CLOVIS, Fondateur de la France. Volet N° 1
Qui est Clovis, ce personnage qui, par son baptême vers 496, va imprimer au cours de l'Histoire européenne une trace puissante et indélébile en devenant le fondateur de la monarchie franque ? Il succède en 481 à son père Childéric 1er, comme roi des Francs Saliens et entreprend de regrouper sous son autorité, toutes les tribus franques et tout le territoire de la gaule.
Vers 496, Clovis se convertit au christianisme.
Le baptême de Clovis reste, par sa portée politique, l'un des éléments fondateurs de notre pays. Cette décision d'importance capitale vaudra au roi franc, premier roi barbare converti, l'appui du clergé, l'encouragement de Constantinople qui lui décernera le titre de « patrice ». Une majorité de tribus gallo-romaines présentes en Gaule se ralliera à lui. Ce ralliement facilitera la fusion des populations indigènes – gaulois romanisés et germaniques – et débuteront des alliances matrimoniales au niveau de l'aristocratie.1
L'historiographie :
Paradoxalement à l'importance de cet événement, peu d'archives, peu de documents écrits de la main même de Clovis, constituent une difficulté supplémentaire pour les historiens désireux de se pencher sur la vie de ce roi franc. Mais il reste des pièces essentielles considérées comme des traces sérieuses pour que les historiens depuis le XIXe siècle se soient penchés dessus : un document écrit de la main même de Clovis qu'il adresse aux évêques de son royaume, six diplômes conservés, mais apocryphes. Il semblerait également que Clovis soit l'auteur d'un document établissant les premières règles de la loi salique2. Un anonyme de l'époque ayant rédigé le « prologue ». En général les rois et les empereurs ont tous laissé des monnaies frappées à leur effigie, mais de Clovis, point. Aussi, il est bien difficile de se le représenter physiquement, bien que les illustrateurs du XIXe siècle, nous en aient brossé un portrait conforme à la représentation classique du Germain de l'époque : blond aux yeux clairs, barbe et longue moustache, cheveux longs, la tête coiffée d'un casque. Il existe également une représentation de Clovis sur les fonds baptismaux, datant du XIIIe siècle. Également une tapisserie conservée à la cathédrale de Reims, datant du XVIe siècle, représentant le baptême de Clovis.
Mais c'est Grégoire de Tours3 qui nous apporte les plus grands éclaircissements sur Clovis, en entreprenant un travail d'historien, à partir des textes des annalistes du Ve siècle après JC. Ces récits sans fioritures sont rendus par ces même analystes profanes et religieux, dans un style sobre et réaliste.
L’œuvre de Grégoire de Tours
Elle est très importante et a fait de nombreux émules. Mais au moment où nous nous attendrions à ce que Clovis fût à travers les siècles sorti des « ténèbres de l’histoire », au vu de son rôle prépondérant quant à la construction de la France, eh bien, on peut dire qu'il a été quasiment « oublié » et que la gloire de Charlemagne, si chantée, célébrée, a malheureusement un peu occulté Clovis, pourtant fondateur de la monarchie franque. Il est, en effet, de bon ton de prétendre que Charlemagne serait le véritable fondateur de la monarchie franque. Or, ce postulat est faux. Clovis fait partie de « l'âge héroïque » de l'époque franque et son baptême ne peut être considéré avec légèreté quant aux conséquences politiques et la fondation de la France en tant que telle.
Avant de parler de Clovis, il s'agit de définir qui était ce peuple franc ? Franc veut dire « homme libre ». Selon l'historien Godefroid Kurth4, ce peuple jette « un germe de vie dans la poussière de mort où gisait l'humanité, et il a tiré une civilisation opulence de la pourriture de l'Empire. Devenu par son baptême le fils aîné de l’Église, il a fondé dans les Gaules le royaume le plus solide de l'Europe, il a renversé les orgueilleuses monarchies ariennes, il a groupé sous son autorité et introduit dans la société chrétienne les nationalités germaniques, il a humilié et tenu en échec l'ambition de Byzance... »
Godefroid Kurth rajoute : « Par son baptême, Clovis devient donc « Maître de l'Occident » et fonde une dynastie qui va permettre à Charlemagne, plus tard, de créer un grand État : la France », dont Clovis a jeté les fondations.
Voilà qui est dit. Car en une journée, - le jour de son baptême à Reims – Clovis tranche une bonne fois pour toutes, une question vieille de mille ans, la question romaine. Il offre à la papauté, un royaume que le manteau impérial de Charlemagne couvrira plus tard de son éclat, maître temporel du monde chrétien, ce, grâce à Clovis qui réunit, en recevant le St-Chrême, deux autorités : le roi et le pape.
Pourquoi donc prétendre que les racines de la France prennent corps dans la chrétienté ? Parce que le baptême de Clovis par le rayonnement européen qui s'ensuit, entraîne forcément avec lui, à travers les tribus franques, ralliées à Clovis, un legs commun. Et c'est à partir de ce groupe de peuples d'une même souche franque et chrétienne, que naît le Moyen-Age déjà profondément enrichi de ses racines gréco-latines ou l'épée se mettra au service de la croix : Gesta Dei per Francos.
Le génie franc :
le baptême de Clovis va jeter les bases d'une forme de pensée novatrice, issue de la vitalité intellectuelle et spirituelle de ce peuple franc. Il va mettre sur pied, la « scolastique », une méthode d'éducation de l'esprit moderne et qui va révolutionner la pensée occidentale. Plusieurs exemples de maîtres en scolastique nous viennent immédiatement à l'esprit et leurs « chefs d’œuvres » sur tout le sol d'Occident ont rayonné aisément à travers l'épopée carolingienne, aussi « haute dans leur inspiration que la pensée grecque, nous pensons immédiatement à leur équivalent grec avec Homère ».
