lundi 19 juillet 2021 - par hommelibre

Crue extrême du Rhin : nous avons déjà vécu cela

J'ai entendu sur BFMTV que c’était le réchauffement. Je ne le crois pas. Dans mon enfance j’entendais déjà parler d’immenses inondations. Mais cela ne prouve rien. Alors lisons, c’est écrit. 

Alternances météo

Beaucoup de gens, dans les pays développés, se pensent à l’abri des grandes catastrophes naturelles. À tort. Même l’Allemagne, pays organisé dont le sérieux est connu, n’y échappe pas. 

Pourtant les catastrophes ne sont pas nouvelles, ni même pires. Les aménagements réalisés dans le passé ne suffisent pas toujours à protéger une population qui s’est multipliée par un facteur 10 (ou 100) depuis 5 siècles. Les inondations rappellent aux urbains qu’ils vivent sur une planète plus grande qu’eux, plus forte qu’eux.

Mais pourquoi autant d’eau et de morts en Allemagne ? Le Rhin est connu pour ses crues hors normes. Celle de 1926, qui avait touché la Belgique et dont je parle dans un précédent billet, avait aussi inondé l’ouest du pays.

Un article de 1931 rappelle les furies du fleuve. Entre 1918 et 1926 les crues et débordements se sont succédés.

« En décembre 1919 et janvier 1920 se succédèrent deux crues formidables du Rhin ; la seconde, à Cologne, battit le record de janvier 1883. En mars 1924, ce fut autour de la basse Vistule à dépasser ses plus forts niveaux intérieurs ; puis, en novembre suivant, le Rhin se montra de nouveau très menaçant. L’inondation de 1925–1926 fut, comme on l'a déjà dit, la plus forte connu à partir de Coblence. »

On lit aussi ceci :

« En Europe comme ailleurs, les inondations viennent en série au cours de périodes plus ou moins longues et séparées par des intervalles plus ou moins éloignés. Ceci est dû à des caprices encore mal définis de l’atmosphère, qui concentre les averses dangereuses en 10, 15, 20 années successives et ne permet point leur retour durant les 10, 15, 20 années suivantes. Le déboisement et le reboisement n'ont rien à voir avec ces alternances. »

 

Histoire antiquaire

Les crues et inondations sont la norme. Elles font partie de la mémoire collective. Malraux mentionnait, dans Le Crépuscule des Dieux :

« Une nuit de la douzième année, l’inondation périodique noie le bétail, emporte les habitations. Soutenant sa femme, conduisant deux de ses enfants, portant le troisième, il s’enfuit dans la coulée de la boue primordiale. »

Inondation périodique : tout est dit. Les hommes n’ont eu de cesse d’aménager leur environnement et de se protéger contre les épisodes météorologiques extrêmes. En Suisse par exemple, le Valais est un canton si montagneux qu’il ne peut que subir régulièrement des crues cataclysmiques. 

Un document officiel (PDF ici) relate même l’Histoire de la protection contre les crues en Suisse. Le document recense les travaux réalisés et techniques utilisées depuis le XIVe siècle. Il est présenté par l’ancien Conseiller Fédéral Moritz Leuenberger, qui rappelle l’importance de l’étude du passé :

« L’histoire antiquaire vise à mettre en lumière et à préserver notre passé, notre identité. Les grandes corrections des eaux du Rhône, de la Broye, de l’Aar, du Rhin ou du Tessin ont arraché des terres fertiles aux marécages qui occupaient jadis les vallées basses, fortifiant ainsi les racines agricoles de la Suisse. »

 

... ni moins souvent

Un autre document fédéral helvétique reproduit une étude de l’Université de Berne : 1868 – Les inondations qui changèrent la Suisse.

On y apprend entre autres que les crues ont été répétées au XIXe siècle :

« En 1834, de graves crues touchèrent le Valais, les Grisons, le Tessin, Uri et Glaris. En 1837, l’Emmental fut le théâtre d’une crue centennale (cf p. 13). En 1852, l’Aar atteignit le niveau le plus haut jamais enregistré. Après la crue de 1868, les voix se multiplièrent déjà pour affirmer que les crues étaient devenues plus fréquentes. D’autres crues suivirent en 1876 (fig. 72), 1881 et 1886. »

Il n’y avait alors que le réchauffement naturel, et bienvenu suite au Petit Âge Glaciaire.

