jeudi 23 janvier - par Giuseppe di Bella di Santa Sofia

Du rebelle maoïste convaincu au tyran fervent musulman : le règne sanglant d’Hissein Habré au Tchad

Hissein Habré, dictateur déchu du Tchad. Son nom est synonyme de terreur, de torture et de massacres. Après des décennies d'impunité, son procès historique pour crimes contre l'humanité marque un tournant majeur dans la lutte pour la justice en Afrique. L'histoire d'Habré, c'est l'histoire d'une ascension fulgurante, d'un règne sanglant et d'une chute retentissante qui résonne encore aujourd'hui.

JPEG Jeunesse et ascension politique : le feu de la révolte

Hissein Habré (ou encore Hissène Habré) naît en 1942 à Faya-Largeau, au nord du Tchad, dans un contexte de tensions ethniques et politiques. Jeune homme brillant et cultivé, il poursuit ses études supérieures à Paris, où il se familiarise avec les idées révolutionnaires qui marquent l'époque, tout comme ce fut le cas pour Pol Pot, quelques décennies auparavant. Il manifeste alors un esprit rebelle et s'engage dans le mouvement étudiant, contestant le pouvoir colonial français et les gouvernements tchadiens qui se succèdent.

Animé par des idéaux révolutionnaires, il rejoint en 1965 le Front de libération nationale du Tchad (FROLINAT), un groupe armé qui lutte contre le gouvernement central. Son charisme et sa détermination lui permettent de gravir rapidement les échelons au sein du mouvement. Habré se forge une identité politique complexe, passant du révolutionnaire au maoïste convaincu, puis au fervent musulman.

 

Hissène Habré | Justice in Conflict

 

La prise du pouvoir et la mise en place d'un régime autoritaire

Après des années de guérilla et de luttes intestines au sein du FROLINAT, Hissein Habré parvient à s'emparer du pouvoir en juin 1982, renversant le président Goukouni Oueddei. Il promet alors stabilité et développement au peuple tchadien, épuisé par les conflits.

 

 

Cependant, le régime d'Habré bascule rapidement dans la dictature la plus brutale. Il instaure un climat de terreur, s'appuyant sur une police politique redoutable, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS). Les opposants politiques, réels ou supposés, ainsi que certaines ethnies, sont victimes d'arrestations arbitraires, de tortures systématiques et d'exécutions sommaires.

 

Les années de plomb : répression et guerre civile

Les années 1980 sont marquées par une répression brutale et une guerre civile sanglante. Le régime d'Habré est accusé de crimes contre l'humanité, notamment de massacres à grande échelle. Une commission d'enquête tchadienne estime le nombre de victimes à environ 40 000, tandis que des organisations de défense des droits humains avancent des chiffres bien plus élevés.

Parallèlement, le Tchad est en proie à un conflit armé avec la Libye de Mouammar Kadhafi, qui soutient des groupes rebelles. Hissein Habré bénéficie du soutien des États-Unis et de la France, qui voient en lui un rempart contre l'influence libyenne grandissante en Afrique. Cet appui international lui permet de se maintenir au pouvoir malgré les condamnations de la communauté internationale pour les violations massives des droits humains.

 

Hissène Habré : de Mitterrand à Saddam, quand l'étranger soutenait la  répression au Tchad

 

La chute et l'exil : le début d'un long combat pour la justice

En 1990, le vent tourne. Les forces rebelles menées par Idriss Déby lancent une offensive victorieuse contre le régime d'Habré. Contraint à l'exil, il trouve refuge au Sénégal, pays où la population musulmane est majoritaire, où il vivra pendant près de 25 ans.

La chute d'Habré ne marque pas la fin de son histoire. Dès les années 2000, de nombreuses victimes de son régime meurtrier, soutenues par des organisations de défense des droits humains, engagent des poursuites judiciaires à son encontre, tant au Tchad qu'au Sénégal.

 

Des familles de victimes de l’ex-dictateur tchadien Hissène Habré manifestent à Ndjaména, en 2005.