Une pensée dont la grande vitalité a imprimé à notre civilisation son originalité qui se partage entre l'apport gréco-romain et la race franque. Pourtant, rien chez les Francs ne semblait présager une telle destinée. En effet, géographiquement, territorialement, ce peuple, ces peuplades prenaient source au-delà du monde romain. En Batavie5, plus exactement, et au moment où la civilisation gréco-romaine antique s'ouvrait au reste du monde, ces populations franques restaient plutôt « arriérées », c'est-à-dire en de ça des voies de communications, jusqu'à ce que ces tribus sortent de leurs territoires marécageux, pour des raisons souvent économiques et déferlent sur l'Europe. Ces tribus païennes et guerrières, qualifiées de « barbares » par les Romains pour qui tout ce qui n'était pas romain était donc barbare, ces peuples, vont s'extraire de leur état de barbarie où ils se trouvaient pour devenir un grand peuple ! C'est ainsi que, grâce à leur vitalité, va se révéler peu à peu, ce que l'on pourrait qualifier de « génie franc ».
La diffusion dans l'Empire de la chrétienté. Elle s'est faîte à travers l'Empire et par Rome.
Si les penseur romains, dans l'Empire romain, aux premiers siècles de l’Ère chrétienne, avaient décrété que par Rome commençait et finissait l'humanité – pour des siècles et des siècles – ce dogme politique a fait long feu. Les chrétiens des premiers siècles partageaient cet état d'esprit, même persécutés – et diffusaient à travers les « prophéties », cette pérennité de Rome. Et qu'après Rome viendrait la « fin de tout ». Les apologistes comme Tertullien, premier des écrivains chrétiens de langue latine, mort à Carthage, païen converti, exerce, notamment en Afrique du Nord, un véritable « magistère doctrinal » grâce à son œuvre « l'Apologétique », et le « Contre Marcion ». Même les chrétiens persécutés et condamnés devant leurs bourreaux, malgré la sévérité de Rome à leur encontre, continuent de louer leurs persécuteurs : « Comment pourrions-nous être les ennemis de Rome, alors que nous décrétons son éternité tant que durera le monde ?
Ils ne renient rien de la grandeur de l'Empire, bien au contraire, ils continuent malgré leur martyre, de faire son apologie.
Cependant, à mesure qu'avance la chrétienté et que pavoise le Capitole, les persécutions envers les chrétiens disparaissent et rendent l'Empire beaucoup moins odieux à une grande partie de ses sujets, les persécutions des chrétiens étant particulièrement cruelles. La chrétienté se répand graduellement dans le reste de l'Empire, ses territoires lointains ou proches, de l'Afrique aux confins de l'Asie mineure, sous l'influence des Évangiles, et dans une Rome pacifiée mais terriblement vieillissante. Alors s'empare de l'Empire et de ses populations, une religiosité pleine de vivacité, les conversions se multiplient – et une société politique nouvelle surgit et bientôt se confondent deux images qui vont refaçonner l'Occident : deux royaumes étroitement imbriqués l'un dans l'autre : deux éternités ! L'Empire romain et le royaume de Dieu ! Une sorte de synergie des intelligences se développe autour de ce postulat hautement raisonné et matérialisé par des apologistes chrétiens. Retenons le nom de Sidoine Apollinaire, entre autres. C'est d'une même foi en ces deux entités étroitement mêlées que cheminera dorénavant l’Église chrétienne au rythme de l'Empire romain christianisé.
A travers l’Église chrétienne, Rome tentera de se préserver, toujours animée par la conscience qu'elle a de sa grandeur passée, mais appréhendant « avec terreur, ses maux futurs et la rude leçon des événements passés ».
C'est une mutation civilisationnelle sans précédent où le culte chrétien ne fera que croître et gagner en ferveur avec un enthousiasme débordant. Débordant partout où les Limes romaines ont marqué les limites de l'Empire.
C'est vers le 3eme siècle après J.C, que l'Empire s'affaiblit considérablement, et la puissance des barbares devient phénoménale. Rome se meurt, mais pas la chrétienté, qui elle, trouve à travers les conversions massives des barbares un regain considérable de vitalité et un incroyable expansionnisme. La chrétienté conquiert les tribus barbares avec d'autant plus d'allant, que désormais pour elle, une grand dilemme se pose : soit « tendre la main à l'avenir et donc aux barbares et leur avancée inéluctable sur toute l'Europe, ou se contenter des défroques de l'Empire romain, irrémédiablement condamné à terme ».
Elle tranche la question en sacrifiant Rome : ce seront donc les barbares !
A suivre.
1Source bibliographique : Encyclopédie Alpha.
2Loi Salique : source wikipedia. Code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe et le VIe siècle pour le peuple des Francs-Saliens. Il portait surtout sur le droit pénal et les compositions pécuniaires. L'objectif de la loi salique était de mettre fin à la faide ( versement d'une somme d'argent), et établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
3Grégoire de Tours : prélat et historien français. (né en 538 à Clermont-Ferrand, mort en 594 à Tours). Joua un rôle politique important en Gaule. Il est célèbre par son « Histoire des Francs », chronique du Haut-Moyen Age mérovingien.
4Godefroid Kurth : Clovis « la naissance de la France » – Éditions de Crémille – Genève. 1992.
5Batavie : ancien nom de la Hollande méridionale.