samedi 9 janvier 2016 - par Automates Intelligents (JP Baquiast)

Des trous noirs aux trous blancs

Jean-Paul Baquiast 08/01/2016

Image : NewScientist

Nos lecteurs s'intéresseront particulièrement à ces hypothèses, car deux cosmologistes qu'ils connaissent bien notamment par leurs interventions sur notre site Automates Intelligents, y jouent un rôle très important. Il s'agit de Carlo Rovelli, de la faculté d'Aix Marseille, et de Aurélien Barrau, de la faculté de Grenoble.

En simplifiant la question, nous pouvons dire que leurs travaux, menés conjointement avec ceux d'autres théoriciens tel Hal Haggard du Bard College à New York, posent la question de savoir si en conjuguant théorie de la relativité générale et physique quantique, il ne serait pas possible d'éclairer la nature et le devenir des trous noirs. Ceux-ci, dont l'existence n'est plus discutée, posent une question insoluble dans la cadre de la relativité générale : que deviennent-ils lorsque après avoir capturé un nombre immense de particules, leur densité et la force gravitationnelle qui y règne deviennent telles que les lois de la physique, s'appliquant à notre univers, cessent de pouvoir s'exercer dans leur cas ? .Les théoriciens avaient nommé l'état atteint par eux une Singularité, terme qui n'a aucun intérêt en pratique puisqu'il décourage toute recherche ultérieure à ce sujet. Autant parler de mystère divin.

Le concept de Singularité présente cependant un intérêt, puisqu'il est utilisé pour désigner l'état préexistant au Big Bang, état dont serait issu notre univers. Mais il n'éclaire pas plus les questions relatives à l'origine du Bang Bang que celles relatives à l'origine ou au destin final des trous noirs. Dans les hypothèses dites des univers successifs, il est possible de supposer qu'un univers précédant le Big Bang aurait pu à la fin de sa vie se concentrer au point de former un état extrêmement dense (big crunch) dont aurait pu surgir notre propre univers. C'est l'hypothèse du rebond. Dans cette perspective, on peut imaginer que tous les trous noirs observés par nous pourraient à la fin de leur évolution donner naissance par rebond à des bébés-univers, participant d'un multivers que nous n'aurions en principe aucune possibilité d'observer. Encore faudrait-il préciser le mécanisme générateur.

La gravitation quantique à boucle

L'originalité de l'hypothèse formulée par Carlo Rovelli et ses collègues est qu'elle tente une synthèse entre ces deux grands domaines de la physique encore inconciliables, la physique einsténienne et la physique quantique. Carlo Rovelli, un moment associé avec le cosmologiste américain Lee Smolin également souvent cité sur ce site, a imaginé une synthèse entre gravitation et mécanique quantique qu'il a nommé gravitation quantique à boucles. Celle-ci, bien plus qu'un autre type de gravitation quantique dite Théorie des Cordes, pourrait résoudre, y compris un jour expérimentalement, la question de savoir ce qu'il advient du temps et de l'espace einsténiens quand ils atteignent des niveaux extrêmes de concentration. Dans l'hypothèse de la gravitation quantique à boucles, l'espace-temps serait fait de boucles très petites et enchevêtrées. Celles-ci n'apparaissent pas à un observateur éloigné, mais elles constituent des quanta d'un espace-temps ultime, ne pouvant pas être divisées davantage afin de former des éléments encore plus petits. Elles obéissent alors aux lois de la physique quantique.

Carlo Rovelli et Hal Haggard ont étendu en 2014 cette hypothèse à ce qui pourrait se passer à l'intérieur d'un trou noir parvenu à des degrés ultimes de concentration. Au lieu de disparaitre de notre monde physique sous la forme d'une Singularité, l'entassement des boucles en son sein deviendrait tel que le trou noir exploserait, ou plutôt rebondirait en éjectant des quantités considérables de matière. Le mécanisme responsable de ce changement d'état serait « l'effet tunnel » par lequel, au sein d'une réaction de type fusion nucléaire telle qu'elle se produit dans notre soleil, les noyaux d'hydrogène fusionnent en noyaux d'hélium et relâchent ce faisant des photons énergétiques. Le trou noir, pour ce qui le concerne, deviendrait alors un trou blanc (phénomène troublant selon une plaisanterie classique) d'une extrême densité. Le trou blanc renverrait dans l'univers toute la matière qu'il aurait accumulé précédemment. Resterait à préciser à quel moment dans la vie du trounoir et pour quelle raison se déclencherait ce changement d'état

Les flashs d'ondes-radio

Dans le cas de petits trous noirs primordiaux, tels que ceux créés lors du Big Bang, l'éjection de matière pourrait s'accompagner ou prendre la forme de phénomènes très rares observables de la Terre, dits flash d'ondes radio. ( burst of radio waves) Dans le cas de grands trous noirs, elle pourrait aboutir à la création d'un bébé-univers inobservable en principe de la Terre, avec ou sans émission de flashs. Il faut rappeler que dans un trou noir, le temps n'est pas le même que pour un observateur extérieur. Il est très ralenti. La transformation du trou noir en trou blanc pourrait demander des milliers voire des millions d'années, tout en paraissant quasi instantanée, sous forme de flash, à un observatoire terrestre.

