samedi 21 octobre 2017 - par Paul ORIOL

Brexit et citoyenneté de l’Union européenne

Dans le cadre des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, le statut des citoyens de l’Union résidant au Royaume-Uni et celui des Britanniques dans les 27 États de l’Union est un point important, sur lequel, des avancées notables auraient eu lieu.
Dont on ne connaît pas, comme d’habitude, la teneur.

Brexit et citoyenneté de l'Union européenne

Le Royaume-Uni a activé, le 30 mars 2017, l'article 50 du traité de Lisbonne, les négociateurs ont deux ans pour boucler les conditions du Brexit et le futur partenariat. Or des élections pour le Parlement européen auront lieu en juin 2019 et, en France, des municipales en mars 2020.
Il est donc urgent de savoir dans quelle conditions les citoyens britanniquespourront ou non y participer.

En effet, depuis 1992, les traités (1) stipulent qu’est « citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre… Les citoyens de l'Union... ont...le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État… »

Les citoyens britanniques, vivant dans les pays de l’Union européenne, pourront-ils voter à ces élections comme ils l’ont fait lors des élections européennes et municipales précédentes ? Et les ressortissants des 27 pays de l’Union européenne résidant au Royaume-Uni ?

Pour les élections européennes au Royaume-Uni, les choses sont simples. S’il est acté que le Royaume-Uni n’appartient pas à l’Union, il n’y aura pas d’élection de députés pour le Parlement européen.
Les ressortissants des 27, résidant au Royaume-Uni ne pourront voter que dans leur pays d’origine en fonction de sa législation.
Pour les Britanniques vivant dans un État de l’Union européenneles choses sont un peu différentes. Les États n’auront plus l’obligation de leur donner le droit de vote et d’éligibilité mais rien n’empêche ces États de le faire.

En octobre 2003, à la suite du différend entre l’Espagne et le Royaume-Uni sur les élections pour le Parlement européen à Gibraltar auxquelles ont participé des ressortissants du Commonwealth qui n’ont pas la nationalité britannique, la Commission européenne a considéré que le RU a étendu le droit de vote aux personnes résidant à Gibraltar dans le cadre du pouvoir d'appréciation conféré aux États membres par le droit communautaire… Aucun principe général de droit communautaire ne prévoit que, pour les élections au Parlement européen, l'électorat doit être limité aux citoyens de l'UE (2, 3, 4).
Il appartient donc à chaque État d’en décider sauf si le nouveau traité stipule le contraire. Il serait paradoxal, cependant, que l’Union punisse les citoyens britanniques les plus européophiles qui font preuve de leur volonté de s’intégrer aux peuples européens.

En France, le Conseil constitutionnel a statué que concernant le droit de vote et inéligibilité, il n’était pas nécessaire de modifier la Constitution (5)

 

Brexit et citoyenneté de l'Union européenne

La question est plus complexe concernant les élections municipales.
Les États de l’Union sont dans l’obligation de donner le droit de vote et d’éligibilité pour les élections municipales aux citoyens de l’Union vivant sur leur territoire.

Les citoyens des 27 pays de l’Union qui n’avaient pas la nationalité britannique, résidant au Royaume-Uni, ont pu voter et, éventuellement, être candidats. Inversement, des Britanniques ont pu voter et être candidats aux élections municipales dans les 27 pays de l’Union alors qu’ils n’en avaient pas la nationalité. Les citoyens de l’Union, vivant en France, participent à ces élections depuis les municipales de 2001.

En 2014, 5954 ressortissants étrangers ont été candidats aux élections municipales. Seuls deux pays de l'Union n'ont pas eu de candidats lors de ce scrutin : Malte et l'Estonie… Les candidats les plus nombreux étaient lesBritanniques, 1525 candidats, puis les Belges, 1186, et les Portugais, 1045 (6). Fait remarquable, pour les seules communes de plus de 3000 habitants, 80citoyens européens, non français, ont été candidats sur des listes du Rassemblement Bleu Marine dont des Bulgares et des Roumains (7).

Qu’en sera-t-il pour les prochaines élections municipales en Europe ?

