mercredi 28 septembre 2016 - par Armelle Barguillet Hauteloire

Bibliophilie ou la passion des livres

En classant des papiers l'autre jour, j'ai retrouvé, au hasard d'une pile, un texte que j'avais commis à l'âge de 18 ans - j'étais alors élève à l'école du journalisme - à l'occasion d'un concours de bibliophilie qui me valut d'obtenir un second prix. Ma participation à ce concours n'avait d'autre raison que celle-ci : mon père, bibliophile, m'avait donné très tôt le goût des livres, si bien que j'avais eu la chance inouie de trouver à portée de main, dans la bibliothèque paternelle, les ouvrages les plus divers et les mieux à même de m'enrichir. La plupart étaient des éditions originales, superbement reliées, que j'avais l'obligation de lire...avec des gants. On ne dira jamais assez le soin dont les bibliophiles entourent leurs précieux ouvrages. De nos jours, cette noble passion me semble toujours d'actualité, c'est pourquoi je retranscris au mot près le texte d'hier, espérant qu'il suscitera des vocations chez quelques-uns de mes visiteurs. D'autre part, sa ré-actualisation sur mon blog me permet de rendre, par-delà la mort, un hommage à un père qui a si bien su éveiller ma curiosité à toutes les formes d'art et de culture.

 

 

 CONCOURS DU BIBLIOPHILE EN HERBE

Grâce aux livres, la pensée humaine a survécu à l'oubli du temps. Depuis que l'homme pense, il a cherché le moyen de fixer sa pensée afin qu'elle puisse se transmettre aux générations futures. Il a donc commencé par l'inscrire dans la pierre et laissé ainsi, au bord des routes, son message dans l'idée d'enrichir le capital humain du fruit de son expérience.
Echelonné dans le temps, chaque siècle a bénéficié de nouveaux apports dans les domaines les plus divers et, dès que l'imprimerie a été inventée, les livres ont eu pour vocation d'être les dépositaires privilégiés de la pensée sous sa forme la plus intelligible. Ainsi s'est perpétué de génération en génération un incomparable héritage. Il est émouvant de recueillir les témoignages des temps révolus par le biais de ces oeuvres imprimées à l'époque même de leur création, d'où la nécessité de sauvegarder ce patrimoine dans les meilleures conditions possibles. Les Etats et les municipalités se sont employés à créer des bibliothèques à cet usage, mais le rôle du particulier n'en est pas moins primordial, car l'individu, mieux qu'aucun organisme social, est enclin à user d'attention et de dévouement pour réunir et préserver de tels documents. Ces deux formes de conservation, collective et individuelle, présentent une utilité majeure : l'accès aux sources de la culture devant être garanti à chacun.


Malgré les procédés mécaniques de reproduction dont nous disposons actuellement, la possession du manuscrit original ou de l'édition princeps est d'autant plus importante qu'elle est une preuve irréfutable d'authenticité. Tout ce qui se pare d'un caractère unique d'originalité, tant en textes qu'en images, acquiert pour l'avenir une valeur incomparable. Le bibliophile est l'homme attaché à la protection de ces valeurs. Son amour pour les témoignages du passé est encore renforcé lorsque la présentation s'enrichit de recherches artistiques : ainsi l'illustration qui complète les mérites du texte et la reliure qui donne élégance et beauté au livre, faisant de cet objet une véritable oeuvre d'art.

 

Il arrive néanmoins qu'une réédition soit supérieure au premier tirage pour les motifs suivants : l'illustration d'un artiste qui a embelli l'ouvrage ou bien les corrections que l'auteur a souhaité apporter en prévision des tirages ultérieurs. Je citerai, pour exemple, la 2eme édition du Génie du Christianisme  qui comporte des corrections de Monsieur de Chateaubriand et sa dédicace au Général Bonaparte ; celles-ci ne figurant plus ensuite dans aucune autre édition. Il s'est créé ainsi un classement des ouvrages anciens de librairie, selon l'importance sentimentale qu'ils revêtent aux yeux de l'amateur et selon leur état de conservation. 

 

Par chance, la bibliophilie n'est pas une passion égoïste. Le bibliophile accapare rarement les livres pour son seul profit ; il les prend en charge et les garde dans le souci constant de n'être que momentanément le dépositaire d'un trésor. Il peut d'ailleurs, à l'occasion d'expositions, prêter et communiquer certains d'entre eux ou les léguer plus tard à une collectivité. Les facteurs déterminants de leur valeur sont d'une part la qualité du texte, d'autre part la notoriété de l'auteur. Les classiques forment assurément le fond de toute bibliothèque qui se respecte. Mais, à partir de là, le choix des oeuvres est largement ouvert ; chacun ayant à coeur de se spécialiser dans une époque, un style, des sujets qui le touchent ou le concernent plus précisément, en vue de composer un ensemble cohérent.
Après le texte, la présentation est l'élément qui, en général, détermine une acquisition. Elle consiste dans la qualité de la typographie et du papier. Il est intéressant de noter que l'époque romantique a souffert d'une insuffisance dans la fabrication du papier, aussi les ouvrages du XIXe sont-ils souvent marqués de rousseurs et de piqûres. C'est pour cette raison que ceux, parvenus jusqu'à nous dans un état satisfaisant de conservation, sont particulièrement prisés.

