De l’origine de nos églises et de nos cathédrales pour que ne se perde pas le sens de notre histoire. Saint-Jean de Lyon
2019. Après l'incendie de Notre-Dame de Paris. Denis Valode, patron du plus grand cabinet d'architecte privé en France réagit : On invente une querelle entre les anciens et les modernes qui n'a pas lieu d'être et n'a aucun sens... La solution la plus simple, la plus évidente, est de répliquer la flèche. Lorsque Viollet-le-Duc l'a construite, il a dû l'inventer, faute d'avoir dans ses mains les plans d'origine... (Le Point).
Au XIX ème siècle, quand la cathédrale Saint-Jean de Lyon menaçait ruines, l'architecte, Tony Desjardins donna un élan inédit à sa restauration. De son point de vue, non seulement les travaux doivent rendre à l'église son aspect médiéval, mais cet aspect est à sublimer pour faire de Saint-Jean une « cathédrale idéale » reflétant l'esprit gothique du xiiie siècle. Ces travaux de modification de l'aspect de la cathédrale comprennent un relèvement de la charpente et l'ajout de flèches. Devant les critiques virulentes, ils ne sont pas tous réalisés (Wikipédia).
Ces deux cas concrets devraient inciter les responsables du patrimoine à revoir sérieusement l'origine et l'histoire de nos plus anciennes cathédrales ; ceci avant d'engager des sommes considérables pour leur restauration.
La cathédrale Saint-Jean de Lyon n'aurait-elle été construite qu'en 1175 ?
Voici, pourtant, ce qu'écrit Sidoïne Apollinaire dans une lettre de 470 : On vient de bâtir à Lyon une église dont la construction en est venue à son point d'achèvement grâce au zèle de l'évêque Patiens, cet homme à la fois saint et actif, sévère et compatissant et qui, par son immense générosité et son humanité envers les pauvres s'est montré capable d'élever l'édifice non moins altier d'une conscience sans reproche.
Suit ensuite un texte tellement poétisé que les meilleurs latinistes ont renoncé à en donner la traduction. Faut-il accepter les affirmations des archéologues qui nous affirment avoir retrouvé la trace de l'église de Patiens sous l'actuelle cathédrale ? Je ne sais pas, mais dans ce cas, où sont les vestiges de cette église primitive ? Où sont les textes qui témoigneraient de sa complète destruction ? La logique ne veut-elle pas que le monument ait été conservé dans son essentiel quitte à l'agrandir, quitte à le déplacer, au moins son sanctuaire, en le conservant tel quel (ce qui suppose dans ce cas un démontage et une réinstallation à l'identique).
Mon essai de traduction : Le sanctuaire du temple s'illumine. Éclairé par une lumière qui traverse les arcades de sa façade et que rien n'arrête, il regarde en direction du soleil équinoxial. La lumière illumine l'intérieur et le soleil chargé d'or, comme attiré vers le plafond, vagabonde sur le métal en le dorant comme une couleur (le ferait).
Là commence la difficulté qui nous oblige à extrapoler au risque de l'erreur. Des alignements de pierre aux nuances diverses parcourent la pièce, le sol et entoure les fenêtres. Sous une frise de figurines de couleurs variées court une végétation printanière ... Le texte devient ensuite incompréhensible, peut-être à cause d'une ou de plusieurs lignes qui manquent, je ne sais pas. Je fais l'hypothèse que Sidoïne évoque des corolles de fleurs dont les bourgeons de saphir se transforment en pierres précieuses en recevant la lumière du soleil à travers le vitrail vert pâle.
Partant de là, s'accole une triple galerie aux superbes colonnes d'Acquitaine. En plus de ce type (de galerie), les deux galeries (latérales) ferment (les espaces) du temple plus en retrait. C'est une forêt de pierre dont les colonnes disposées jusqu'au loin habille l'espace du milieu.
Nous avons là une quasi-photographie de l'intérieur de l'édifice. La triple galerie de Sidoïne correspond à la nef centrale et aux deux nefs latérales de la cathédrale. En toute logique, le poète met en exergue l'espace du milieu mais n'oublie pas de citer les espaces latéraux qui ferment la maison sur les côtés. Pour Sidoïne, les choses sont claires ; l'atrium est la partie du temple où les fidèles sont invités à venir prier ; le sanctuaire est la partie où seuls les prêtres ont accès.
Cette cathédrale Saint-Jean, même modifiée ou déplacée, pourrait donc remonter au V ème siècle et non au XII ème, notamment dans le sens qu'il faut donner à ses chapiteaux, des chapiteaux dont l'iconographie est beaucoup plus proche de l'iconographie gauloise que je défend que de celle de Cluny ou de Paray-le-Monial de vers l'an 900.
Au V ème siècle, Lyon est une ville encore gauloise mais chrétienne. Le bestiaire trop païen de l'ancienne religion gauloise a été pratiquement exclu de la nouvelle maison du Seigneur. Le pécheur animalisé et la femme coupable ont été chassés à l'extérieur du temple. Dans une position très inconfortable, ils subissent leur purgatoire, chevauchant éternellement le faîte des contreforts dans les rafales de vent et sous les ondées de pluie. Le sanglant chaudron gaulois est désormais utilisé pour baptiser le converti. Le cheval d'Epona conduit le cavalier sur la voie du salut, et le lion de Bibracte s'interroge sur une religion dont il n'a pas encore été totalement exclu. Tout le reste du décor est tourné vers un symbolisme de l'abstraction qui joue avec la lumière, qui ne veut évoquer l'idée de Dieu que par les rosaces, et son royaume par une véritable nature de pierre imputrescible qui pousse droit vers le ciel, et qui s'ordonne d'une façon parfaite, conformément à l'idéal platonicien. La cathédrale Saint-Jean marque la renaissance d'un style gaulois renouvelé que nos contemporains ont très malencontreusement appelé “gothique”, laissant entendre par là qu'il serait le fruit d'une culture germanique venue d'outre-Rhin. Ce style se caractérise dans son aspect général par la sobriété et la pureté d'une pensée gauloise en pleine évolution.
Dernière remarque. Sidoïne écrit que le sanctuaire voyait le soleii à l'orient équinoxial. Il faut comprendre que Sidoïne ne voyait apparaître le soleil au travers des vitraux qu'un peu après son lever, du solstice d'été au sostice d'hiver. Ce n'est qu'au XIII ème siècle que l'Eglise imposera une direction plein est. Avant le XIII ème siècle, la coutume était d'orienter les temples et les églises en direction du solstice d'hiver, quand les jours vont commencer à s'allonger et que l'année renait. Et, en effet, la cathédrale Saint-Jean, me semble-t-il, est bien orientée en direction de ce solstice.
Une cathédrale sans fléche et des chapiteaux dans la tradition gauloise.
Il est clair que les chapiteaux de Saint-Jean s'inscrivent dans l'héritage direct de l'iconographie et donc de la pensée éduenne ; cette pensée qui se trouve à l'origine dans les fresques de Gourdon, dans les chapiteaux de Chalon, puis d'Autun, puis de Vézelay. Nous sommes, à Lyon, dans une pensée refondatrice "retour aux sources", celle de l'évêque Patiens, telle qu'on peut la comprendre à travers les lettres et la conversion de Sidoïne Apollinaire.
J'expliquerai tout cela dans le prochain article que je proposerai à la modération : Moi, Gaulois de Chalon, antique Cabillo, je demande au pouvoir parisien, héritier des Francs, de bien vouloir m'entendre.
Emile Mourey, 28 avril 2019. Photos médieval.mrugala.net, 90a30.png, wikimedia commons, wikipedia