La situation n’est pas la même dans tous les États de l’Union (8). Dans certains, tous les résidents étrangers ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales quelle que soit leur nationalité.
Les Britanniques conserveront donc ces droits.

Dans d’autres, certains résidents étrangers ont le droit de vote à la suite de la signature de conventions de réciprocité entre le pays de résidence et l’État dont ils ont la nationalité.
Ces États pourront éventuellement signer des accords avec le Royaume-Uni

Dans les pays qui, comme la France, ne reconnaissent ce droit qu’aux nationaux, les Britanniques seront exclus de ces élections.
Sauf législation nouvelle : accord de réciprocité qui permettrait de ne pas priver les Britanniques de droits qu’ils ont exercé dans le passé ou, accord plus large entre le Royaume-Uni et l’Union, maintenant leurs droits, pour les élections municipales, aux Britanniques dans l’Union et aux citoyens de l’Union au Royaume-Uni.

En France, l’article de la Constitution française révisé lors du traité de Maastricht dit : sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité de l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France...
Le nouveau traité sera-t-il considéré comme une consolidation des traités antérieurs ? Ou faudra-t-il une nouvelle modification de la Constitution ?

Le retrait du droit de vote et d’éligibilité aux Britanniques vivant sur le territoire serait un recul de la démocratie représentative. Il pourrait être interprété comme un geste de représailles pénalisant des Britanniques vivant sur le territoire alors qu’ils ont montré leur volonté d’intégration à la vie sociale et politique du pays.

La première ministre britannique, Theresa May, vient de lancer une déclaration d’amour aux quelques trois millions de citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni (9). Il serait mal venu qu’elle s’oppose à l’octroi d’un statut qui permettrait aux ressortissanrs ayant la nationalité de l'une des deux parties résidant sur le territoire de l'autre de perdre leurs droits électoraux.

Une solution européenne pourrait aller plus loin. Prenant acte que le droit de vote des Britanniques dans tous les États de l’Union, et de tous les étrangers dans nombre d’entre eux, n’a posé aucun problème et à, plutôt, été un facteur d’intégration, l’Union européenne pourrait en profiter pour étendre le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers aux élections municipales. Premier pas vers une citoyenneté européenne de résidence (10).

 

Brexit et citoyenneté de l'Union européenne

Il n’est pas sûr que les chefs d’État et de gouvernement y soient prêts. En France, dans 20 sondages, depuis 1994, La Lettre de la citoyenneté (11) a fait poser la même question. Depuis 2006, le sondés ont répondu favorablement (10 sondages) à l’extension du droit de vote pour les élections municipales et européennes à tous les résidents quelle que soit leur nationalité : dans le dernier sondage par 56 % contre 39 % (12).

 

Brexit et citoyenneté de l'Union européenne

 

1 – Article 20 de la versions consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (2012/C 326/01)

2 - Lettre de La citoyenneté n° 68, mars avril 2004

3 - COMMISSION EUROPÉENNE, Communiqué du 29 octobre 2003.

4 - COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, Arrêt du 12 septembre 2006, affaire C145-04, Espagne contre Royaume-Uni.

5 - CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Décision n° 92-308 du 6 avril 1992.

6 - Huffingtonpost.fr 05/10/2016

7 - LeFigaro.fr 19/03/14

8 - Treize pays ne donnent pas le droit de vote aux étrangers :Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, Croatie, France, Grèce, Italie, Lettonie, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie.
Douze donnent le droit de vote à tous les étrangers : Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Slovaquie, Slovénie, Suède.
Deux sous condition de réciprocité : Espagne, Portugal.
Le Royaume-Uni a donné le droit de vote et d’éligibilité à tous les étrangers membres d’un pays du Commonwealth pour toutes les élections.

9 - Libération 20/10/17

10 – Résidents Étrangers, Citoyens ! Plaidoyer pour une citoyenneté européenne de résidence ! Presse pluriel, octobre 2003.

11 – La Lettre de la citoyenneté n°149 septembre-octobre 2017

12 - Enquête réalisée par téléphone du 7 au 9 septembre 2017 par le département politique opinion d’Harris Interactive (Jean-Daniel Lévy et Gaspard Lancrey-Javal) pour La Lettre de la citoyenneté. Échantillon de 1 005 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé.

