part moi, tout le monde était afro-américain. 
 
Une fois que vous entrez dans le Palais de justice, tous les officiels, qu’il s’agisse des juges, des avocats ou des gardes en uniforme, sont blancs. 
 
Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser : « Si les gens qui font la queue à l’extérieur du Palais de justice avaient eu la possibilité d’accéder à des emplois à l’intérieur du Tribunal, peut-être qu’ils ne frissonneraient pas aujourd’hui dans le froid en attente de leur jugement. » 
 
Dans ma salle d’audience, tous ceux qui attendaient leur procès étaient des personnes de couleur. Les avocats siègeaient avec le jury en attendant le juge. Les jurés étaient tous blancs. 
 
Je suis blanc, je suis juif, j’ai 64 ans, j’ai un doctorat de Princeton et j’habite à Coney Island, Brooklyn. 
 
Mais les fonctionnaires du Comté de Nassau n’ont pas hésité à franchir les frontières du Comté, surgissant dans mon appartement sans mandat en pleine nuit, me kidnappant puis me brutalisant. 
 
Et pas une fois seulement, mais deux fois. 
 
Quand je me suis présenté devant le juge la deuxième fois, il était tellement indigné par mon apparence (je ne faisais pas preuve de suffisamment de déférence envers Son Honneur) qu’il m’a ordonné de subir une évaluation psychiatrique intensive. 
 
Qui pourrait deviner l’objet de son indignation ? 
 
Je n’étais pas correctement vêtu pour ses augustes chambres. 
 
Ce n’est pas normal ! 
 
Mais le fait que tout le monde à l’intérieur de la prison soit noir, et que tout le monde à l’extérieur de la prison soit blanc... 
 
C’est normal ! 
 
Je suis représenté par un avocat très compétent. 
 
Le Procureur de district a abandonné certaines charges contre moi, et en a ajouté d’autres. 
 
L’affaire a été ajournée au 24 janvier 2018. 
 
La situation reste la même : 
 
Il est vraiment possible que je sois condamné à de la prison. 
 
Suis-je nerveux ? 
 
Un peu. 
 
Est-ce que la peur me fera reculer ? 
 
Non. 
 
Je ne veux qu’une chose : 
 
Me présenter à la barre des témoins et témoigner de ce qui a été infligé au Dr Baldeo avec tous les détails atroces.
 
Comment un immigrant de Guyane sans le sou a vécu le rêve américain. 
 
Comment il a été dévoré vif par deux avocats-vautours. 
 
Comment ils l’ont piégé et soumis à un odieux chantage. 
 
Comment ils l’ont laissé sans-abri et presque sans le sou. 
 
Comme ils l’ont conduit au désespoir le plus abject, à la limite du suicide. 
 
Mon avocat est confiant quant au fait que je pourrai témoigner devant les juges. 
 
Une fois que j’aurai témoigné, un poids énorme sera ôté de ma poitrine. 
 
Un dossier public impérissable subsistera, relatant cette farce tragique. 
 
Je serai alors psychologiquement prêt pour la prison, ou pour tout ce qui pourra m’arriver. 
 
Je remercie sincèrement tous ceux qui étaient là pour moi. 
 
Je viens de publier un nouveau livre : GAZA : Une enquête sur son martyre.
 
En voici le dernier paragraphe : 
 
Dans Un siècle de déshonneur, écrit à la fin du XIXe siècle, Helen Hunt Jackson rapporte la destruction de la population amérindienne par une politique gouvernementale consciente et délibérée. Le livre a été largement ignoré, puis oublié, et finalement redécouvert par des générations postérieures prêtes à entendre et à supporter la vérité. Parlant du sort de la nation Cherokee, qui a été expulsée d’une terre tribale après l’autre et finalement dépouillée de l’ensemble de ses possessions par le gouvernement américain, Jackson a écrit : « Les archives de cette nation [les Etats-Unis] ne comportent aucune page aussi noire que cette perfidie. » 
 
Ce livre a été modelé d’après son requiem brûlant. L’auteur [Norman Finkelstein] n’entretient qu’un mince espoir qu’il trouve une audience parmi ses contemporains. Cependant, la vérité doit être préservée ; c’est le moins que l’on doive aux victimes. Peut-être qu’un jour, dans un avenir lointain, à une époque plus réceptive, quelqu’un tombera sur ce livre accumulant la poussière sur une étagère de bibliothèque, soufflera sur les toiles d’araignée qui le recouvrent et sera outré par le sort d’un peuple, sinon abandonné par Dieu, du moins trahi par la cupidité et la corruption, le carriérisme et le cynisme, l’avidité et la lâcheté de l’homme mortel. « Viendra un jour, prédit Jackson, où, pour quiconque étudie l’histoire américaine, [ce qui a été fait aux Cherokees] semblera presque incroyable ». N’est-il pas certain qu’un jour, le dossier noir du martyre de Gaza paraitra lui aussi, rétrospectivement, presque incroyable ? 
 
Aussi étrange que cela puisse paraître, dans mon esprit, les destins des habitants de Gaza et du Dr Baldeo se croisent. Un peuple innocent, une personne innocente, crucifiés. Un système corrompu ivre de pouvoir qui ravage et détruit des vies en toute impunité. Tout ce qui reste, ce sont des archives, vouées à être déterrées longtemps après que les auteurs, les victimes et les spectateurs soient morts. 
 
Ma vie a été une histoire de causes perdues. 
 
Mais je n’ai aucun regret. 
 
Aucun. 
 
« Il n’y a qu’un seul sort pire que d’être juif aujourd’hui, a déclaré le dirigeant sioniste David Ben Gourion pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est d’être un nazi. » 
 
Même dans le chagrin et l’abattement de la défaite, je préfère toujours mon sort à celui de Michael Chetkof, Allyson Burger et Stacy D. Bennett. 
 
*** 
 
Le Dr Baldeo a vidé son compte bancaire aujourd’hui. Chetkof et Burger se tenaient à ses côtés, léchant leurs côtelettes hideuses. 
 
Alors que le Dr Baldeo se levait pour partir, Chetkof a exigé 7 500 dollars de plus en honoraires d’avocat, en plus des 100 000 dollars qu’il avait déjà perçus. 
 
Que Dieu veille sur le Dr Baldeo durant cette épreuve terrible. 
 
Puisse-t-il trouver un réconfort dans la connaissance du fait que ses pouvoirs magiques bénissent les enfants de son service d’urgence pédiatrique chaque nuit avec la santé, l’espoir et le bonheur. 
 
Tout l’argent du monde ne saurait acheter ou remplacer ce don. 
 
Norman Finkelstein, 15 décembre 2017
 



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