Brumes sur les quais des Etats nations
A l’échelle des États-nations membres de l’Union Européenne, que ce soit en Espagne avec la Catalogne qui a franchi « le Rubicon » en déclarant unilatéralement son indépendance, en Belgique avec la Flandre, en Écosse, en Italie du Nord, dans les pays Balkans, la France ne faisant pas exception avec la Corse et certains territoires ultra-marins, l’apparition de mouvements identitaires régionaux à vocation séparatistes résulte d’un phénomène des plus vivants en ce début de XXIe siècle, l’espérance ou la volonté d’être par une indépendance régionale reconnu comme un État-nation. Au sein des pays de l’UE, l’objectif prédominant parmi les revendications des indépendantistes régionaux, outre le fait d’être reconnu comme Etat et le refus de la solidarité inter-régionale, c’est leur attachement à l’Union Européenne, ce qui peut apparaître assez paradoxal et si cela advenait aggraverait considérablement les inégalités territoriales en son au sein.
Paradoxe et refus de solidarité
Il peut sembler paradoxal que des régions européennes comme la Catalogne, la Flandre, l’Écosse, l’Italie du Nord (la « Padanie »), le Pays Basque espagnol ou la Corse puissent faire valoir leurs aspirations nationalistes pour la reconnaissance d’une plus grande identité au sein de l’Union européenne, au moment où celle-ci abolit des frontières intérieures, alors que ces régions se replient de fait sur des frontière à l’intérieur de leurs Etats nations. A l’évidence, ces aspirations semblent exprimer tout particulièrement une réaction à la mondialisation par le resserrement des liens sur des entités « régionales », plus petites, plus accessibles, plus familiales… Mais il apparait surtout que la motivation essentielle de ces revendications, qui dépassent la simple demande de plus d’autonomie régionale culturelle et institutionnelle, pour dériver vers un nationalisme régionaliste, soit guidée par des contingences économiques très égoïstes du refus de la solidarité inter-régionale au sein des Etats.
En Espagne, bien qu’elle ait à supporter une lourde dette, la Catalogne, est l'un des principaux moteurs de l'économie espagnole, première région exportatrice, en pointe sur l'industrie, la recherche et le tourisme, souvent au détriment des contraintes écologiques, elle ne souhaite pas partager avec des régions moins riches. L'Italie du Nord industrielle voudrait ne plus payer pour le « Mezzogiorno » moins développé, tout comme la Flandre en Belgique, qui ne souhaite plus participer au financement de la Wallonie. L’Écosse aspire à l’autonomie, car elle disposerait d'une zone économique exclusive, lui donnant accès aux richesses pétrolières de la Mer du Nord dépendant aujourd'hui de la Grande Bretagne dans son entier.
Planétisation, mondialisation, délocalisation, immigration, autant de facteurs encourageant les nationalismes régionaux
Après le phénomène de « planétisation » qui s’est particulièrement développé à l’issue de la seconde guerre mondiale, grâce au développement des transports, notamment à l’automobile et surtout à l’aviation, bien que d’un usage d’abord assez modeste, celui-ci s’est développé très rapidement au point qu’en quelques heures vous allez d’un bout à l’autre de la planète, quand il fallait des semaines, voire plus d’un mois avant. Si cela a considérablement facilité les échanges culturelles, économiques et d’ordre sociétales diverses, l’impact écologique allait s’avérer désastreux, tant d’un point de vue environnemental qu’énergétique, au point de rendre aujourd’hui la situation écologique désastreuse et irréversible, en particulier sur le plan climatique. Cela n’est d’ailleurs pas prêt de s’arrêter, si demain le projet avec l’avion fusé d’Elon MUSK, qui veut relier Paris à New York en 30 minutes, voit le jour. Epuisement des ressources naturelles, notamment les ressources fossiles, qui est aggravé par l’explosion démographique mondiale et ses besoins économiques sans cesse croissants, gros consommateur d’énergie, en particulier dans les pays riches.
Avec la troisième révolution industrielle de l’informatique et de la communication, qui prend son essor au cours des années 1970, nous passons à une nouvelle dimension avec la mondialisation de l’économie qui se traduit par des concentrations d’activités vers des pays ou des régions du monde à faible coût de productions. Dans la même période c’est l’automatisation et la robotisation qui va remplacer des myriades d’ouvriers dans les usines. Cela ne va cesser d’accroître le chômage de masse, 1,2 million demandeurs d’emplois en 1980, 3,5 millions en septembre 2017. Rappelons- nous, par exemple en France au début des années 1980 avec la fin de l’industrie métallurgique, des filatures qui ont sinistré plusieurs régions de l’Est et du Nord, mais c’est surtout à partir du début des années 1990, après l’effondrement de l’URSS que vont commencer et s’amplifier des délocalisations d’entreprises. Dans ces processus parfois complexes, à l’intérieur des pays de la vieille Europe, des régions s’en sortent mieux que d’autres et selon qu’elles jouissaient de plus ou moins d’autonomie certaines d’entre elles vont dériver vers un nationalisme régional séparatiste égoïste, refusant dès lors la notion de solidarité inter- régionale. Ce qui est au fond, en dépit du Droit Espagnol, l’essence même de la sécession Catalane, laquelle augure mal de l’avenir dans ce pays, où d’autres régions autonomes (Basques, Galice) pourraient être tentées de suivre l’exemple Catalan.