Cette hypothèse pourrait permettre d'expliquer l'observation d'un radio flash intense faite le 2 novembre 2012 à l'Observatoire d'Arecibo. Elle pourrait permettre aussi de comprendre la raison d'une douzaine de flashs observés précédemment par l'observatoire Parkes en Nouvelle Galle du Sud (Australie). Elle ne donnerait cependant pas d'explication précise sur le fait que ces flashs n'ont été remarqués à ce jour qu'à l'Observaroire Parkes. Les mêmes hypothèses pourraient permettre d'expliquer certains des phénomènes plus fréquents, mais également mystérieux, dits flashs de rayons gamma, supposés jusqu'à présent provenir des confins de l'univers. Inutile de dire que beaucoup de cosmologistes ne sont pas d'accord avec ces hypothèses. Mais ils n'ont pas encore proposé de théories ou même de possibilités d'expérimentation permettant d'offrir d'autres explications, non seulement aux flashs, mais au destin des trous noirs et finalement aux origines mêmes de notre univers.

Pour notre part, et pas seulement par patriotisme, nous conseillons d'apporter la plus grande attention aux développements des hypothèses de Carlo Rovelli et Aurélien Barrau qui ne manqueront pas de survenir dans les prochains mois.

 



15 réactions


  • HClAtom HClAtom 9 janvier 2016 14:20

    Ah la science au conditionnel !
    C’est formidable tout ce qu’on pourrait faire en science, si ...
    Je suis impressionné.


  • Aristoto Aristoto 9 janvier 2016 20:34

    Teint si on arrive pas à rassembler ces deux théorie peut être y en a une des deux qui est fausse ?!


  • Reality 9 janvier 2016 20:55

    Merci pour l’article. Je retiens surtout « le big crush », qui rencontre mon intuition.
    Les précédentes hypothèses de trous blancs n’étaient-elles pas axées, plutôt, sur la connexion avec un univers parallèle, sorte de « négatif » du notre ? 
    Quand est-il de la résolution des équations mathématiques sur les trous noirs hyper denses, si vous disposez d’informations à ce sujet, je suis preneur.
    Bien à vous.


    • Automates Intelligents (JP Baquiast) 9 janvier 2016 21:31

      @Reality
      Sur les trous noirs et par répercussion les trous blancs voyez le livre de Aurélien Barrau, excellent : « Big Bang et au delà ». Je compte le chroniquer
      Sur les équations je suis bien incapable de vous répondre. Mais vous pouvez vous adresser par mail à Barrau, il est extraordinairement serviable.


  • Tokani Tokani 9 janvier 2016 23:05

    La créativité de Cosmos dépasse et englobe l’imagination des mythologies et les intuitions de beaucoup de religions.... 

    Relisons le prologue de St Jean par ex (1.1à13) ou Plotin....
    Immanence/Transcendance même réalité de l’Un.Multiple
    « Les Sciences sont des fouilles faites dans Dieu » V.Hugo

  • HClAtom HClAtom 10 janvier 2016 11:25

    Jean Paul,

    Hypothèses, basées sur d’autres hypothèses fondées sur des postulats.

    Si tu estimes que la théorie de la gravitation quantique à boucle « pourrait » être exacte, alors qu’elle n’a jamais prouvé sa valeur, tu me permettras de penser plutôt qu’elle « est fausse, jusqu’à preuve du contraire ». Je vais même m’avancer et te faire la prédiction que, non, nous n’entendrons pas parler de Rovelli et de sa mathaphysique, ni dans les prochains mois, ni plus tard.

    Théorie quantique à boucle, théorie des corde, des branes, des multivers, des univers rebondissants, ... Que des théories basées sur des montagnes de postulats plus indémontrables et invérifiables les uns que les autres. Nous somme là très loin de la science et de sa rigueur.

    Mais comme toi je peux me tromper. Je te prends donc aux mots, et attend de cette année 2016 qu’on nous annonce que Rovelli a résolu le grand problème. Nous verrons bien lequel de nous deux est dans le vrai.


  • HClAtom HClAtom 10 janvier 2016 11:50

    J’ajoute que je me permets d’être critique car je suis le découvreur du théorème de la cinématique keplerienne (TCK) qui a trait à la gravitation. C’est un théorème, pas une théorie, chacun peut vérifier sa validité, comme on peut le faire à propos du théorème de Pythagore.

    Et chacun peut l’utiliser et en tirer profit, pas « peut-être dans les mois qui viennent », mais tout de suite. A titre d’illustration j’ai mis à disposition un calculateur de rendez-vous spatiaux qui permet de calculer des trajectoires physiquement cohérentes (respect de la loi de Newton, vérifiable en téléchargeant les trajectoires modélisées) mais impossibles à calculer avec la loi de Newton (transfert de Lambert). Au résultat chacun pourra vérifier sur mon calculateur qu’une mission aller-retour vers Mars ne dure que 10 mois (au mieux), comprenant 3 mois sur Mars (ou en orbite). Ca ce n’est pas de la mataphysique, du « il se pourrait que », mais de la vraie physique opérationnelle résolvant des problèmes impossibles à résoudre auparavant. Mon calculateur permet surtout de s’affranchir très largement de la fameuse « fenêtre de tir », ce qui est un atout fondamental pour les vols spatiaux.