Pour en savoir plus  : Le droit de vote des étrangers, une histoire de quarante ans, Bernard Delemotte, La Licorne-L’Harmattan, avril 2017



12 réactions


  • Samy Levrai samy Levrai 21 octobre 2017 16:41

    Quand aurons le droit à un referendum ...  ? sommes nous condamnés aux sondages et à la propagande euro atlantiste ?


    • Mmarvinbear Mmarvinbear 22 octobre 2017 16:06

      @samy Levrai

      Vues les positions tranchées des candidats de la dernière présidentielle à ce sujet, on peut estimer que le référendum a eu lieu. Et on connait le résultat.

    • JP94 22 octobre 2017 16:35

      @samy Levrai

      Un référendum, c’est bien mais en 2005, on a vu que si ça donne pas ce que veut le pouvoir, il le piétine.
      Quand on vote comme on nous le serine, tout va bien, on nous promet un bel avenir qui bizarrement n’arrive jamais au contraire. 
      Quand on vote contre le pouvoir europhile et atlantiste, on défend déjà nos droits : on nous serine qu’on a eu tort mais ça ralentit la casse. 
      La démocratie est donc bafouée à moins que la Démocratie ne consiste qu’à choisir toutes les quelques années les représentants de la classe dominante qui nous opprimeront : la sauce à laquelle on nous mangera !

    • Samy Levrai samy Levrai 22 octobre 2017 20:33

      @Mmarvinbear
      La seule fois ou la question a été posé , nous avons eu le droit à 56% des français qui ont dit NON...

      Tu vas pouvoir me montrer les programmes des partis du parti unique euro atlantiste qui disent vouloir sortir de l’UE et de l’OTAN... Pas celui du FN il n’y a marqué nul part sortie mais renegociation, pas celui de la FI qui renegocie et renegocie encore pour faire perdurer le plus longtemps possible soumission à la finance internationale, je ne parle pas de DLR, idem, en fait tous les partis sauf l’UPR sont pour le maintien de l’UE... ( renégociation alors que pas possible : unanimité demandée).
      Si les europeistes sont si sûr d’eux pourquoi ne pas posé la question , elle semble tellement gagnée que vous devriez prendre ce non risque qui rendrait les choses tellement plus claires...



    • Mmarvinbear Mmarvinbear 23 octobre 2017 12:36

      @samy Levrai

      Il ne faut pas confondre un référendum sur l’adoption d’une constitution avec celui sur l’appartenance, cela n’a rien à voir, ce sont deux questions différentes.

      J’ai voté « non » au texte proposé. Et aujourd’hui je sais que c’était une erreur que de faire ainsi. Le rejet de ce texte a plongé l’ Union dans un marasme politique profond avec Barroso et consorts qui ont profité de l’adoption d’une autre constitution plus mal fichue encore qui, si elle s’inspirait du texte rejeté, n’était pas identique sur des points fondamentaux.

      Nous devons aller de l’avant et commencer à abattre sérieusement les murs qui nous séparent encore. On ne peut pas grandir ou même subsister en se logeant dans des constructions de plus en plus petites.

  • BA 21 octobre 2017 23:34

    République tchèque : résultats des élections législatives :

    Le mouvement populiste du "Trump tchèque" remporte les législatives.

    1- Le mouvement populiste ANO du milliardaire Andrej Babis a remporté haut la main les élections législatives de vendredi et samedi en République tchèque en raflant 29,6% des suffrages exprimés,

    2- les libéraux du Parti démocratique civique (ODS) sont crédités de 11,3%,

    3- la version tchèque du Parti pirate obtient 10,8 %,

    4- la formation d’extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) obtient 10,6%,

    5- le Parti social démocrate (ČSSD) du Premier ministre sortant, Bohuslav Sobotka, tombe à 7,3%, son score le plus bas depuis 1993 et la dissolution de la Tchécoslovaquie,

    6- les chrétiens démocrates (KDU-ČSL), partenaire de Sobotka dans la coalition sortante, ne sont crédités que de 5,8% des voix.

    http://www.rts.ch/info/monde/9018379-le-mouvement-populiste-du-trump-tcheque-remporte-les-legislatives.html


