Dîner de cour et dîner de gueux - Pamphlet - deuxième partie
L’amphitryon reçoit.
Tout flamboie autour de lui, cristaux, porcelaines, chaises de grand style, bronzes et argenterie.
Et tous les loufiats à son service qu’il loue pour l’occasion sont là, en tenue. Avec les riches, tout est facile. Invités cartonnés, du moment que l’adresse est discrète, le lieu reste secret… Fermé !
- Fermé comme une tombe ! promet notre amphitryon, à ses invités qui comptent sur la discrétion.
Sauf qu’en cet an de grâce 2021, la tombe s’entrouvrit et au fond de cette tombe, un œil, l ’œil malicieux d’un journaliste – Et l’œil était dans la tombe entrouverte et filmait... les larbins larbiner, préparer la réception et commencer à recevoir les invités.
Les habitudes de l’entre-soi restent légitimes, qu’avez-vous à récriminer, les gueux ? Pas contents ? On a bien le droit de s’amuser, de s’amuser vraiment ! Parce que toutes ces petites sauteries autour des bulles de champagne qui dansent dans les flûtes, c’est du plaisir savouré, tous ces homards qui offrent aux regards gourmands leur rougeur mitonnée, tous ces amuses-gueules, ces langoustes grandes comme des avant-bras, ces coupes débordantes de caviar, dont on pourrait entendre comme si l’on y était, le craquement discret de la dent qui mord le canapé, ou le bruit de succion de la langue sur la cuiller d’argent remplie de caviar…
Oh ! Oui... Quelle lampée, quelle sustentation…
Car une cuiller chez les becs fins se veut d’argent, comme Napoléone Buonaparte l’Impérator vénéré de l’amphitryon, aimait le son du clairon. A chacun son son ! A chacun son zonzon ! Et tout finit par des chansons chez l’amphitryon, alors que les gueux n’ont plus le cœur à rien, même à pousser la chansonnette.
Chez l’amphitryon, nous sommes bien chez des gens sérieux qui ne font jamais rien à moitié.
Même leurs cris énamourés et retentissants, après deux ou trois verres de tût tût en règle, lorsque l’amphitryon tourne et s’enroule autour de ses invités comme un joyeux serpentin et les bise ! Les presse ! Les palpe ! Les serre contre lui, c’est physique ! C’est de la chaleur humaine à revendre ! Pas de distanciation sociale pour nous ! Ce serait du plus mauvais goût ! Tout le monde s’aime ! Tout le monde s’aime ! On tûte, on danse, on rit… Que la vie est belle chez les becs fins !
On s’aime ! On s’aime ! Sauf que... L’œil de Caen et sa p’tite caméra cachée, toujours dans la tombe entrouverte, eux… Sèment la merde ! Et ne va pas tarder à en éclabousser une grande partie de tout ce brillantissime aréopage digne des plus grandes heures de gloire de la république, depuis qu’elle est devenue adepte de la banane, d’où le nom familier donné au régime… République bananière !
Et le gueux, lui, assistera, médusé, au déballage du scandale. Agapes royales qui n’auront pas tardé à être étalées en avant-scène, les arrières, du coup, très fragilisées par le retentissant scandale de cette assemblée de rombières et de rombiers, qui, d’un claquement de doigt pouvaient croire en l’invulnérabilité de leur oseille à gogo.
L’amphitryon comme un chat leste retombant sur ses pattes, choisit sa protestation chez l’espèce des poissons volants !
- Poisson d’avril ! Poisson d’Avril ! clame-t-il à la cantonade. Mais par les temps qui courent, le poisson d’avril n’a plus la côte. Il ne lui reste plus que les arêtes des souvenirs d’enfance. Il eut beau faire état de son poiscaille printanier, personne n’y crut. Alors, toujours dans le domaine gastronomique, il conclut : - Vous ne m’avez pas cru, alors je suis cuit !
Pendant que les gueux, eux, dans l’entre-soi de l’indigence et l‘indifférence de la gente au bec fin, devant leur écran télé, écoutaient pour la énième fois les salves du ministère, leur asséner le port du masque, le vaccin, le gel hydroalcoolique, la distanciation sociale, et… leur imposant le couvre-feu, le confinement, etc.
Pendant que le compte à rebours pour le passeport sanitaire vert avait commencé et autoriserait, au mépris de tous les principes de liberté fondamentale, aux gueux, vaccinés seulement, de continuer à vivoter, tels du bétail lâché de temps à autre, de leurs hangars.