mercredi 20 février 2019 - par Fergus

De l’usage du mot « autiste » dans le débat politique

 

Régulièrement des parents d’enfant « autiste » dénoncent l’« usage dévoyé » de ce mot, employé le plus souvent pour qualifier l’attitude passive de responsables politiques relativement aux attentes de leurs administrés, et parfois celle de patrons à l’égard des revendications de leurs salariés. On peut comprendre cette exaspération. Mais peut-on réellement parler, comme le font certaines personnes, d’un « abus de langage » ?

Dans un très intéressant texte publié en 2006 sur le site Autistes dans la Cité, Daniele Langloys, présidente de l’association Autisme France, expose avec beaucoup de pugnacité les motifs de l’irritation que ressentent les parents d’autistes et les militants associatifs engagés dans le soutien à ces handicapés et à leurs familles. Des parents qui, la plupart du temps, évoquent des « idées fausses » sur cette maladie. Une méconnaissance à l’origine, selon eux, d’un « manque de respect » à l’égard des personnes atteintes d’autisme et, de ce fait, d’une souffrance pour leur entourage.

La préoccupation de Mme Langloys, comme celle des parents d’autistes, est évidemment compréhensible. Tout comme celle de ce militant qui, sur le même sujet, avait saisi la Halde il y a quelques années pour lutter contre l’emploi hors contexte du mot « autiste ». En vain ! La présidente d’Autisme France l’a constaté avec amertume par ces mots : « La Halde ne se sent pas concernée ». Pas concerné non plus le Défenseur des Droits à qui ont été transférées en 2011 les prérogatives de la « Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité », précédemment du ressort de la défunte Halde.

Contrairement à ce qui est affirmé ici et là de manière erronée, la France n’est évidemment pas le seul pays où le mot « autiste » est utilisé au sens figuré, en général pour dénoncer l’attitude des chefs d’état ou de gouvernement en fonction. Il suffit, sans aller chercher bien loin, de se référer aux articles et aux reportages des médias allemands, britanniques, espagnols ou italiens pour s’en convaincre.

Faut-il blâmer tous ces journalistes et opposants politiques qui emploient le mot « autiste » pour souligner l’absence de réponse des pouvoirs en place aux doléances exprimées par les électeurs ou par les caciques des partis adverses ? Non, car contrairement à ce que pense Mme Langloys, il n’y a pas d’amalgame « insultant » ou « injurieux » entre les personnes visées par les propos incriminés et les vrais autistes.

L’usage au figuré de ce mot est évidemment lié au fait que, face à un handicapé affecté d’autisme, la majorité des gens ressentent, non sans raisons objectives, l’impression d’être incapables de se faire entendre. La présidente d’Autisme France n’en est pas moins choquée au motif que, contrairement à un dirigeant politique, un autiste n’est « pas responsable » de sa passivité face aux sollicitations verbales, ce qui est parfaitement exact.

Doit-on pour autant condamner l’usage du mot « autiste » hors du contexte médical, associatif ou familial ? Pourquoi pas ? Mais un « autiste » en politique n’est-il pas un personnage « sourd » aux revendications, un dirigeant qui reste désespérément « aveugle » face aux difficultés économiques de ses administrés, un responsable délibérément « muet » sur les réformes réclamées par ses électeurs ? De tous temps et en tous lieux, les infirmités et les handicaps sont, par glissement sémantique, entrés dans le langage courant imagé. Il y a donc peu de chance pour que cet usage, né tout autant sous la plume des journalistes que dans l’expression verbale populaire puisse changer dans l’avenir.

