Centrale nucléaire du Tricastin et électricité du Sud-Est
Depuis que l'usine d'enrichissement par ultra centrifugation George Besse 2 a été lancée en 2011, les réacteurs nucléaires de la centrale du Tricastin sont pratiquement entièrement consacrés à la production de courant pour le réseau électrique. Il est à noter qu'ils fourniront également la puissance électrique délivrée lors des expériences Iter (de l'ordre de 1000 MWe pendant quelques minutes, au mieux, pour chaque expérience)
Cette centrale électrique du Tricastin, dans le contexte régional des capacités de production de courant, joue donc un rôle majeur dans l'alimentation électrique du Sud-Est de notre pays.
Ses réacteurs nucléaires, implantés dans la vallée du Rhône où il existe un risque sismique réel, attesté notamment par le séisme de Lambesc, de niveau assez elévé, survenu en 1909, sont arrêtés sur demande de l'ASN depuis octobre 2017. Et comme on peut le voir sur la production électrique nationale journalière, cela se traduit par la nécessité de mobiliser à l'importation une puissance équivalente à celle de 6 réacteurs nucléaires.
Cette centrale nucléaire est ainsi à l'arrêt pour une question de résistance d'une partie de la digue sur le canal de Donzère-Mondragon.
Fin 2016, l'ASN avait déjà exigé l'arrêt de 7 réacteurs nucléaires pour des vérifications sur des corps de GV. S'ajoutant aux arrêts pour maintenance et à la suite d'incidents, cela mettait au total 21 réacteurs nucléaires électrogènes hors service à l'approche de l'hiver.

L'arrêt de ces réacteurs nucléaires par l'ASN
Il n'est nullement question de remettre en cause le pouvoir de l'ASN de faire arrêter des réacteurs nucléaires lorsque ceux-ci présentent de gros problèmes pour la sûreté. Mais dans la mesure où ces arrêts peuvent avoir de graves conséquences, - l'année dernière si des réacteurs n'avaient pas été relancés avant l'hiver, les probabilités de subir un Black out électrique en janvier 2017 auraient été au plus haut niveau, comme le 18 janvier par exemple-, il est normal d'évaluer la solidité du dossier qui conduit à cette mesure extrême (en fait l'arrêt d'un réacteur n'est pas la mesure la plus haute en terme de sécurité. Celle-ci serait constituée du déchargement du combustible du coeur et l'évacuation des éléments combustibles).
En ce moment, à L'ASN, c'est clairement la mouvance anti nucléaire, soutenue par son ministère de tutelle depuis le début c'est à dire l'ére Voynet, qui y impose sa vision partisane.
La suspension prolongée au-delà du nécessaire, du chantier de l'EPR de Flamanville (au minimum deux fois plus longue que le temps nécessaire pour la constitution du dossier d'essais et de calculs demandés par l'ASN en juillet 2015 sur le problème des ségrégations carbone) donnait déjà ce sentiment après d'autres blocages. Mais l'année dernière l'arrêt de réacteurs nucléaires pour une "anomalie" similaire, - ségrégation de carbone au niveau de corps de GV -, faisait clairement partie d'une campagne anti nucléaire. En effet, à cette époque, l'ASN disposait sûrement du dossier d'études sur les "anomalies" touchant l'EPR de Flamanville ; Dossier qui a conduit cette autorité de sûreté à statuer sur le fait qu'il n'y avait pas de problème de tenue des couvercle et fond de cuve primaire dans tous les cas fonctionnement.
A la suite de protestations émanant d'anciens du nucléaire qui mettaient l'accent sur le manque de solidité du dossier et soulignaient le risque important de Black out électrique, le gouvernement a reculé et laissé remettre en route un certain nombre de réacteurs nucléaires. Malgré tout la situation sur notre réseau électrique a été très tendue en janvier 2017 démontrant le bien fondé du risque occasioné sur le réseau par l'arrêt de ces réacteurs nucléaires. Un Black out électrique peut avoir de graves conséquences et le redémarrage du réseau peut être assez long. Dans le climat médiatique de désinformation générale et étant donné l'orientation anti nucléaire de pratiquement tous nos médias, il ne fallait pas s'attendre à ce que le public soit informé de cette menace.
