Cette opinion publique qu’il faut faire taire à tous prix !
Madame El Khomri vient de faire cette déclaration : "L'opinion publique n'est pas la seule boussole de l'action gouvernementale"...
Si nous vivions dans une véritable Démocratie, le principe démocratique investirait l'ensemble des citoyens du pouvoir de décider et de choisir ce qui est bon pour lui. C'est ce que le principe de l'égalité et du suffrage universel consacrerait. Il le consacrerait à tel point que chaque individu composant l'ensemble des citoyens, comme force politique constituerait la trame des évènements historiques.
Parmi toutes les forces politiques de notre civilisation, une force non négligeable est reconnue comme telle : l'opinion publique.
Avec ses particularités, son caractère spécifique ; le fruit du nombre, des hommes et des femmes, de la multitude qui la composent, dans un espace donné.
Mais à l'heure d'Internet, cet espace donné jusqu'à présent relativement étroit s'est tout d'un coup, illimité, multiplicateur et sans bornes bien précises, ce qui déstabilise profondément nos gouvernements habitués plutôt à chercher à "contenir" l'opinion, pour l'apprivoiser et la canaliser par maintes formes de manipulations. Mais la richesse de l'opinion publique, c'est qu'elle est le surgeon de la pensée secrète des foules, du nombre, de la masse ! De milliers et de millions de femmes, d'hommes, jeunes et moins jeunes. Parce que tout ce qui la constitue est d'autant plus difficile à saisir désormais.
L'opinion publique, c'est cet élément "immatériel" et psychologique d'une importance considérable. Un autre domaine aussi évanescent que l'opinion publique, ce sont le "parfum", les "odeurs", l'évaporation, ce phénomène physique qu'avec les progrès scientifiques, l'on a finalement réussi à matérialiser, à mettre en éprouvette et à restituer artificiellement.
Maîtriser l'opinion publique comme l'on a maîtrisé le parfum, voilà ce à quoi s'attellent les politiques et les chercheurs associés sur les ressorts psychologiques de la multitude. Influencer les foules par des discours frappants de manipulation des masses, avec des techniques éprouvées.
Et il faut bien reconnaître, qu'ils soient élus ou qu'ils se soient imposés d'eux-mêmes, ils vous diront toujours que c'est au nom de l'opinion publique qu'ils s'octroient le droit de représenter les citoyens. La propagande déployée par les élus qui ne représentent plus rien de cette opinion justement est telle, qu'ils s'arrogent le droit de l'invoquer à tout bout de champs, pour n'importe quels motifs, même les plus illégitimes, alors que leurs intérêts mobilisateurs sont nominalement très larges et nombreux, exclusifs et en faveur d'un nombre très réduit de bénéficiaires, c'est-à-dire, eux-mêmes.
De tout temps, l'humanité s'est trouvée confrontée à ce désir d'imposer le pouvoir par les rois, les empereurs, les dirigeants, etc..., et afin d'impressionner leurs sujets, il fallait frapper les esprits. Alors l'on contruisait de somptueux édifices, palais, pyramides, etc...
De telles manifestations exercent encore un pouvoir attractif sur les dirigeants actuels qui veulent laisser leur marque indélébile, bien après leur mort. Impressionner l'opinion publique, oui, car sous ses formes diverses et l'ampleur des ressources cachées de l'opinion, ce sera avant tout de "gagner les esprits". Tout en tentant de modifier les dispositions naturelles de l'individu. Les puissants se préoccupent de l'opinion publique, car ils se doivent de la posséder, de la façonner à leur volonté.
Or, dans une Démocratie véritable, ils ne peuvent non plus, se substituer aux citoyens qu'avec leur accord, tacite ou explicite, l'accord du nombre, de la multitude.
Malheureusement, s'il ne le peut, généralement le pouvoir usera toujours de la "force" pour imposer ses décisions si l'opinion est frileuse, voire réfractaire. Il ne pourra d'ailleurs au nom de cette force, durer dans le temps que s'il fait admettre que cette "force" dont il use est parfaitement juste et légitime. C'est là, tout le principe même de la manipulation.
Blaise Pascal écrivait : "L'opinion est comme la reine du monde, mais la force en est le tyran".