Les autistes sont-ils, de ce fait, exposés à une souffrance ? Non, fort heureusement, car leur bulle mentale les protège d’amalgames qu’ils pourraient mal ressentir. Pas de bulle en revanche pour les sourds, les aveugles et les muets. Et pourtant, qui fait entendre sa voix pour dénoncer une référence à leur handicap entrée depuis des siècles dans le langage imagé ? À ces personnes handicapées, il convient en outre d’ajouter celles qui sont atteintes de maladies neuro-dégénératives affectant leur mémoire. Or, une promesse oubliée en politique, et voilà que l’élu coupable est affublé de l’étiquette d’« Alzheimer » ! Un emprunt en l’occurrence relativement récent dans le langage, comme c’est également le cas du terme « autiste », les noms de ces deux formes de handicap n’ayant été vulgarisés dans le public que depuis quelques décennies seulement : le temps de l’appropriation et du glissement sémantique.

Par chance, et malgré la défiance croissante qu’ils inspirent dans la population, tous les politiciens ne sont pas affectés d’un syndrome d’impuissance, de déni ou de duplicité qui les expose à des anathèmes publics. Il arrive même que certains d’entre eux soient plutôt habiles dans la conduite des affaires publiques pour lesquelles ils ont été mandatés. On dit alors de ceux-là, en puisant dans le même répertoire lexical, qu’ils ne sont pas « manchots » !

En conclusion, il n’y a évidemment pas la moindre intention malveillante à l’égard des handicapés dans l’emploi au figuré de mots qui renvoient indirectement à leur état physique ou mental. Mais il est compréhensible que certains d’entre eux, de même que des parents et amis, puissent en être irrités. Dès lors, il appartient à chacun d’en prendre conscience et, dans la mesure du possible, d’éviter d’utiliser dans leur expression, tant verbale qu’écrite, des mots qui peuvent blesser. Un sacré défi !

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111 réactions


  • Michel DROUET Michel DROUET 22 février 2019 07:39

    On savait déjà qu’il y avait des harceleurs, des obsédés sexuels ou bien encore des escrocs, condamnés par la justice.

    Il n’est pas exclu que parmi le personnel politique il y ait aussi des autistes, des schizophrènes, des bipolaires ou bien encore des narcissiques ce qui ne donne pas le droit à tout à chacun de poser des diagnostics.


    • Fergus Fergus 22 février 2019 07:59

      Bonjour, Michel DROUET

      Il est en effet probable qu’un certain nombre de responsables politiques soient peu ou prou des cas pathologiques.


  • alanhorus alanhorus 22 février 2019 12:15

    Merci pour l’article, en effet c’est un travers plus ou moins rentrer dans le langage, l’expression fut utilisée avant par françois Fillon qui va sans doute attaquer pour plagiat la ministre.

    https://www.youtube.com/watch?v=VsZAUCVuXm0

    « Je ne suis pas autiste », la phrase CHOC de François Fillon

    La vie d’une femme autiste asperger : Julie Dachez

    https://www.youtube.com/watch?v=mDqZ7dRth8c

    Au passage dans la fin de la vidéo elle donne le conseil : « ne soyez pas autistes vis a vis de vous même. » Donc cette expression est clairement compréhensible y compris par les autistes eux-mêmes.

    http://www.autisme.qc.ca/tsa/recherche/etiologie.html

    http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/autisme/ps_7344_autisme_origines.htm

    Dans les causes possibles de l’autisme il y a les métaux lourds aluminium mercure et les pesticides.

    http://autismesurordonnances.e-monsite.com/pages/metaux-lourds-neurotoxiques.html

    Or ces métaux et pesticides sont largement diffusés par chemtrails.

    Autre aspect du baphomet : kem chem la chimie ou l’alchimie.

    https://www.youtube.com/watch?v=PkUmfkcb6us

    le fameux être androgyne tant adoré des templiers.


  • Alien 23 février 2019 14:07

    Bonjour Fergus. Malgré beaucoup de bonnes intentions votre article est ambigu. Vous concluez qu’il faut éviter d’utiliser le mot dans ce contexte mais vous employez tout l’article à légitimer son usage en argurmentant qu’il ne s’agit que d’une expression à prendre au sens figuré. Soit.