Avec la nouvelle révolution des nouvelles intelligences artificielles (4ème révolution industrielle), qui apparait au début des années 2010, les espoirs et les illusions des uns nourrissent les craintes des autres qui sont, chômage oblige, de en plus nombreux. Il est évident que la perspective d’entreprises entièrement robotisées sans besoin de l’intervention humaine, grosse consommatrice de terres rares, avec pour effet des millions de salariés laissés pour compte, avec des métiers nouveaux et beaucoup d'autres devenus obsolètes, des régions seront plus affectées que d’autres, ce qui vient compliquer la situation et encourager les replis identitaires de certaines d’entre elles, parmi les plus privilégiées. S’ajoute à cela les conflits entretenus par des terrorismes cultuels, en particulier ceux émanant de l’islamisme radical qui furent, souvent instrumentalisés par des Etats au gré de leurs intérêts économique et militaires (USA, Israël, Arabie Saoudite, France en Syrie contre ASSAD). La fuite des zones de conflits par les populations et leur migration vers l’Europe concourent à réanimer et même souvent amplifier, à différents niveaux, des vieux reflexes nationalistes régionaux à l’égard des Etats. Dans certains cas, ces reflexes nationalistes régionaux vont jusqu’à considérer que le Etats nations sont « trop accueillants, voire laxiste » par rapport à la sécurité pour justifier le rejet de ces populations et par là même leur besoins de plus d’autonomie judicière et policière, voire de séparatisme.
Entre réapparitions de nouveaux Etats Souverains et velléités autonomistes et séparatistes Régionales
La chute du Mur de Berlin a également conduit au début des années 1990 à la réapparition d’États souverains ayant dans le passé eu une existence internationalement reconnue même brève, comme les pays Baltes, l’Arménie ou la Géorgie, ainsi qu’à l’émergence de nouveaux États jusqu’alors inclus dans des Fédérations (URSS, Yougoslavie, auxquels on pourrait adjoindre dans une certaine mesure la Tchécoslovaquie). Des indépendances du Monténégro et du Kosovo aux auto-déclarations d’Ossétie du Sud ou d’Abkhazie, en passant par les velléités autonomistes de l’Écosse, de la Flandre, du Pays Basque et aujourd’hui de la Catalogne, où malgré les discours modérés et l’acceptation par le leader indépendantiste Carles PUIGDEMONT des élections régionales pour le 21 décembre prochain, convoquées par Madrid. Mais pour lesquelles, en revanche, il a mis en demeure le gouvernement espagnol d'en respecter le résultat. Il y a donc toujours le risque que le pire ne soit pas à exclure. Les exemples récents ne manquent pas en Europe pour se convaincre de l’acuité du fait nationaliste et de ses dérives régionales.
Pour la catalogne qui occupe aujourd’hui l’essentiel de l’actualité, ce qui est déplorable, c’est que d’un coté comme de l’autre de l’autre on ne se préoccupe pas des vrais questions qui sont existentielles pour la survie de toute les régions d’Espagne, comme, par exemple, le problème de l’eau avec des cultures hyper intensives de fraises et autres fruits et légumes, copieusement arrosées de glysophate, malathion, diazinon, classés cancérogènes par plusieurs instances scientifiques. Le tout sous le patronage des MONSANTO et consorts. Comment comprendre que des populations si proches refusent de « vivre ensemble ». Si tous ces manifestants qui depuis des jours et des semaines occupent les rues des villes de Barcelonne et Madrid en s’opposant les uns aux autres mettaient autant d’ardeur à défendre la vie de la planète, il n‘y aurait plus de gros problèmes écologique »
Rejet de la tendance à l’uniformisation par des recours nationalistes régionaux très dangereux
Force est de constater que malgré la mondialisation, les nouvelles technologies de la communication qui rapprochent les individus et peuvent induire des standardisations à l’échelle planétaire, notamment sur le plan alimentaire avec des symboles de « mal bouffe » tel que « Mac’Do, « Coca « et autres, n’efface pas pour autant les replis identitaires et les nationalismes divers au profit d’une uniformisation à l’échelle de la planète. Bien au contraire, le référent national et régional apparaît bien souvent comme le seul lien légitime, tant est si bien qu’au moment où les hommes ont tendance à se ressembler de plus en plus, avec des mœurs et des comportements standardisés, les divers nationalismes s’expriment avec une vigueur renouvelée. Ce paradoxe réside peut-être là, dans cette tension existante entre un monde aux traits de plus en plus communs et des individus souhaitant conserver une identité propre, considérée comme plus proche, plus familière, en somme rassurante tel qu’ils pensent le retrouver au sein d’un nationalisme régional.