Les crues y compris extrêmes font partie de nos vies et de notre culture, du moins en Europe. Nous avons toujours dû faire avec. 

Aussi loin que les archives permettent de connaître notre histoire climatique et météorologique, nous avons déjà vécu cela, même pas moins fort, ni moins souvent. Rappelons-nous l’inondation centennale de Paris en 1910.

Concernant plus précisément le Rhin, ces informations rivalisent en dramatisation avec l’époque que nous vivons.

 

Débâcles désastreuses

L’extrait qui suit annonçait les inondations actuelles dans l’ouest de l’Allemagne. On peut et l’on doit pleurer les morts, mais il n’y a pas à s’étonner, comme il n’y avait pas à s’étonner des effets de la tempête Xynthia, qui étaient très prévisibles indépendamment des conditions météorologiques convergentes qui ont propulsé cet ogre atmosphérique à l'assaut du continent, là où les humains avaient une faille.

Pour le Rhin aussi c’était écrit :

« Les grandes crues de type « estivales hélvétiques » du bassin supérieur et moyen du Rhin furent nombreuses et redoutables : en 1480, vers la Saint-Jean, les riverains subirent une terrible inondation de Bâle à Cologne, inondation qu’on nomma le « déluge du Rhin ». Mêlée à celle de l’Ill en Alsace, l’inondation s’étendit autour de Strasbourg sur un rayon de 30km alors qu’en Haute Alsace on se déplaçait en barque de Rouffach à Brisach... 

En décembre 1740, après une année exceptionnellement pluvieuse, le pays d’Alsace - Bade ne forme qu’un lac entre Vosges et Forêt Noire : le Rhin atteint la cote de 6m à Bâle ! Durant les grands froids des hivers 1784 et 1789 ; le Rhin fut pris par les glaces, ce qui causa des débâcles désastreuses au moment du redoux : en charriant d’énormes blocs de glace, les eaux emportèrent des ponts et les inondations ravagèrent les villes de Mayence et de Cologne.

 

Risques futurs

Plus près de l’époque moderne, de grandes crues eurent lieu en 1925-1926, 1955, en 1983 sur le Rhin inférieur (crue de type « océanique d’hiver ») Mais les nombreux aménagements réalisés sur le fleuve au XIXè ont considérablement modifié les caractéristiques des crues. De plus l’ensemble des aménagements en Alsace au XIXè a bien canalisé le fleuve.

Mais ces endiguements, coupures de méandres, suppression des champs d’inondation ont un effet accélérateur sur la vitesse de l’écoulement et diminuent donc les temps de propagation des crues : ils ne les suppriment pas et les transfèrent vers le bassin inférieur avec le risque d’accroître les coïncidences entre l’onde de crue du Rhin proprement dite et celles de ses principaux tributaires. 

Il y a pour le futur des risques de ruptures dans la dynamique des cours d’eau, se traduisant par des reprises d’érosion et l’accumulation d’eaux dans les tronçons encore peu touchés par l’action des hommes. L’ère des aménagements rhénans semble donc être entrée dans une sorte de spirale, dont on mesure mal les conséquences à moyen ou long terme. »

 

Fortement pressenties

Ce n’était pas le réchauffement, c’était le climat, c’était ainsi. Nous l’avons déjà vécu. Même sans réchauffement post-PAG. D’ailleurs les responsables locaux ont prévu la situation de longue date : 

« On a un rideau de digues de hautes-eaux sur ce secteur. Elles sont aménagées à l’intérieur des terres pour contenir les débordements et éviter les inondations dans des villages avoisinants. La zone fait l’objet d'une surveillance renforcée. Car le Rhin est contenu dans des digues toute l’année, elles ne sont pas en eau, ce sont des digues sèches. »

Et à la question : faut-il s’inquiéter de crues répétées, la réponse est :

