samedi 9 mai 2020 - par Taverne

Citoyens, tous à votre panache !

La faillite, nous voilà ! C'est lundi le Jour J ! Débarquement dans les stations métro de forces de travail pour lutter contre les risques de faillites. Allons enfants ! Que le sang impur du Covid abreuve nos sillons ! Mais, si nous pouvons éviter une partie des faillites, sommes-nous prêts à reconnaître collectivement la faillite d'un système ou s'apprête-t-on à le remettre en route sans se poser plus de questions. Que sommes-nous prêts à changer dans nos habitudes de production et de consommation pour éviter la faillite de notre modèle et de l'écosystème ?

« La Fayette, nous voilà ! » 

Puisque c'est la "guerre", les mots de guerre sont aussi de sortie...Mais sommes-nous en guerre ? Peut-on être en guerre contre la nature ? La nature est-elle notre ennemi ? L'idée sonne un peu ridicule, ne trouvez-vous pas ? Mais jouons le jeu et disons que c'est la guerre.

La formule « La Fayette, nous voilà ! » a été prononcée par le Lieutenant-Colonel américain Charles E. Stanton sur la tombe du Marquis de La Fayette, au cimetière Picpus à Paris, le 4 juillet 1917. Aujourd'hui, au cri de "la faillite, nous voilà !" nous voilà en ordre de marche - enfin presque - pour aider l'économie et le commerce (mais pas tous) à se relever. Pour la main-d’œuvre, pas de souci. Il ne sera pas utile de demander à tous de travailler plus, vu que les travailleurs sans activité seront nombreux à souhaiter retravailler et que les chômeurs seront légion.

Mais certains sont encore sous le coup de la frayeur et rechignent à sortir de chez eux : "nous sommes ici par la volonté du terrible virus et nous ne sortirons qu'à la force des baïonnettes !", disent-ils en substance. Il va donc falloir aussi que la médecine du travail et les armées de psychologues s'activent pour réparer les dégâts causés par ce long confinement. Mais où sont-ils ? Suffiront-ils ?

On pensait tous avoir acquis une sorte d'immunité de groupe contre l'idée de la mort. Nous avons, après la guerre, conclu un pacte collectif pour s'immuniser collectivement contre la mort en n'en parlant plus. Cette idée a été proclamée implicitement, faisant un paquet avec notre bienaimée Sécurité sociale. Des épidémies très meurtrières ont frappé pendant les années soixante et soixante-dix et pas un mot là-dessus ni à l'époque ni ensuite. Chut ! Immunité mentale contre la mort. A moins que ce ne soit...le déni ? Non ! Vous n'y pensez pas ?

Où sont passés les Gaulois réfractaires ?

Le civisme les a-t-il convertis au suivisme ?

Ils ne sortent plus. Ils respectent à la lettre les gestes barrières, se ruent sur les masques ou chez leur médecin pour exiger quelque médecine qui n'existe que dans leur imaginaire. Ont-ils abdiqué toute liberté ? Qu'on se rassure, les préconisations de l'institut Montaigne les ont réveillés ! Travailler plus et renoncer aux vacances, et puis quoi encore ? Merci les libéraux sans foi et sans scrupules d'avoir ragaillardi nos bons Gaulois (de toutes les couleurs).

Ils étaient "covidifiés", les voici revivifiés !

Pas de "couillonavirus" !

Les Gaulois sont bien décidés à ne pas devenir les couillons de cette tragique farce. S'ils sortent à nouveau pour travailler, ce n'est pas pour renoncer à leurs acquis, dont certains, soit dit au passage, leur ont sauvé la vie. Ni plus ni moins. Ils regardent du côté des Etats-Unis d'Amérique avec leur système de santé privé et d'assurances aux coûts exorbitants et comprennent la chance qu'ils ont. Cette chance, ils veulent la conserver.

Il va falloir que le gouvernement revoie le système de santé qui est en faillite depuis des années, mais qui donnait le change grâce en particulier à ses personnels soignants dévoués. Moins de gratte-papiers, de gratte-claviers, moins de petits chefaillons sourcilleux jaloux de leur petit pouvoir et plus de médecins et de personnels de terrain ! Et des rémunérations à la hauteur de leur statut de premiers de corvée, pardon "de cordée", veux-je dire. Pas seulement une prime exceptionnelle qui resterait à la discrétion des pouvoirs qui se succèdent. Les soignants non plus ne veulent pas être les couillons dans cette affaire.

Inspirez ! Confinez ! Expirez !

"Rester chez vous" était synonyme de "mourez chez vous" aux débuts de la crise et même au-delà. N'allez pas à l'hôpital, allez chez le médecin (dépourvu de masque) qui vous enjoindra de rester chez vous avec du paracétamol, s'il ne vous refile pas lui-même le virus.