    Par ailleurs il est totalement faux de dire que les personnes autistes ne souffrent pas des amalgames récurrents à leur égard. Je suis moi-même diagnostiquée TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme) et tout au long de notre vie nous souffrons de préjugés à notre égard : harcèlement scolaire et professionnel, incompréhensions, rejet, mépris, marginalisation, ect.

    Il est vrai que bien souvent nous avons du mal à comprendre les déclarations et intentions des autres personnes, surtout ce qui n’est pas exprimé de manière explicite, mais cela ne signifie pas que nous n’en souffrons pas, bien au contraire et cela génère chez nous beaucoup d’anxiété : souvent nous ne saisisons pas bien ce que l’autre a voulu dire mais dès lors qu’il manque le respect, le malaise est bien là et nous le ressentons.

    Et ce n’est pas parce que nous ne savons pas exprimer notre ressenti de manière normative et que nous restons souvent sllencieux devant l’insulte que nous n’avons pas d’emotions et de sentiments.

    Renseignez-vous d’avantage sur l’autisme et évitez de véhiculer des préjugés. Merci


    • foufouille foufouille 23 février 2019 14:21

      @Alien

      si tu ne lui met pas un lien, il ne comprendras pas du tout. surtout que l’on trouve des tas de trucs débile sur internet au sujet de l’autisme.


    • Fergus Fergus 23 février 2019 20:17

      Bonsoir, Alien

      « Vous concluez qu’il faut éviter d’utiliser le mot dans ce contexte »

      Je ne dis pas qu’il faut éviter mais qu’il serait sans doute préférable de limiter l’usage de ce genre d’image. Je ne suis pas sûr moi-même d’y parvenir !

      « il est totalement faux de dire que les personnes autistes ne souffrent pas des amalgames récurrents à leur égard »

      Vous êtes mieux placé que moi pour en parler. Si j’en crois les renseignements que j’ai pris en différentes occasions, il y a pourtant des formes d’autisme qui protègent de ce type de souffrance. Cela a notamment été le cas de l’enfant autiste d’un ex-collègue (j’ai évoqué son cas plus haut dans une réponse à hdelafonte, lui-même parent d’enfant autiste). 

      Je n’ai pas de préjugés sur les syndrome autistiques. Mais vous avez raison : centré sur la question du langage, j’ai utilisé dans l’article un raccourci maladroit. Je plaide donc coupable sur ce point et vous prie de bien vouloir m’en excuser.


    • Alien 24 février 2019 00:11

      @Fergus

      « Je ne dis pas qu’il faut éviter mais qu’il serait sans doute préférable de limiter l’usage de ce genre d’image. Je ne suis pas sûr moi-même d’y parvenir ! »

      Je ne suis pas certaine de saisir la nuance apportée mais c’est sans doute trop subtile pour moi. En tout cas ce n’est pas cet aspect de votre article que je trouve le plus discutable même si ce genre de métaphore n’est pas du meilleur goût.

      Par contre j’ai trouvé que l’expression « bulle mentale » comme forme de protection était inexacte parce que les personnes autistes ne sont pas du tout insensibles, comme le souligne aussi hdelafonte, et c’est la raison pour laquelle je suis intervenue. Si c’est sur ce point que portent vos excuses je les accepte volontiers.

      Dans les formes les plus sévères d’autisme (ce qui n’est pas mon cas) la personne a tant de difficultés à interpréter les paroles et les intentions d’autrui que peut-être elle ne se rend même pas compte des moqueries des autres et dans ce cas n’en souffre pas directement. Par contre il ne s’agit pas d’une sorte de « protection », mais seulement d’un défaut de perception. Lorsqu’elle en prendra conscience elle en souffrira comme toute autre personne humaine.