Il s’avère que l’Union européenne qui s’est construite par traités économiques successifs, très souvent au service exclusif des marchés Boursiers et du monde financier, n’est en rien un espace où le patrimoine symbolique, par quoi les nations ont su proposer aux individus un intérêt collectif, une protection, une fraternité, lui fait incontestablement défaut. Mais, le repli sur des identités régionales en tant que refuge, bien qu’il soit important de valoriser la biodiversité des cultures des traditions, apparaît dès lors, particulièrement dangereux dans le contexte mondial actuel.
Nationalismes régionaux, risque de « Yougoslavisation » ?
Le nationalisme trouve son fondement le plus souvent dans la langue et dans le territoire. La culture, dont la langue, comme moyen d’affirmation identitaire, le territoire, par la volonté de réunir en son sein l’ensemble des populations qui partagent la même langue et valeurs cultuelles et culturelles. Mais, cela peut conduire à vouloir expulser de son territoire, par la violence, les représentants d’autres ethnies ou populations minoritaires exprimant une culture différente ou des choix politiques fondamentaux divergeant en regard, par exemple, des volontés d’indépendance régionales ou non. Combien de fois, ici en France, a-t-on entendu des déclamations appelant au rejet de certaines populations, non parce qu’elles commettaient des actes délictueux ou mettaient en péril la société, mais parce qu’elles avaient des coutumes et une façon de vivre différente.
Imaginons comment, entre partisans et opposants, vont pouvoir vivre les habitants de Catalogne en cas d’indépendance, fut-elle négocié à l’amiable ? Bien que la situation soit différente, en Espagne nous avons tous à l’esprit ce qui est arrivé à la Yougoslavie entre 1991 et 2001 dans d’extrême violence, avec un bilan de 150 000 morts dont deux tiers de civils, s'accompagnant de 4 millions de personnes déplacées, où le terme d’épuration ethnique fut souvent utilisé, pour aboutir en final à la création de 6 Etats (Slovénie, Croatie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Macédoine plus le cas particulier du Kosovo reconnu par des pays Européens, dont la France, pas par d’autres). Slovénie et Croatie sont aujourd’hui membre de l’UE.
Des nationalismes régionaux incompatibles avec la conjoncture mondiale et la situation écologique actuellement des plus critiques
Non seulement la demande d’indépendance régionale peut remettre en cause la légitimité des États dont ils dépendent, mais aussi parce que le référent de leurs revendications est celui de l’État-nation dont ils refusent de jouer la solidarité intérieure. Si une Europe des Régions au sens culturel qui est d’ailleurs légalement reconnue par les textes Européens, avec notamment un comité des régions en tant qu’organe consultatif, est justifié, les dérives vers un nationalisme régional rétrograde et égoïste n’est pas acceptable.
Aujourd’hui, la situation mondiale implique qu’être favorable à une Europe fédérale a du sens, mais à condition qu’elle repose sur des entités fortes et cohérentes et non qu’elle procède à un émiettement porté par des nationalismes régionaux. Ce qui aurait pour effet d’entraîner la dilution ou la dissolution d’anciens États européens, dont leur homogénéité fut acquise parfois difficilement, au profit d’entités étatiques réduites en taille et d’une viabilité économique limitée, sources d’instabilité qui aggraverait une situation écologique actuellement des plus critiques. Si les régions doivent acquérir des compétences démocratiques, économiques et sociales, mais, face à un bilan bien sombre sur l'évolution du réchauffement climatique, tel qu’il est présenté par Jean JOUZEL, climatologue et ancien vice-président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), Comment pourrait-on agir efficacement dans une Europe atomisée en une multitudes de petits Etats nations en compétitions économiques ? Si à la place de 28 Etats homogènes actuels (ou 27), l’UE se retrouvait avec une cinquantaine de petits Etats en concurrence et conflits permanents dus à de profondes inégalités territoriales et économiques, il est aisé d’imaginer la situation de notre vieille Europe
Pour conclure
Dans la compétition mondiale que se livrent Américains, Européens, Chinois, Russes, sans oublier les pays émergeants, par sa structure de 28 Etats nations (maintenant 27), l’Europe sans gouvernance réellement démocratique, soumise au pouvoir de la financiarisation, avec des législations différentes entre ses Etats pour compétition économique entre eux, est aujourd’hui le « maillon faible ». De plus, elle est confrontée au terrorisme Islamique qui cancérise trop souvent les relations entre les populations de culture Arabo - Musulmane et les autres, exploité par certain responsables politiques, dont leurs discours contribuent à accroitre davantage les tensions. S’il est, par ailleurs, souhaitable que l'Economie, la culture, la démocratie puissent se vivre et s’exprimer, dans le respect des notions de solidarité territoriale, au plus près des territoires et des hommes qui le composent, il est évident que chaque région qui le souhaite, doit pouvoir bénéficier de mieux d’autonomie par rapport au pouvoir centralisateur de l'Etat nation. Toutefois cela ne saurait se traduire par des dérives vers des nationalismes régionaux sécessionnistes..