« Non, on a des années sans crue, et d’autres où on peut avoir deux ou trois épisodes. Par exemple, cette année, on a eu deux épisodes. Le pic de crue du mois de janvier, lié à un épisode de fonte des neiges avec des précipitations. Et sur ce mois de juillet, c’est juste les pluies. En 2018, on avait eu une crue, mais pas en 2019, et encore moins en 2020, qui était plutôt une année de sécheresse. C’est donc assez aléatoire. »

Il semble donc que les aménagements ont déplacé les problèmes d’inondation et accéléré le flux vers l’aval en supprimant les méandres et zones naturelles inondables. Les méandres des fleuves sont aussi nécessaires à la terre et l’eau que les boucles des courants jet le sont à l’atmosphère et à la répartition des pluies.

Il semble même que les dramatiques inondations actuelles étaient, sinon explicitement écrites, du moins fortement pressenties, comme mentionné plus haut : « L’ère des aménagements rhénans semble donc être entrée dans une sorte de spirale, dont on mesure mal les conséquences à moyen ou long terme.  »

 

 

Image 2 (clic pour agrandir), crédit Visite ma Tente. Autres images sur le site.

Image suivante : exemple de rectification du fleuve. Autres images sur ce site :

 

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24 réactions


  • sylvie 19 juillet 2021 11:13

    Le Rhin passe en Suisse ?


  • alinea alinea 19 juillet 2021 11:20

    C’est tellement évident ! Mais l’homme moderne perdrait sa dignité s’il faisait mine de s’adapter à son environnement ; l’homme moderne et technologique adapte le monde à ses besoins ; bon, quelques fois, ça rate ! et il se mord la queue en s’accusant lui-même d’en être responsable, à cause du charbon et du pétrole !

    C’est très vicieux.


  • Samy Levrai samy Levrai 19 juillet 2021 11:32

    C’est un peu comme le virus et sa propagande : quand il fait froid c’est le réchauffement, quand il fait chaud c’est le réchauffement, quand il pleut c’est le réchauffement, quand il fait sec c’est le réchauffement,... 


    • HELIOS HELIOS 19 juillet 2021 19:40

      @samy Levrai

      ben oui,...

       Quand ça ne marche pas il n’y a pas assez d’Europe il faut plus d’UE...
       Quand ça marche c’est grace à l’Europe, il faut donc encore plus d’UE....

      Elle n’est pas belle la vie ?

      Bon vous pouvez remplacer « Europe » et « UE » par « immigration » ça marche.
      mettez aussi à la place « députés LREM », vous verrez ça marche encore.


  • Gasty Gasty 19 juillet 2021 11:38

    @ l’auteur

    Les crues dont vous parlez ce sont produite en Juillet ?


  • sylvie 19 juillet 2021 12:04

    Toujours cette confusion, oui il y a toujours eu des inondations, mais pas à ce rythme


    • joletaxi 19 juillet 2021 12:14

      @sylvie

      d’près les données,il ne se passe rien de particulier sur la fréquence et ’intensité, ni des sécheresses, ni des inondations, mais à quoi bon les données ?
      j’ai vendu, il y a 35 ans, un superbe moulin , partie d’une abbaye cistercienne,car après 3 épisodes d’inondations cataclysmiques(on craignait l’effondrement de la voûte soutenant une partie du batiment, j’en ai eu marre.
      depyis ce moulin n’a plus jamais été inondé,preuve que le climat a bien changé non ?


    • alinea alinea 19 juillet 2021 12:17

      @sylvie
      C’est la fin du monde, Sylvie, c’est la punition divine : nous avons brûlé trop de charbon, et trop de pétrole.
      Il nous faut prier et nous déplacer à pied ; heureusement Zoe est là, et l’EPeiRe aussi : dieu nous a entendus.


    • Aimable 19 juillet 2021 20:45

      @joletaxi
      Votre nom de famille c’est probablement Climat  smiley


  • Hallo Bobo Hallo Bobo 19 juillet 2021 12:09

    Le Rhin n’est pas vraiment en cause lors des inondations de la semaine dernière dans l’ouest de l’Allemagne, la plupart des victimes sont à déplorer dans les vallées de moyenne montagne de l’Eifel et du Palatinat, situées en amont. Les pluies des semaines précédentes ont détrempé le sol, et les nouvelles pluies ont simplement ruisselées le long des pentes pour s’accumuler dans les ruisseaux et rivières en contrebas. À Altenahr, un des villages les plus touchés, le niveau de la rivière Ahr est monté de 50 cm à 5m74, dépassant le niveau de la plus grande crue enregistrée jusque là de plus de 2m.