 

Un procès historique : la justice rattrape le dictateur

Après des années de procédures et de combat acharné, Hissein Habré est finalement arrêté au Sénégal en 2013. Son procès, qui s'ouvre en 2015 devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), un tribunal spécial créé par le Sénégal et l'Union africaine, marque un tournant dans la lutte contre l'impunité en Afrique.

 

Hissene Habre

 

C'est la première fois qu'un ancien chef d'État africain est jugé par un tribunal africain pour crimes contre l'humanité. Le procès est marqué par les témoignages poignants des victimes, qui racontent les atrocités subies sous le régime d'Habré.

En mai 2016, il est reconnu coupable de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de torture, et condamné à la prison à perpétuité. Ce verdict historique est salué comme une victoire pour les victimes et un symbole d'espoir pour la justice internationale.

Hissein Habré meurt en détention au Sénégal le 24 août 2021, à l'âge de 79 ans, des suites du Covid-19. Son règne, synonyme de terreur et de violence, reste gravé dans la mémoire du peuple tchadien.

 

 

L'histoire d'Hissein Habré, de son ascension fulgurante à sa chute et à sa condamnation, illustre la fragilité des droits humains et la nécessité de lutter sans relâche contre l'impunité. Son procès historique devant les CAE a ouvert une nouvelle ère dans la justice internationale, montrant que les auteurs de crimes contre l'humanité, même les plus puissants, peuvent être tenus responsables de leurs actes.



17 réactions


  • Furax Furax 23 janvier 12:46

    C’est le côté « Journal de Mickey »de l’histoire d’Hissène Habré. Quand on parle de renversement au nom des « Droits de l’Homme, il y a toujours un lézard...

    Ce n’était pas un tendre, c’est certain, mais le Tchad n’est pas un pays facile à gérer. Les 40 000 morts qu’on lui impute ont été causés par se services, il n’est pas responsable de tout...Il a été renversé par la France, pas pour ses exactions mais parce qu’il s’était acoquiné avec les USA pour entraîner 2000 prisonnier Libyens »retournés« et monter une expédition pour avoir la peau de Kadhafi. Paris considérait que c’était une ânerie, et Idriss Deby a pris le pouvoir, assisté par un membre de la DGSE, Paul Fombone. L’avocat US qui a poursuivi Habré de sa vindicte ne manque pas de culot. La »Piscine« lieu de torture redouté à NDjaména était »géré" par quatre militaires US !

    https://www.rfi.fr/fr/emission/20160924-tchad-libye-etats-unis-france-claude-silberzahn-haftar-kadhafi-cia-habre-deby


    • @Furax

      Effectivement, derrière la version officielle de l’histoire, il y a souvent des raisons beaucoup moins inavouables qui sont à l’origine de la chute de nombreux chefs d’Etat autoritaires. Celle que vous relatez est exacte. 

      De plus, Hissein Havré était un « enfant de choeur » si on le compare à Idi Amin Dada ou encore à Francisco Macias Nguema, certainement les deux tyrans les plus sanguinaires de l’Afrique post-coloniale.

      Dans cet article, j’ai voulu souligné qu’Hissein Habré a été le premier chet d’Etat africain à être condamné par la justice africaine, sans intervention étrangère, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il n’y a pas d’autre exemple, pour l’instant, et c’est bien dommage. 


    • microf 23 janvier 15:31

      @Furax

      Je voulais écrire exactement comme vous, merci d´avoir apporter cette claire et mise au point que l´auteur a « oublié » d´écrire dans son article.

      C´est pourquoi avant d´écrire un article, il faut lire et se documenter sur le sujet,
      j´espère que l´auteur ne recommencera plus de commettre ce genre de faute.


    • @microf

      Hissein Habré a été condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il s’agit du verdict d’une cour de justice africaine indépendante. 


    • microf 23 janvier 16:47

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      Vous avez raison, je l´avais oublié, cette cour de justice africaine était indépendante, merci.


