Deuil National
Deuil National
Trois jours de deuil national.
Je suis assez ignorante, je ne sais pas ce qui nous vaut ça : le nombre de morts ? La cause ? L'horreur ? Pourquoi pas après tout : toute manifestation festive est interdite jusqu'à lundi.
Voilà le petit mot de la mairie que j'ai reçu ce matin :
« Le Président de la République a pris, hier, un décret pour déclarer 3 jours de deuil national à savoir samedi 16 juillet, dimanche 17 juillet et lundi 18 juillet 2016 afin de rendre hommage aux victimes de l'attentat commis à Nice le 14 juillet 2016.
Le Préfet du Gard a de son côté demandé l'annulation ou le report de tout évènement festif ou toute réjouissance publique organisés sur la commune pendant cette période de deuil national.
Par solidarité avec les familles des victimes, je vous demande donc de respecter ces consignes.
Avec mes remerciements.
Le Maire »
J'ai lu beaucoup d'articles et de commentaires sur le sujet ; rien de bien nouveau, les gens savent, mais pas la même chose. Or dans ces deux visions, je n'en vois qu'une.
On a attenté à des vies, il y a eu meurtre de masse à un moment festif de notre calendrier. Le meurtrier est maghrébin, on ne sait pas bien si son père est un radical , là-bas en Tunisie, ou bien si on s'est trompé de gus puisqu'il semble qu'ils soient nombreux à porter le même nom.
Sans savoir, on peut deviner : le mode opératoire ne ressemble pas aux derniers attentats en Europe, mais un peu à celui d'Orlando. Un homme seul qui pète un plomb, pourquoi pas.
Seulement il y a le passage à l'acte, et là où les deux versions se rejoignent à mon sens, c'est bien que ce passage à l'acte est facilité, sinon encouragé, par l'ambiance d'une part, la violence partout, au cinéma, à la télévision, dans les vidéos regardées par des millions de personnes, celles envoyées par les tortionnaires en Syrie, dans les jeux , au point qu'il devient difficile de faire la différence entre scénarios, jeux et réalité. Notre réalité ? Virtuel. L'écran, les écrans nous en donnent la teneur. Le petit Allemand qui s'est suicidé en pilotant son avion, trouvant sans doute plus remarquable d'entraîner avec lui dans la mort plusieurs dizaines de jeunes, n'était pas musulman, n'était pas un fanatique du suicide religieux, pourtant, son pétage de plomb a pris une dimension spectaculaire.
Ah, le spectaculaire ! Une société où il n'y a plus d'intimité, où le moindre ébat se filme et se publie, où même le suicide ( celui de cette jeune fille se jetant sous les rames du métro) se filme et se publie, où l'être n'existe pas s'il n'est pas filmé et montré à la foule qui accourt comme au bon vieux temps des exécutions publiques.
Et ce passage à l'acte est facilité d'autre part, parce que, inscrit ou pas sur les listes d'émargement djihadistes, le meurtrier potentiel trouve, non seulement l'idée mais le sens d'un acte fou dans le sacrifice, et, bien sûr dans l'élimination du plus grand nombre de mécréants possible. Ainsi, même un acte terroriste – qui sème la terreur- qui n'aurait pas été fomenté en Syrie par les têtes pensantes de l'EIL, mais dans le secret d'une piaule française, aura, non seulement le même résultat mais appartiendra à la même famille de conception de la vie, de sa morale et de son ordre. Celui-ci avait des kalach en plastoc et n'a pas donné, enfin d'après ce qu'on en sait, un petit coup de fil en haut lieu pour signer son œuvre comme l'homme d'Orlando.
Pour Nice, nous ne savons pas, du reste nous n'en savons jamais que ce qu'on nous en dit, surtout les premiers jours. Mais une chose m'étonne et m'interroge.
Admettons que la folie meurtrière de cet homme n'ait aucun rapport avec l'EIL, même dans son imaginaire ( comme le savent certains), pourquoi le gouvernement tiendrait-il tant à nous faire croire le contraire ? Il ne saurait pas, ce gouvernement, toutes les analyses, et des plus sérieuses, je veux dire pas le complotiste du bistrot du coin, qui font un lien direct entre sa politique d'ingérence au Moyen-Orient d'un côté, et ses troubles amitiés de l'autre, sa politique intérieure excluant de manière brutale le bas de l'échelle sociale comme par hasard immigrée ou fils de, sa politique d'austérité et tout ce qui s'ensuit et l'engouement aussi soudain que suspect de ces jeunes qui se mettent courageusement en route vers le paradis après avoir fait ce qu'il faut pour le mériter ?