"Crevez à la maison !" en somme. L'hôpital ? N'y songez pas ou alors seulement quand vous serez moribond. Hop ! En service réanimation avec une chance sur deux d'en sortir vivant. Quoi, la prévention ? Ce n'est pas prévu. Pas de masque, pas de test, pas d'isolement, pas de remède du professeur Raoult, rien ! Restez chez vous, on vous dit. La confiance des Gaulois en a pris un sacré coup. Pas sûr qu'ils remettront Abraracourcix sur le pavois. Peut-être même qu'ils lui tomberont dessus à bras raccourcis...

Pas de quoi pavoiser

Tout monde au village gaulois aura remarqué d'ailleurs que le chef du village est réduit à jouer le rôle de la mouche du coche. Il parle, il parle, mais n'agit pas. C'est la faillite du politique. Le pouvoir avait coutume de s'appuyer sur la communication et les belles images. Or, c'est la faillite du récit. Plus de récit possible en ces temps de crise sanitaire où les certitudes volent en éclat. Aucune vigie ne voit plus loin que le bout de son nez dans ce brouillard épais.

Ce sacré Emmanuel-Abraracourcix a bien essayé de nous avoir au début en nous racontant une histoire : nous sommes en guerre et bla bla bla, faisons bloc, etc. Il ne manquait que le couplet sur le panache blanc qu'il nous faut suivre. En parlant de nez et de panache, France Télévision passait cette semaine Cyrano de Bergerac de Rostand dans une mise en scène de Podalydès. Cela avait une autre gueule ! Ah ! Il n'est pas joli garçon, notre Cyrano avec son immense nez. Ce n'est pas un beau gosse comme notre président. Mais quelle vaillance ! Quelle énergie ! Quelle force d'aimer ! Quelle ferveur et quelle constance dans la confiance et dans l'amitié ! Quel panache !

Ah ! Il peut toujours pavoiser, à coup sûr, notre chef des Gaulois ne fera jamais partie de son club : son nez est bien trop petit.

Passons tous à l'assaut des faillites, de toutes formes de faillites (sociales, écologiques, politiques, de souveraineté économique...) avec notre courage et nos idées ! Marchons d'un pas assuré si le gouvernement met en place correctement son plan TTI. Hein ? Kesaco le TTI ? Ne cherchez pas, c'est votre serviteur qui l'a baptisé ainsi : plan Traçage - Test - Isolement (TTI).

Cyrano chassant le mauvais comédien :

« Donc, je désire voir le théâtre guéri de cette fluxion. Sinon… (La main à son épée.) le bistouri ! » (Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand)

Cyrano agonisant :

"Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !


Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J’emporte malgré vous,
... et c’est…

- C’est ?…
Mon panache
. »

Citoyens, citoyennt, à vos masques !

Et surtout ; tous à votre panache !



5 réactions


  • gaijin gaijin 9 mai 2020 17:22

    " tous à votre panache !

    "

    sauf que les troquets étant fermés adieu picon bières panaches et demis

    le sanglier a la broche c’est cancérigène et la cuisine au beurre pas vegan

    restent les hamburgers hallal ....

    https://www.youtube.com/watch?v=Oh7Mn22wTaA

    amora déesse de la moutarde me monte au nez ...


  • Taverne Taverne 9 mai 2020 19:28

    La faillite du récit

    Cette impossibilité temporaire du pouvoir à tenir un récit cohérent le rend impuissant (la main passe au plan local et aux scientifiques...). C’est d’autant plus embêtant quand on se dit « en marche ». Le président a essayé de sortir sa carte de « chef de guerre » mais il n’y a pas de guerre contre la nature. Quant à la guerre en Afrique contre le terrorisme, elle bat de l’aile : nos soldats se font descendre et la France n’est plus en odeur de sainteté dans ces régions du monde. Il reste quoi à raconter ? Même les commémorations nationales font un flop.

    Sans récit, un pouvoir peut se maintenir et rester puissant. Ce fut le cas dans les sociétés sans histoire. Au lieu du récit, existaient des rituels, des mythes et des règles de sagesse.


  • Le421... Refuznik !! Le421 10 mai 2020 08:40

    Rassurez-vous, les soucis comptables sont réapparus prestement dans les hôpitaux. Certains services ont même été sermonnés pour « baisse d’activité en Mars-Avril »...

    Sans déconner.

    Ça m’étonnerais que les teckels relâchent le renard qu’ils ont mordu...


  • keiser keiser 10 mai 2020 10:25

    « et comprennent la chance qu’ils ont. Cette chance, ils veulent la conserver. »

    Avec toutes mes pérégrinations, j’ai bien conscience que de pouvoir entrer dans un hôpital sans être obligé de présenter sa carte bleue, est un avantage certain.

    Mais c’est sur le mot chance que je butte, ce n’est pas une chance mais une redistribution.

    C’est un peu comme la différence entre cotisations sociales et charges patronales.

    Ce qui ne m’empêche d’avoir apprécié ce texte. smiley


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