Dans cette affaire de l'arrêt de la centrale nucléaire du Tricastin, dont on verra plus bas le rôle déterminant dans la déserte en courant électrique du Sud-Est de notre pays, il y a aussi des questions qui se posent sur la cohérence du discours et la solidité du dossier de l'ASN.
Le premier point du communiqué de l'ASN fait état de questions sur la tenue de la digue du canal de Donzère- Mondragon vis à vis du séisme maximum. Quelle est la probabilité d'occurrence d'un tel séisme dans ce lieu là l'hiver prochain ? Est-ce que les marges de sécurité sont prises en compte ? Quel niveau d'eau sur le site de la centrale ? .... Tout cela fait partie de l'évaluation du risque potentiel, phase qui avait été totalement sabotée par la Tepco pour le site de Fukushima Daiichi. Et s'il y a un risque de séisme d'un niveau qui peut être supérieur à 6 dans la vallée du Rhône, cela ne concerne pas que la centrale du Tricastin de même que la rupture de la digue.
Il y a ensuite dans le communiqué de l'ASN quelque chose d'inadmissible. C'est l'emploi du conditionnel pour décrire les conséquences de la rupoture de la digue. Citation : " ... pourrait conduire à un accident de fusion du combustible des quatre réacteurs de la centrale du Tricastin et rendrait particulièrement difficile la mise en oeuvre des moyens de gestion d'urgences internes et externes" . Un paragraphe en complète similitude avec ce que l'on trouve habituellement dans un tract d'une organisation anti nucléaire.
Mais on se trouve bien dans un cas de catastrophe semblable à celle, l'inondation provoquée par le tsunami, qui a provoqué les accidents nucléaires graves sur le site de Fukushima Daiichi. Alors, le plan dit Fukushima de mise à niveau de nos centrales nucléaires ce sont des millliards d'euros dépensés pour rien ?
En rentrant plus profondément dans l'analyse d'un tel scénario accidentel, on peut d'abord être sûr d'une chose, c'est l'arrêt des réacteurs nucléaires en fonctionnement au moment où surviendrait le séisme. Avant l'arrivée de l'inondation éventuelle. C'est ce qui s'est produit sur tous les réacteurs nucléaires japonais en fonctionnement et exposés au grand séisme du 11 mars 2011. Soit de l'ordre de 7 sur trois sites de centrales nucléaires situées sur la côte Nord-est du Japon. Fukushima Daiichi, Fukushima Daini et Onagawa. Alors que les réacteurs nucléaires d'une autre conception que nos REP étaient plus fragiles au niveau des barres de contrôle.
En arrêtant les réacteurs nucléaires au moment du séisme, on se retrouve assez rapidement avec une puissance résiduelle de l'ordre de 30 MWth. En les arrêtant administrativement en quelque sorte, l'ASN n'évite pas le fait que l'on se retrouve aussi avec une puissance résiduelle, certes diminuée, quelques MWth, dans les coeurs des réacteurs. Et si l'on suppose, - ce qui discréditerait toute la coûteuse stratégie Fukushima -, que l'on est dans l'impossibilité d'intervenir de l'intérieur et de l'extérieur, hypothèse de l'ASN, le fait d'avoir arrêté les réacteurs n'empêcherait pas la fusion des coeurs.
Si l'on estime que ce scénario d'accident a une grande probabilité de survenir, la seule mesure qui puisse éviter ces accidents majeurs, dans l'hypothèse de l'ASN sur les moyens d'intervention gelés, est le déchargement et l'évacuation des éléments combustibles. La mesure extrême mentionnée précédemment.
Bien entendu cette mesure extrême n'est même pas évoquée, puisque l'on ne croit pas vraiment aux risques et que dans ce cas les réacteurs nucléaires ne seraient pas près de redémarrer.
Le réseau électrique du Sud-Est et PACA
Le fait majeur en PACA est que cette région doit importer environ 60% de sa consommation de courant électrique. C'est un chiffre officiel qui doit être pondéré depuis l'entrée en service de George Besse 2. Néanmoins cela reste une première cause de fragilité.
