lundi 4 avril 2011 - par
Contagion surréaliste ou islamiste ? Une affiche catholique extravagante en Meurthe-et-Moselle
On n’en croit pas ses yeux, on se les frotte. Le diocèse de Nancy et de Toul en Meurthe-et-Moselle a choisi de promouvoir son appel de fonds annuel, anciennement nommé « denier du culte », par une affiche inattendue. Le dessin qui la remplit, est ni plus ni moins que la métonymie et la parodie d’un braquage : la bourse ou… la vie éternelle !
Un paradoxe de gros calibre
Sans doute une affiche doit-elle impérativement capter l’attention. Il faut avouer que les auteurs de celle-ci n’ont pas lésiné sur le calibre du paradoxe asséné. On sait que ce procédé retient l’attention par une contradiction apparente qui heurte les idées reçues, mais qui trouve sa solution pour peu, qu’après réflexion, on les dépasse.
1- Une métaphore qui est un amalgame
Une première métaphore est ici à elle seule un paradoxe, dont on se demande vite s'il n’est pas seulement une contradiction insoluble. Le symbole chrétien de la croix latine est utilisé radicalement à contre-emploi. Il est assimilé contre toute attente à un révolver : présenté à l’oblique sur fond blanc de mise hors-contexte écartant toute distraction, le poteau de la croix fait office de canon par intericonicité, et sa traverse, de crosse, serrée dans un poing à bout de bras. Un slogan gravé sur le canon lève, si besoin est, toute ambiguïté dans l’interprétation : « Ne désarmez pas. Donnez ! », lit-on.
Cette identification d’une arme qui inflige la mort, à l’instrument de torture sur lequel a été supplicié son fondateur, selon le Christianisme, pour délivrer précisément de la mort l’humanité, provoque une surprise à la mesure de l’éloignement sidéral entre les deux objets et leur concept. On touche au délire des Surréalistes pour qui la métaphore la plus belle reposait sur cet artifice farfelu. Ils donnaient en exemple cette hallucination de Lautréamont : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie » !
Une religion se prêterait-elle à ces papotages de potaches bohèmes ? Le symbole d’une religion non-violente, du moins dans son texte fondateur qu’est l’Évangile, est ici détourné en arme de poing qui fait feu. On cherche en vain la solution de cette contradiction irréductible. Une telle métaphore abusive s’appelle en fait un amalgame qui, au lieu d’aider à découvrir un objet inconnu en l’identifiant à un autre connu, vise au contraire à le défigurer jusqu’à le rendre méconnaissable.
2- Une seconde métaphore contradictoire et dévastatrice
Sans doute ne voit-on pas la cible visée par ce révolver extravagant qui tirerait seulement sa poudre aux moineaux. Les auteurs objecteront même que les fumées aux tendres nuances qui s’échappent du canon, forment des nuages célestes portant chacun le nom d’une valeur chrétienne : espérance, amour, justice, paix, tolérance, etc.
Mais cette seconde métaphore de fumées ou de nuages échappe aussi à leurs concepteurs et trahissent leurs généreuses intentions. Ces valeurs qui donnent leur nom à des volutes de nuages, ne signifient-elles pas qu’elles partent en fumée ? Après tout, replacée dans le contexte de l’Évangile chrétien, cette image illustre assez bien la logique de l’enseignement du Christ : « Tous ceux qui useront de l'épée, périront par l'épée ! » Les révolvers, en ce temps-là, n’existaient pas encore. Et de fait, les valeurs évangéliques ne résistent pas à un coup de feu.
Trois hypothèses explicatives
Comment expliquer alors pareille extravagance surréaliste de la part des autorités catholiques en Meurthe-et-Moselle, même si, c’est bien connu, l’argent est le nerf de la guerre ? Trois hypothèses viennent à l’esprit.
1- Infiltration ?
La première, qui paraît invraisemblable, serait une infiltration des services chargés de la communication diocésaine par des adversaires attachés à discréditer les dirigeants en place. Mais cela supposerait que cette affiche n’ait pas été soumise aux diverses instances compétentes et qu’elle ait reçu son « imprimatur » et son « nihil obstat » des seules mains de ses concepteurs jouissant de la confiance générale.
L’interview par le site du diocèse d’une dirigeante de l’agence de communication BBcom qui a conçu l’affiche, montre qu’il n’en est rien : tout le monde semble se réjouir de tant d’originalité ! L’image du révolver serait une traduction littérale d’un texte de Saint-Paul parlant du « glaive de l’esprit ». Et comme, le glaive n’a plus cours, on l’a remplacé par un révolver à la mode !
Comment ne pas se rendre compte qu’on ne peut pas toujours traduire en image sans la trahir une métaphore par mots ? « Tradutore Tradittore », dit un proverbe italien. Ce qui vaut pour les langues entre elles, vaut aussi pour les mots et les images qui sont deux langages différents : une traduction littérale de l’un dans l’autre expose au contre-sens et même au ridicule de la farce. Cette image en est un bel exemple.
2- Infantilisme ?
Une seconde hypothèse est celle de l’infantilisme. Par intericonicité, on reconnaît, dans ce dessin simpliste et simplet, l’usage familier des enfants qui, pour imiter les grands, s’inventent des armes imaginaires et jouent à la guerre ou aux gendarmes et aux voleurs. Un bâton suffit. Mais on est dans le pastiche ludique où l’enfant construit sa personnalité par identification aux adultes. Peut-on soupçonner les auteurs de cette affiche d’être demeurés à un stade de développement psychologique infantile ? À leur âge, il ne serait plus question de pastiche, mais d’une parodie de braquage qui signerait des déficiences mentales. On n’ose le croire.
3- Perte de discernement ?
La troisième hypothèse serait donc une perte de discernement dont les raisons échappent. Comment des gens sensés peuvent-ils offrir de leur religion l’image exactement contraire à celle de ses textes fondateurs ? Leurs ennemis ne feraient pas mieux, d’autant qu’ils n’auraient qu’à puiser dans l’Histoire pour rappeler les crimes de la Très Sainte Inquisition de l’Église Catholique, Apostolique et Romaine qui a sévi du 12ème au 18ème siècle.
Parmi les raisons mystérieuses de cette perte de discernement, on se hasarderait bien pourtant à en avancer une. Cette image guerrière qu’aucun indice d’humour ne tempère, ne doit-elle pas être replacée dans le contexte d’une montée en puissance des intégrismes aujourd’hui ? Par contagion ou émulation inconsciente, certains chrétiens n’en viendraient-ils pas à adhérer à des images de conduites violentes banalisées par un Islamisme intolérant et conquérant ? Rien n’est donc plus urgent que de réaffirmer en France les règles de la Laïcité telle que les définit la loi de 1905. Paul Villach