    Je me sens donc fondé à critiquer Rovelli car sa théorie quantique à boucle serait bien incapable de nous produire un tel calculateur.


    • jjwaDal jjwaDal 10 janvier 2016 12:22

      @HClAtom

      Dubitatif, je suis. Vous avez soumis je vois un papier en avril 2015 et je veux bien admettre qu’aucune agence spatiale ne soit tombé dessus.
      Quel retour avez-vous sur ce théorème de la communauté pouvant y trouver un intérêt ?
      Selon vous hors rapidité de rendez-vous spatiaux ou de mission au delà de l’orbite basse, voyez vous un avantage énergétique à suivre une trajectoire non prévue dans les « manuels » ?
      Dit autrement : est-ce que votre théorème implique une diminution du deltaV nécessaire pour une injection en orbite basse, de transfert géo, voire transmartienne par ex ?


    • HClAtom HClAtom 10 janvier 2016 14:43

      @jjwaDal
      Pour être franc, je rencontre beaucoup de scientifiques qui confondent théorème et théorie. Ce sont pourtant deux choses absolument opposées, l’une étant fondée et démontrée (théorème de Pythagore), l’autre étant une spéculation indémontrable basée sur un ou plusieurs postulats.

      Pour ma part, afin de ne pas perdre mon temps en des querelles théoriciste infructueuses, je ne fais pas de théorie, je cherche des théorèmes. Je préfère travailler à ce qu’il est possible de faire, si tant est qu’on soit encore capable de respecter les théorèmes de géométries.

      Pour ce qui est du delta V, je vous invite à le mesurer sur mon calculateur, il vous donnera la réponse. Pour aller vite, comme on le savait déjà grâce au transfert de Lambert, le temps et la poussée nécessaire sont antagonistes dans l’espace. Mon calculateur montre qu’on peut joindre Mars en 85j, mais le delta V total est 1.4 fois plus grand que pour un transfert de Hohmann (poussées initiales et finales incluses). Ce delta supplémentaire est cependant compensé par un vaisseau plus léger car contenant moins de vivres, oxygène, matériel que pour un voyage de 250 jours (transfert de Hohmann).


  • jjwaDal jjwaDal 10 janvier 2016 11:53

    L’idée d’un espace quantifié (lisse à notre échelle) fait son chemin, il semble. Le temps est une autre histoire.
    Le trou noir est décidément un curieux « dragon ». Si on en croit la relativité en principe pertinente jusqu’au domaine de Planck, plus on progresse vers le centre de cette masse et plus le temps se trouve extraordinairement ralentis, jusqu’à se figer (à notre échelle). Difficile alors de concevoir une évolution « hors temps » qui en ferait à notre époque des « fontaines blanches » qui logiquement diminueraient leur masse hors période d’accrétion. Le stade « trou blanc » est-il repoussé par les théoriciens dans un très lointain avenir (pour un observateur distant actuel) ? Il me semble qu’on a observé au moins un cas d’étoile à neutron orbitant un trou noir stellaire sans observer une dérive (tous effets relativistes pris en compte) résiduelle de ses paramètres orbitaux. Faut-il alors une masse critique pour aboutir au phénomène ? Ou bien est-ce que pour les théoriciens la perte de matière est négligeable sur une période courte et indétectable avec nos instruments actuels ?


  • Rounga Rounga 10 janvier 2016 13:40

    C’est troublant.


  • Aristoto Aristoto 10 janvier 2016 17:44

    les trou noir n’existe pas...ce qui existe se sont des sources de rayonnement x et gamma inconnue.

    A moins qu’on ait appelé trou noir tout rayonnement x ou gamma provenant de l’’espace.

    Le seul trou noir qui existe est celui dans le quel les astronome et astrophysicien vogue depuis des décennies. smiley


  • Automates Intelligents (JP Baquiast) 10 janvier 2016 21:20

    Chers lecteurs, toutes vos observations m’éblouissent par leur compétence. - même si elles me paraissent abusivement critiques de Rovelli et autres. Je n’essaierai pas ici de les discuter.
    Je vous renvoie par contre à la 2e édition de« Big Bang et au delà » de Aurélien Barrau, que je suis en train de présenter à votre attention dans quelques jours.


    • christophe nicolas christophe nicolas 10 janvier 2016 21:33

      @Automates Intelligents (JP Baquiast)

      C’est de la pub ?

      Avez vous une seule preuve de l’existence d’une quatrième dimension d’espace ? En revanche on sait faire des raviolis, ça oui ! On est bien dans la spéculation qu’on ne peut pas vérifier, qui est improbable, qui n’a aucune utilité alors qu’il existe plein de sujet intéressant.

      Le plus grand mérite de cette théorie est qu’elle n’est pas raciste, le reste, c’est de la propagande pour avoir des sous.

Réagir