      Je ne prétends pas représenter toutes les manifestations du spectre autistique, qui sont très variées, mais je pense que vous avez dû mal comprendre ce qu’on vous a expliqué sur l’autisme. Je n’ai pas connaissance de personnes autistes qui seraient comme « immunisées » contre les insultes, les agressions ou toute forme de discrimination à leur égard. Je me suis bien renseignée moi aussi sur le sujet et je n’ai rien lu qui aille dans ce sens. Je suis par contre disposée à changer d’avis si vous nous fournissez sur ce point une argumentation documentée.

      La personne autiste souffre spécialement en situation sociale car les interactions humaines lui sont souvent indéchiffrables. En milieu protégé il est possible qu’elle soit moins exposée à ce stress et c’est peut-être le cas de l’enfant de votre ami. Si vous souhaitez approfondir le sujet de la souffrance et l’anxiété liée à l’autisme voici un article qui résume assez bien la problématique.


    • Fergus Fergus 24 février 2019 08:54

      Bonjour, Alien

      « Je n’ai pas connaissance de personnes autistes qui seraient comme « immunisées » contre les insultes, les agressions ou toute forme de discrimination à leur égard. » 

      Je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point : seuls les autistes, comme vous, qui ont une conscience développée du monde dans lequel ils vivent peuvent se sentir agressés par l’emploi du mot « autiste » dans un contexte imagé extérieur à ce qui constitue leur existence au quotidien. Le fils de mon collègue n’a d’ailleurs jamais manifesté la moindre réaction à l’emploi du mot métaphorique « autiste » dans les médias ! Et je suis bien persuadé qu’il n’a pas été le seul autiste dans ce cas.

      Le problème est que les autistes souffrent  je suis bien d’accord avec vous sur ce point  de leurs difficultés à appréhender les codes de la communication, aussi bien verbale que corporelle, ce qui est nettement moins le cas des aveugles et des sourds qui font plus facilement la part des choses entre l’emploi au sens propre  il est vrai multiséculaire des mots « sourd » et « aveugle » et l’emploi imagé de ces mêmes termes dans un contexte sans rapport avec leur infirmité.

      C’est ce que j’ai tenté d’exprimer, sans doute maladroitement. En pointant également du doigt le fait que l’usage du mot « autiste » dans le langage imagé est relativement récent. A cet égard, il en va de même pour « Alzheimer ». Là aussi, il est des malades qui vivent sans doute mal d’entendre des personnalités politiques traitées ainsi. Mais c’est loin d’être le cas général : la plupart des malades n’y prêtent pas attention, à l’image de l’une de mes soeurs, atteinte de la maladie d’Alzheimer et qui toujours restée insensible à l’utilisation métaphorique du nom de la maladie dont elle souffrait avant de décéder l’été dernier. 


    • Alien 24 février 2019 14:55

      @Fergus

      « Le fils de mon collègue n’a d’ailleurs jamais manifesté la moindre réaction à l’emploi du mot métaphorique « autiste » dans les médias ! Et je suis bien persuadé qu’il n’a pas été le seul autiste dans ce cas. »

      Voilà le point névralgique : ce n’est pas parce qu’une personne autiste ne manifeste aucune réaction dans une situation donnée qu’elle est sans affects face à cette situation. Par contre il lui est très difficile d’extérioriser et de communiquer son ressenti. De ce fait elle peut sembler insensible aux yeux des autres, il n’en est rien. Changez votre regard.


    • Fergus Fergus 24 février 2019 16:52

      @ Alien

       « il lui est très difficile d’extérioriser et de communiquer son ressenti »

      A ce détail près que l’on percevait très bien les moments où il ressentait une émotion, même ténue.

      « Changez votre regard »

      Sans doute dois-je faire un effort, ce à quoi je m’efforce. Mais vous même me semblez rester sur une position dogmatique consistant à affirmer que tous les autistes ressentent les mêmes types d’émotion (ou sentiments d’agression), ce qui est évidemment inexact, le spectre des syndromes autistiques étant très large entre (pour faire simple) les formes légères et les formes sévères.


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