Depuis le Moyen-Age, l'homme a pris goût à enjoliver ce qu'il y avait d'un peu trop abstrait dans la pensée écrite. Ainsi les manuscrits se sont-ils enluminés et enrichis d'admirables miniatures ; puis, avec la découverte de l'imprimerie, apparurent la gravure sur bois, puis sur cuivre et sur pierre, enfin la photographie. Il est évident que le travail accompli manuellement l'emportera toujours sur les procédés mécaniques. De grands artistes se sont consacrés à l'illustration des livres et en ont fait un art original et raffiné. De telles réussites ont marqué à jamais l'alliance d'un texte et d'une iconographie de haute qualité. Ces ouvrages rares sont appréciés des bibliophiles, moins pour leur valeur numéraire que pour leur richesse artistique et intellectuelle.

 

L'habillage du livre, c'est-à-dire la reliure, couronne l'ensemble. C'est là aussi un art à part entière. Le relieur a le devoir d'harmoniser son travail avec la teneur du sujet auquel il se voue. Il est préférable que la reliure ait été réalisée peu de temps après la publication, l'ensemble représentant, dans ces divers domaines, le témoignage d'une époque. Cette collaboration dans le temps justifie les soins et l'amour que les bibliophiles portent aux livres anciens et, à travers eux, l'hommage silencieux qu'ils rendent à la pensée et aux travaux de leurs aînés dans ce qu'ils ont fait de meilleur et de plus remarquable. Les objets du passé ont toujours eu un attrait irrésistible pour ceux qui se plaisent à découvrir la mystérieuse poésie du souvenir.

La haute bibliophilie ne se conçoit pas uniquement comme une quête de livres anciens réputés, mais s'attache à exhumer des exemplaires rarissimes qui portent les traces de l'histoire. C'est ainsi que des livres, annotés de la main de grands écrivains et porteurs de dédicaces que les épreuves du temps ont rendu attachantes, revêtent une valeur de culte pour les bibliophiles. Nul doute que cette noble passion grandisse l'homme qui s'y consacre car, à l'effort de recherche et de culture qu'elle suppose, se joignent des qualités de coeur et de sentiment. Puissent naître de nouvelles générations de bibliophiles qui s'attacheront à veiller, dans les siècles à venir, sur le patrimoine de la pensée et souhaitons qu'une capitale, comme Paris, reste le centre mondial d'une telle activité !

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE



6 réactions


  • alain-aaae (---.---.98.23) 28 septembre 2016 15:14

    je suis un gand lecteur j ai aussi ma propre bibliotéque mais je ne peu me payé des rares livres comme vous Mme l auteur.mais ce qui me géne dans votre article c est que vous ne développez pas asser la formation d une élite que l on retrouve a travers les siecles et j ajouterais méme aujourdhui.

    c est un fait que si l on posséde certains originaux cela peut etre un moyen d investisment et de fierté.

  • DTC (---.---.80.186) 28 septembre 2016 16:33

    A vous lire, le bibliophile est un fétichiste avant d’être un lecteur. J’ai une liseuse et c’est très très pratique, j’ai toujours préféré le contenu au contenant.


    • laertes laertes 28 septembre 2016 17:21

      @DTC
      alors là 100 % d’accord avec vous sauf que vous n’aviez pas le droit de le dire avant moi.
      Quand j’ai vu la photo de l’auteur.......e, j’ai pensé à Sophie de...menton (bien qu’elle ne soit pas de Menton) et je me suis dit qu’Armelle exagérait (Armelle êtes-vous là ?) avec son nom à rallonge exposé comme une peinture de Pollock . armelle soyez modeste ! Faites comme Leclerc (le général pas l’épicier fils de collaborateur breton) . Son nom était...de Hautecloque .
      Moi aussi j’ai possédé, ou plutôt j’avais l’usage exclusif (car en fait on ne possède rien) d’une collection moins prestigieuse..........mais je dirai comme Indiana Jones que la place de ces livres est dans........un musée. Cette ostentation est par trop vulgaire et pas digne de vous Armelle de Hauteloire !
      Pour moi......... tous les livres en format epub ici et maintenant !


    • DTC (---.---.80.186) 28 septembre 2016 18:18

      @laertes

      Désolé smiley


  • gaijin gaijin 29 septembre 2016 17:28

    « Depuis que l’homme pense, il a cherché le moyen de fixer sa pensée afin qu’elle puisse se transmettre aux générations futures. »
    euh non ......
    il serait plus factuel de dire : récemment dans l’histoire humaine l’homme a cherché le moyen de fixer sa pensée
    " son message dans l’idée d’enrichir le capital humain du fruit de son expérience.
    Echelonné dans le temps, chaque siècle a bénéficié de nouveaux apports dans les domaines les plus divers « 

    ben non plus le premier livre imprimé contenant déjà ce qu’il y a de plus avancé dans la connaissance ....( le sutra du diamant )
     » et, dès que l’imprimerie a été inventée, les livres ont eu pour vocation d’être les dépositaires privilégiés de la pensée sous sa forme la plus intelligible."
    encore moins ils sont d’abord un moyen de domination idéologique et lorsqu’ils se répandent deviennent un outil d’affirmation d’un rang social

    on a le droit d’aimer les livres, j’aime beaucoup et j’en ai quelques uns mais il faut les lire .........


  • Yohan Yohan 29 septembre 2016 17:54

    « un texte que j’avais commis à l’âge de 18 ans » ???? je déteste cette expression qui me fait plus penser à une chiure. On commet une faute, pas un texte. Pourquoi ne pas écrire « un texte que j’avais écrit » ? 


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