Le réseau électrique de PACA est aussi très fragile en lui-même et dépend beaucoup de la production de la centrale nucléaire du Tricastin. Soit une puissance électrique disponible sur le réseau d'environ 3000 MWe en prenant en compte George Besse 2.
En PACA, l'hydroélectrique du Rhône, du Val de Durance/Verdon est un élément majeur de la production électrique. C'était de l'ordre de 40% dans le schéma antérieur à George Besse 2. Un poste de conduite centralisée permet de mobiliser en cas de besoin une puissance de 2000 MWe en une dizaine de minutes. Il est à noter que c'est un résultat du programme du CNR. Remarquons que tout cela est dépendant à la fois du niveau des eaux dans les barrages et de la puissance de pompage disponible. L'aspect renouvelable de l'hydroélectrique n'est pas garanti en période de mobilisation extrême des moyens de production de courant. Ce qui est le cas actuellement : la puissance de pompage est quasi nulle, et ayant tiré au maximum sur les capacités de l'hydraulique au début, la puissance délivrée par ce moyen de production diminue au fil des jours, ce que l'on peut vérifier depuis le début décembre en France.
Il y a à Martigues une centrale électrique à gaz avec deux chaudières à cycle combiné, à haut rendement, pour une puissance électrique de 930 MWe.
Pour mémoire on citera aussi à Gardanne un projet de reconversion à la biomasse d'une chaudière avancée à charbon, à lits fluidisés, pour une puissance de 150 MWe, par un électricien allemand.
Fragilité du réseau électrique PACA
Le réseau électrique de PACA est constitué de deux lignes 400 kV, Avignon-Marseille-Nice et Avignon-Alpes de Haute Provence jusqu'à Serre Ponçon en remontant depuis Manosque.
La première fragilité est celle de la région de Nice qui, en cas de rupture de son alimentation 400 kV entre Marseille et Toulon, se retrouve à la merci de la fourniture italienne via une ligne de 225 kV seulement, à partir d'un transformateur déphaseur de Camporosso. Pour la sécurité de l'approvisionnement de la région niçoise, il aurait fallu boucler les deux lignes THT ci-dessus, entre les postes de Boutre et de Carros, par une ligne 400 kV que les mouvements écologistes locaux ont toujours empêchée de construire, dans la région du Haut Verdon.
Il y a également une fragilité due au réseau même. Celle qui résulterait de l'indisponibilité de la source " Est basse vallée du Rhône", en cas de perte d'une source "Vallée du Rhône" largement alimentée par la centrale du Tricastin. En effet, en aval de Martigues, plus précisément aux Pennes Mirabeau, la ligne de la source "Est basse vallée du Rhône" demeure en 225 kV, à cause de l'action judiciaire d'un collectif de riverains. La ligne vieille de 47 ans, sous laquelle ces personnes ont obtenu le permis de construire, était à 225 kV. A l'installation des deux cycles combinés de Martigues ces personnes ont bloqué le passage à 400 kV.
Le réseau électrique de PACA est donc très fragile d'une manière intrinsèque, ce qui pose aussi des problèmes pour l'importation vitale de courant, et au niveau de la production d'électricité. L'arrêt de la centrale du Tricastin cet hiver ferait peser une grande menace de délestages et de Black out électriques sur cette région.
Conclusion
Sur cette question de l'électronucléaire il y a suffisamment d'irrationel et d'affectivité pour que l'Autorité en charge de la sûreté nucléaire ne rajoute pas des scénarios catastrophes très conditionnels dans un style que ne désavouerait pas les mouvements anti nucléaire.
En l'occurrence l'arrêt de la centrale du Tricastin n'est pas suffisamment justifié et cette mesure, dont on a montré qu'elle n'est pas efficace avec les hypothèses mises en avant par l'ASN, par ailleurs non raisonnables, a des conséquences majeures sur l'approvisionnement en courant électrique de la région PACA.
De plus, personne ne souhaite que le caractère indispensable de notre électronucléaire soit démontré par des conséquences néfastes de l'arrêt d'une centrale nucléaire à la position clé.