vendredi 22 décembre 2017 - par Aimé Mathurin Moussy

Cameroun : Liberté de presse, toute honte bue !

 

Dans les discours officiels le Cameroun, est un pays des droits de l’homme. La formule est belle. Mais au regard du dramatique quotidien, elle n’a pas toujours été respectée dans la réalité, notamment dans son système de gouvernance.

La mise en danger de la liberté d’expression par l’abus de la loi, doit nous amener à reconsidérer notre rapport à cette démocratie que nous aimons tant. Le couperet a décimé l’écrivain Patrice Nganang, il y a une dizaine de jours. Depuis le mardi 19 décembre, les journalistes, Ernest Obama, Chantal-Roger Tuille, Leukoue, sont passés à la trappe.

 Un « machin » du nom du Conseil National de Communication, a décidé, dans un procès à charge, d’excommunier des journalistes le 19 décembre 2017, pour des motifs flous et absurdes, sous le regard amusé de Paul Biya.

L’empathie pour les journalistes, les médias, les écrivains est un art difficile. Pour ces minuscules vermines et pestes indésirables, le gouvernement actuel de Paul Biya n’a le plus souvent que dédain et désir d’extermination. Pourtant, les termes « déontologie » ou « atteinte à l’honneur » cachent un mensonge : on parlerait plutôt de « polluants sociaux persistants ». Ces hommes de médias, ces penseurs, ces blogueurs, considérés comme des vermines, tant ils rognent, empoisonnent et dérangent le statu quo ambiant. Les attaquer, sous le prétexte de l’ordre public, ressemble à une attaque chimique, en vue d’éradiquer une espèce rare : la libre-pensée ! En s’attaquant à la pensée, on s’attaque forcément à la vie. S’attaquer à la vie est un crime.

 

On connaît l’inhumanité du régime de Paul Biya. En revanche, on sait peu que, dans cette tragique histoire, la période des gouvernements auxquels Paul Biya a joué un rôle non des moindres est la plus sinistre : entre 1970 et 1980, les relégués ont subi, à Mantum, Yoko, Tcholliré et la BMM un véritable bagne.

Certains centres d’internements administratifs avaient été créés dans la fin des années 60. Paul Biya, en tant qu'éminence grise du système, aurait-il pu les ignorer ? Ces prisons politiques visaient à éloigner des centres urbains les « subversifs » condamnés aux travaux forcés et les opposants politiques condamnés à la déportation, soit à Mantum, Yoko ou Tcholliré. Le jeune politologue Biya, fraîchement rentré de France et Influencé par l’exemple du gouvernement britannique, qui avait envoyé des milliers de convicts en Australie dès 1717, et de Napoléon III et ses forçats, n' aurait-il pas aidé et encouragé Ahidjo à pratiquer la même politique ? La déchéance de l’intelligentsia camerounaise fut totale. Sur des milliers de condamnés envoyés dans ces centres d’internement à partir de 1970, il n’en restait plus qu’une centaine en 1980.

Cinquante ans plus tard, la République, à l’instar de celle que Biya incarne, ne fait rien pour améliorer la liberté de pensée, au contraire. Le développement des procès à charge contre des anciens dignitaires de l’Etat, les journalistes, les écrivains, exaspèrent les populations, notamment les citoyens épris de modernité. Les Républicains « opportunistes », réunis autour de la horde sécuritaire, tapis dans l’ombre des bouffonneries tels que, le Conseil National de la communication, ont compris l’avantage politique qu’ils tirent en proclamant leur volonté de réprimer sévèrement les petits « délinquants de la pensée ».

Aujourd’hui plus que jamais, les libres penseurs sont en danger. Tous les observateurs de la scène politique camerounaise, ont mesuré la décadence effrénée des libertés. Ce qui est affecté est la démocratie dans son ensemble. Le régime actuel veut uniformiser la pensée, et empêcher toute diversité d’opinion. Dans ce contexte, il ne sert plus à rien de savoir où est sa chapelle ou son écurie, il faut se lever comme un seul homme pour protéger la liberté.

©Aimé Mathurin Moussy

 




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