  • Franck Einstein Franck Einstein 22 octobre 2017 00:07

    La race des seigneurs mondialistes, bientôt transhumanistes, soutenus par les sans-frontièristes et autres larbins globalistes, est enfin dénoncée :
     
    Conférence d’Hervé Juvin (très bonne) ) à l’UE
    https://www.youtube.com/watch?v=Rf3clg82a_Q
     
    Poutine commence à dénoncer le plan mondialiste transhumaniste :
    https://fr.sputniknews.com/russie/201710211033551264-poutine-technologie-genie-genetique/


  • Franck Einstein Franck Einstein 22 octobre 2017 17:52

    Les expatriés votent Macron où équivalent local
     
    SorosConnection le site décrivant la nébuleuse des ONG sans-frontièristes à la botte du spéculateur philanthrope


  • Trelawney 23 octobre 2017 16:25

    Or des élections pour le Parlement européen auront lieu en juin 2019 et, en France, des municipales en mars 2020. Il est donc urgent de savoir dans quelle conditions les citoyens britanniques pourront ou non y participer.


    Il me semblait que les gens avaient compris l’idée générale qui se dégageait du Breixit. mais visiblement en lisant votre articleil se trouve encore des personnes « hors sol » qui n’ont rien compris à l’étendu du problème
    Tout d’abord, les négociations continuent et continueront encore après 2019, car à l’heure actuelle on est très loind ’aboutir sur la majorité des sujets. Les européen ont parlé de 2019 parce que élection oblige, on veut que le divorce soit prononcé avant cette date. Mais Barnier qui est à la manoeuvre et qui négocie plutôt bien, puisqu’il négocie pour les intérêts des européens et donc de nous les français contre les intérêts des anglais, n’a pas 2019 comme objectif.

    Pour ce qui est du « droit de vote » (c’est là que j’ai beaucoup rit). On en n’est pas de savoir si les anglais résidant en France pourront voter pour les municipales, ou si les ressortissants européens pourront voter en Angleterre, mais de savoir si ces ressortissants européens pourront rester sur le sol anglais et si les anglais ne devront pas revendre leurs maisons dans le Perrigord pour retourner chez eux en Angleterre. Et à l’heure qu’il est cette question n’est pas tranchée.
    Les Anglais ne sont pas opposés à ce que le ressortissant européen reste travailler à Londres à la condition qu’on laisse l’Angleterre vendre ses produits sans droit de douane, qu’on laisse la City fonctionner en Europe sans entrave, qu’on laisse les pécheurs anglais vendre leur poisson en recevant des aides de l’état etc.

    La réponse européenne est : Vous nous renvoyez nos ressortissants et on renvoie les votre et on ferme les frontières. Et franchement vu qu’absolument rien n’avance dans la négociation. Il serait fort étrange que cela se passe autrement.
    Nous auront donc le retour des 300 000 français de Londres et on leur renverra nos 200 000 anglais et chacun chez soit.

    Donc votre histoire de droit de vote est trés trés loin d’être un sujet primordial

    • Paul ORIOL 24 octobre 2017 17:24

      @Trelawney
      Vous avez peut-être raison mais..

      Nous ne sommes qu’au début des négociations. Il m’étonnerait fort qu’elles se terminent par le transfert de centaines de milliers de personnes.

      En serait-il ainsi, même s’il ne restait qu’une personne non transférée, le problème juridique demeurerait.

      En démocratie, il est nécessaire que le maximum de la population participe aux décisions, aux élections... même si cela n’est pas suffisant. Et je suis contre l’exclusion par la nationalité des résidents. Je fais donc ce que je peux pour attirer l’attention sur une question qui, à ma connaissance, n’est abordée nulle part.

      Votre commentaire montre que la question ne vous laisse pas indifférent.


  • Ruut Ruut 24 octobre 2017 15:37

    Pourquoi le choix du citoyen doit il se limiter aux représentant de sa propre Nation ?
    Pour l’élection Européenne il serait plus démocratique de pouvoir voter pour l’ensemble des candidats y compris un candidat d’un autre pays de l’Europe.

    Ahhh la farce démocratique Européenne.


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