Ainsi, tous, ils ignoreraient ce que le peuple sait ? Car l'affaire Mérah, bien que subrepticement passée aux oubliettes de l'Histoire, a laissé des traînées de doute sur les Services Secrets, les anomalies chez Charlie a enflammé l'imaginaire des adeptes des attentats sous fausse bannière et si je me souviens bien, au Bataclan, on aurait vu des hommes... puis plus. Aucune personne du gouvernement n'aurait donc d'écho de ce qui se dit dans la basse cour ? Sinon, ils sauteraient sur l'occasion pour dire que c'est l'acte d'un fou.
À moins, et ce serait encore pire, car ils nous prennent pour des cons, et jusque là ils ont eu raison de le faire puisque certains d'entre nous en redemandent, qu'ils pensent nous faire croire que l'ennemi est proche, l'ennemi est là, il faut l'État d'urgence, évidemment, la surveillance de nos débordements sur internet, mais il faut surtout venir à bout de Bachar el Assad, celui par qui le malheur est arrivé, estourbir Poutine, complice et retors sans parler du reste, mais caresser Erdogan, mais décorer les Séouds mais offrir la France au Qatar, mais aussi, ou peut-être surtout, se mettre sous la protection de l'oncle Sam si puissant. Je sais bien que Fabius, peut-être, affirmait que le Qatar ne finançait personne et que l'Arabie était nos frères et que nos frères sont hors de tout soupçon. C'était au temps où il était allé vendre nos bijoux aux Princes Héritiers.
Aussi, je vois plutôt une pétaudière d'incompétents au bord de la crise de nerfs ; ils ne tiendront pas un an. Emberlificotés dans des buts et des petits arrangements absolument incompatibles avec ce qui nous reste de démocratie, quoiqu'ils disent quoiqu'ils fassent, ils se grillent.
Mais, si nous étions une infime minorité à être informés, nous divisant pour être mieux dominés, si l'immense majorité de nos concitoyens croyait que notre gouvernement fait tout bien pour nous protéger, nous défendre et que nous n'avons plus que nos yeux pour pleurer nos morts, alors là, alors là, ce serait la fin de tout.
Mais, pour accréditer cette thèse, il semble en effet que le petit peuple soit plus attiré par les nouvelles choc, les images choc, les rebondissements choc, les théories choc, comme il regarde un spectacle qui ne le concerne en rien sauf à le faire vibrer, lui donner des sensations fortes, mais si étranger en tout cas qu'il n'y peut rien mais s'esclaffe et s'exclame devant chaque petit bout de complot mijoté ou bien de trahison préméditée ou bien d'un plan ourdi voilà bien longtemps car au fond, qu'on croit le gouvernement honnête ou que l'on s'attache à sa malhonnêteté, on reste des spectateurs même si certains commentent. Et les spectateurs ne sont pas bien dérangeants, ils peuvent siffler le spectacle ou envoyer des tomates, mais ils ont payé, et leur humeur n'est pas dangereuse. J'ai même vu des complotistes parler de mannequins, en guise de cadavres... nous arrivons au bout de la société de communication, de l'ère de l'information ; d'ici peu, tout le monde sera fou car personne ne s'est su assez humble pour comprendre que notre cerveau disjoncte, lui qui a gardé sa lenteur, dans la tourmente des contradictions et le torrent des boues nouvelles chaque jour.
Aussi suis-je très inquiète sur le chemin que parcourent les miens, qu'ils soient dans l'ignorance que donne la propagande, qu'ils dénoncent les mensonges sans en chercher la raison, qu'ils croient au complot sans le décrire ni en définir l'intérêt, qu'ils propagent des infos douteuses ou qu'ils prennent notre monde pour une source chaude d'inspiration, je ne les vois que prendre des détails et les arranger dans l'ordre qui valorisera leur portrait. Un portrait qui a besoin de laisser dans l'ombre beaucoup d'incertitudes pour pouvoir briller. Mais le plus affligeant est qu'ils prennent nos dirigeants pour des êtres extraordinaires qui suivraient le tracé d'une voie lactée inventée par plus grands qu'eux encore, même s'ils s'avèrent pas si mauvais jongleurs ou plutôt pas si mauvais prestidigitateurs, alors que ce sont eux qui les regardent mal, tout occupés qu'ils sont à se mirer, à brandir leur propre image. Alors que ce sont eux qui sont simplement obnubilés par leur vérité qu'il leur faut bien transmettre.
Trois jours de deuil, ni concerts ni théâtre, ni fêtes, ni réjouissances, pour compatir, ou nous punir ?
Nous sommes tous Niçois cette fois ?