Cancer, oh cancer !… Mais dis-nous donc qui tu es !…
Comme celles de Dieu, il semble que les voies de la science médicale soient impénétrables. C’est ce que nous montre le spécialiste de biologie moléculaire qu’est Michel Morange. Certes, sa discipline a fait beaucoup de progrès qui permettent de mettre au point des molécules sophistiquées qui ont tout, semble-t-il, pour prendre certains cancers à bras-le-corps et leur faire – au moins en théorie – un très mauvais sort… Toutefois…
« […] certaines drogues, mises au point grâce à ces nouvelles connaissances moléculaires, ont des effets limités à une forme particulière de cancer, ou même à une fraction seulement des patients atteints de cette forme de cancer. Paradoxalement, en décalage avec les principes qui avaient guidé leur mise au point, la détermination de l’effet bénéfique que peuvent apporter ces drogues se révèle aussi empirique que celle des agents non spécifiques. » (Les secrets du vivant : Contre la pensée unique en biologie, La Découverte, 2012)
C’est-à-dire que ce n’est toujours qu’au pied du mur qu’on voit le maçon… Prévue pour avoir une porte et deux fenêtres, votre maison se retrouve tout à coup avec une cheminée horizontale et trois saucisses en guise de portail… Ce qui va peut-être vous permettre de trouver des acheteurs inattendus, mais vraiment très intéressés…
Cependant, gare, tout de même, aux saucisses… Michel Morange nous aura bien mis en garde :
« En outre, après une action initiale forte, beaucoup de ces nouveaux médicaments voient leur effet diminuer rapidement : les cellules cancéreuses y sont devenues résistantes. »
C’est bien sûr à cet endroit qu’on rigole…
Mais, puisque nous sommes décidément à la foire, revenons au stand de tir sur le cancer où règne un certain désenchantement :
« […] l’idée de mettre au point les « balles magiques », les molécules chimiques construites rationnellement qui se révéleraient être les armes absolues contre les différentes formes de cancer, s’estompe de plus en plus. »
S’il suffisait de lancer quelques pommes de terre à la figure de celui-ci pour le faire un peu fuir, sans doute ne faudrait-il pas se creuser davantage la cervelle… En tout cas, Michel Morange ne masque pas la gravité de la situation actuelle – et cela devrait nous empêcher de rire avant très longtemps :
« Une hypothèse serait que la recherche biologique actuelle s’est fourvoyée. Le modèle moléculaire du cancer serait faux. »
Et pourtant, le gaillard en question ne paraît pas être sur le point de chômer : d’année en année, il tue toujours de plus belle, pendant qu’on le tue, lui, de moins en moins par dollar investi dans la mise au point de l’armement thermonucléaire qu’on lui oppose pour prétendre lui détruire quelques pauvres unités ici ou là…
Arrivé à ce point d’embarras qu’il n’est bien sûr pas seul à partager dans sa corporation, Michel Morange affiche un intitulé qui paraît devoir retenir notre attention :
« De la nécessité absolue d’articuler des principes d’intelligibilité différents. »
Effectivement, de même que le soldat du camp d’en face, la cellule cancéreuse n’est pas ce que l’uniforme dont on l’affuble la fait paraître : un bloc qui n’a aucune chance d’entendre raison. Tout au contraire, peut-être…
Mais restons-en tout d’abord à ce que Michel Morange nous dit à cet endroit de son livre :
« L’état transformé, malgré la complexité du chemin parcouru, n’est pas n’importe quoi, mais un nouvel état d’équilibre, ayant une cohérence propre dans sa globalité, dont les bases physiques restent à découvrir. »
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Plan cancer : à la guerre comme à la guerre