  • Correction :  « il y a souvent des raisons beaucoup plus inavouables qui sont à l’origine de la chute de nombreux chefs d’Etat autoritaires. »


  • Com une outre 24 janvier 06:35

    Son procès historique devant les CAE a ouvert une nouvelle ère dans la justice internationale, montrant que les auteurs de crimes contre l’humanité, même les plus puissants, peuvent être tenus responsables de leurs actes.


    Voilà qui devrait inquiéter le Bibi israélien, candidat en pole position.


    • @Com une outre

      Vous oubliez Vladimir Poutine ? Lui aussi fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre, depuis plus longtemps que le Premier ministre israélien. 


    • Maître Yoda Maître Yoda 24 janvier 11:57

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      Zelensky ne peut pas faire l’objet d’un mandat d’arrêt, il est du côté des gentils.


    • @Maître Yoda

      Je n’ai aucune sympathie pour Zelensky et pour Poutine. Je déplore que cette guerre coûte beaucoup trop d’argent aux Français et aux Européens. Des millards d’euros dépensés pour l’Ukraine, alors que beaucoup de nos compatriotes vivent dans des conditions précaires scandaleuses. Et la situation ne s’améliore pas ! Stop à ces dépenses publiques injustifiées. La France a d’autes priorités : prendre soin des siens.


    • Maître Yoda Maître Yoda 24 janvier 12:50

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      N’oubliez pas, cher ami, que c’est votre responsabilité, en tant que « journaliste citoyen » de ne pas prendre les faits d’actualité au pied de la lettre. Bibi peut difficilement se cacher à partir du moment où Israël est la force dominante de la région. A contrario, la Russie contre tous les pays occidentaux n’apparaît pas tant que cela la force dominante, surtout devant les USA. Alors, il est possible dans ce cas de faire passer les vessies pour des lanternes.


    • @Maître Yoda

      Je comprends votre commentaire, sans y adhérer totalement. Benjamin Netanyahu et Vladimir Poutine sont sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI. Ce qui ne signifie pas qu’ils sont coupables des faits qui leur sont reprochés. La présomption d’innoncence est valable pour tous les deux. Il ne seront certainement jamais jugés. La Russie est une superpuissance et l’Etat d’Israël bénéficie de la protection des Etats-Unis qui sont également une superpuissance. 

      Je n’oublie pas non plus qu’un responsable du Hamas, certainement mort, est également sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humainité. La CPI devait faire bonne figure car elle est souvent accusée de faire preuve de complaisance envers des dirigeants islamistes de premier plan.


    • microf 24 janvier 14:01

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      Le Président Poutine ce « Mozart de la politique », est á la politique ce qu´était Mozart á la politique á savoir, un virtuose, vouloir le mettre au même pied que Zelensky, c´est vraiment oser.

      L´histoire est très récente, si l´Ukraine avait acceptée les offres que le Président Poutine lui avait faites pour ne pas joindre la sphère occidentale, offres Russes qui dépassaient de très loin les offres faites par l´Occident ( Usa-UE ), l´Ukraine
      n´aurait jamais été détruite, et l´Ukraine aurait encore tout son territoire.
      Après la fin de cette guerre, l´Ukraine ne retrouvera plus jamais ces territoires, qui est perdant la Russie ou l´Ukraine ?


  • ricoxy ricoxy 24 janvier 09:39

     

    L’Afrique reproche à la France son passé colonialiste. Mais en matière de cruauté et d’abominations, l’Afrique n’est pas la dernière.

     


  • microf 24 janvier 14:37

    Poutine un génie...

    Ces vidéos sont en Allemand, pour ceux qui ne pourront pas les suivre en Allemand, prière activer la fonction sous titres en francais.

    https://youtu.be/fcL_XddST04?si=KokYcWBHdzIbjRUD

    https://youtu.be/nvKYBzfbvDQ?si=gndRI4_v0DC_OfWS


  • Eric F Eric F 25 janvier 13:34

    La France l’a combattu, puis soutenu, puis reversé, elle a protégé ses successeurs qui l’ont finalement lourdée.

    Bon, chacun chez soi, on a toujours des déboires quand on se mêle des affaires d’autrui.


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