Le principe démocratique est issu de la réflexion des philosophes du XVIIIe siècle et s'est répandu dans le monde, la société a subi une transformation profonde, transformations industrielle, démographique, technique et scientifique. Et a permis à l'opinion publique de se manifester comme une "force politique", soulignant ainsi la transformation des "structures mentales" des citoyens qui en a résulté et les conséquences psychologiques de la société née des Lumières. La mutation des activités humaines rompait ainsi avec les sociétés féodales et antiques.
Un exemple : sous l'ancien régime, une importante distanciation sociale existait entre le féodal, le seigneur "maître du donjon", et les villageois qu'il avait sous sa tutelle. La masse ne comptait guère, elle subissait et acceptait, et son opinion n'existait pas, c'est le clergé qui se substituait à la masse et constituait le lien entre le féodal et ses serfs.
La vie quotifienne de chacun était codifiée, réglée, de la naissance à la mort. La masse était assez figée, les institutions bien que par vocation évolutives, étaient beaucoup plus fixes et lentes.
Le monde moderne, lui, suite à l'extrême complexité des rapports humains et la rapidité des moyens de communication ont transformé l'homme et sa perception du monde. La simultanéité, l'ubiquité, la publicité, sont trois facteurs émergents de la transformation interne et externe des citoyens. Où que vous soyez du point du globe, l'information vous arrive et aussitôt transformée comme "objet de conscience" et sera automatiquement soumise au jugement de chacun.
Premier paradoxe : la communication des sociétés primaires tournait autour de la tribu, du village, de la famille.
Or, tout le monde ne peut pas avoir au même moment, les mêmes opinions, volontés et perceptions des choses. Eh bien, l'opinion va se reformer automatiquement autour du groupe de groupe en groupe, s'agréger et faire passer le courant dominant, un fort courant et l'ensemble suivra.
Deuxième paradoxe et non des moindres :
Malgré le courant d'ensemble, l'opinion n'est jamais unanime, ne peut l'être, car elle est composée d'individualités aux thèses opposées parfois et le plus souvent. Aussi les politiciens recourront, pour faire gagner leur cause, parce que les retournements restent possible, à la nécessité de méthodes de matraquage publicitaire, s'adressant à la masse, conscients que de se faire élire ou de vendre une voiture, ou un objet de grande consommation, revient à l'adhésion individuelle des innombrables individualités.
Or, que nous montre l'expérience ?
Dans une société de masse, le ralliement des politiques d'un nombre très insuffisant de suffrages, acquis par des méthodes de manipulation, ne font pas d'eux les véritables dépositaires du pouvoir réel.
LE VERITABLE DEPOSITAIRE DU POUVOIR EST DETENU PAR LE PUBLIC.
Et c'est là qu'INTERNET intervient.
L'individu sollicité dans sa vie quotidienne, à chaque instant et de plus en plus se retrouve isolé, dans une société de masse déshumanisée. L'homme tend à lui échapper par son instinct grégaire, se situant par rapport aux autres, il étaye son fonctionnement personnel, toujours par rapport à celui d'autrui, cela va jusqu'au partage des opinions, grâce aussi à la connaissance et par l'effet miroir. C'est ce qu'on appelle : le "consensus omnium". C'est l'étoffe même de la coutume, la norme établie.
Au sens moderne de l'expression où un nombre de plus en plus grand, professeront une opinion similaire et partagée entre tous, au vu et au su de tout le monde.
C'est une conscience collective née de la conscience individuelle et dont la disparition serait ressentie comme une perte.
Il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la force brute, de ce jaillissement spontané de cette conscience qui est entrain de naître. L'opinion publique est-elle suffisamment éclairée ? En avance sur les évènements, suiviste, bute-t-elle sur l'événement, ou au contraire, avec l'outil Internet est en marche vers une société nouvelle ?
De cela une chose est sûre, de la part des politiques qui assistent à ce développement individuel/collectif, tout sera mis en oeuvre pour priver les citoyens de leur libre arbitre.
Baston Berger disait : "Entre la chenille et le papillon, des correspondances existent que la diversité des formes extérieures empêchent parfois de remarquer. Il n'en reste pas moins qu'une véritable révolution s'opère, pour passer du premier état au second... Le monde humain est aujourd'hui comme une chrysalide".