  • MagicBuster 19 juillet 2021 12:18

    Un couple d’Alsaciens, M. et Mme Grippe ont une fille. Comment l’ont-ils appelée ?

    Réponse : Sheila (Parce que « ch’ai la grippe ») !!


  • jef88 jef88 19 juillet 2021 16:40

    Dans mes vallées vosgiennes le printemps 1948 a été marqué par des inondations ... Et POURTANT !

    Entre 1870 et 1914 les rivières avaient été recreusées et élargies pour que les usines textiles ne soient pas mouillées ! ! !

    La faute à la chaleur ? NON ! Je me souviens de février 1954 ou il faisait -35 °


  • Buzzcocks 19 juillet 2021 17:02

    Probablement la faute de Macron et de l’europe, c’est Philippot et Asselineau qui me l’ont dit ce matin au marché.

    De toutes façons, dès qu’il y a un pb, c’est la faute de Shengen et du traité de Rome.


  • ETTORE ETTORE 20 juillet 2021 09:25

    ,Voyez vous, il se trouve que les cigognes, ont plus de mémoire que certains humains ( enfin...Ceux qui se force à oublier, pour faire de la place à de nouveaux rêves imposés )

    Il se trouve que dans notre région, ce que l’on appelle le Ried, est ni plus ni moins, un système d’épandage des crues du Rhin, qui a longtemps servi à l’alimentation de ces oiseaux ( entre autres).

    Mais quand, on limite ces « zones d’épandage » pour diverses raisons

    « urbanistiques » ou « agricoles » en gardant un minima de ces polders absorbants, on ne peut que se retrouver face à de telles conséquences.

    La nature se joue des plans des hommes .

    Quand je me rend sur certains barrages de ce fleuve majestueux, et que je regarde les chutes d’eau, je comprend comment la nature est généreuse avec nous, de ne pas rompre cet équilibre instable que nous lui imposons .


  • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 20 juillet 2021 09:27

    @hommelibre,

      En effet, les inondations ne sont pas neuves.

      Mais à chaque fois, c’est la surprise.

      La modernité n’as pas pu y remédier et parfois, elle a augmenté les phénomènes extrêmes.

      Aujourd’hui, c’est le deuil national en Belgique.

      


  • xana 20 juillet 2021 10:18

    Les hommes oublient vite. Et surtout les hommes sont avides de gagner toujours plus, par exemple en vendant des terres inondables comme terrain à bâtir. Et les journalistes ont toujours tendance à exagérer pour augmenter leur audience, là aussi leur rétribution en dépend.

    Bref, le problème n’est pas essentiellement climatique mais humain.

    Il est possible que le climat change, c’est même le contraire qui serait surprenant. Mais prendre des vessies pour des lanternes est le propre de l’homme, surtout devant sa télé.


  • charlyposte charlyposte 21 juillet 2021 07:58

    J’ai hâle d’entendre le grondement de tous les volcans en même temps, sans oublier la féerie via les couleurs de la lave et tous ces beaux jets à 500 m de hauteur.... la nature dans toute sa splendeur comme on aime smiley


  • DLaF mieux que RN ou Z / Ukraine nemesis 21 juillet 2021 08:21

    Il y en a même qui évoquaient un déluge mais, c’était il y a très-très longtemps !..?

    Ce qui a pu provoquer l’inspiration de celui qui a conçu « Waterworld » un navet que je n’ai jamais vu... je préfère attendre la réalité !


  • JC_Lavau JC_Lavau 29 juillet 2021 14:57

    Depuis le 25 juillet, j’ai un article « en modération » : Une preuve de plus, par les filtres solaires

    Encore que depuis, je n’ai encore vu aucune notification, et n’ai jamais vu figurer cet article en modération.

    Est-il également invisible à tous les autres ?


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