Dupont-Aignan considère qu’apprendre l’arabe mène au terrorisme
Nicolas Dupont-Aignan n'en finit pas de faire parler de lui – et il adore ça. L'ex futur Premier-Ministre a déjà défrayé la chronique à plusieurs reprises pour des propos et des opérations chocs : traverser la frontière avec une kalachnikov dans sa voiture, dénoncer le "changement de population", réclamer des sanctions contre la Tchétchénie (qui, rappelons-le, n'est pas un État indépendant) ou encore appeler à la destitution du président Macron.
Sa cible de choix se situe néanmoins chez une population dénuée de pouvoir : les Musulmans de France, dont il n'hésite pas à gonfler le nombre (avançant un chiffre de 12 à 15 millions). Opposé au port du voile, ennemi implacable du halal (qu'il dit combattre par "attachement à la cause animale") il est aussi opposé à tout usage (même familial) de la langue arabe. Il l'avait déjà fait savoir en 2015, quand il avait accusé Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l'Éducation, de vouloir introduire l'enseignement de l'arabe dans les écoles.
Rien n'a changé dans son discours trois ans plus tard. Réagissant au rapport de l'Institut Montaigne qui avait proposé d'introduire la langue arabe dans les programmes scolaires (proposition saluée par Jean-Michel Blanquer), Dupont-Aignan a tenu à marquer son refus de "l'imposition d'un arabe obligatoire à nos enfants", lors de son congrès tenu le 23 septembre dernier.
Invité sur les ondes de RMC mercredi dernier, le président de DLF a tenu à réaffirmer son opposition à cette mesure qui n'est encore qu'à l'état d'ébauche. D'après l'ex futur premier-ministre, la montée des communautarismes et de la délinquance serait liée au fait que l'on a "des enfants qui parlent mal le français".
Au journaliste qui lui demande si malgré tout l'arabe est une grande langue méritant d'être apprise, il se contente d'affirmer : "non, pas spécialement". Pour lui, le danger serait une situation "où l'on a des jeunes qui parlent arabe à la maison", augurant d'un "danger de l'islamisation de la France qui peut mener au terrorisme". Des propos qu'il tente d'édulcorer ce lundi face à Ruth Elkrief où il impute sa propre phrase à Jean-Jacques Bourdin auquel il n'aurait fait que répondre… A noter qu'il s'est même fendu d'une imitation (assez pathétique) de Bourdin. Il confirme cependant son opposition à la proposition du ministre Blanquer dont il fustige le bilan.
Dans les faits, l'arabe est déjà suivi par environ 35 000 écoliers en primaire où il est dispensé au même titre que le russe, le mandarin et le russe. Mais peu d'académies peuvent proposer ces enseignements : ce qui amène de nombreux parents désireux de transmettre l'enseignement de l'arabe à emmener leurs enfants dans des salles tenues par des prédicateurs hors contrôle de l'État et prêchant – parfois – une propagande clairement islamiste à leurs jeunes élèves. L'arabe est une langue présente en France et une future langue internationale. Dès lors, la question qui se pose n'est pas de savoir si les jeunes doivent ou non apprendre cette langue, mais s'ils doivent l'apprendre à l'école avec le contrôle de la République ou dans des salles tenues par des prédicateurs sur lesquels l'État ne peut exercer la moindre surveillance.
Les propos de Dupont-Aignan sur les liens entre langue arabe et terrorisme pourraient nous amuser s'ils n'étaient porteurs d'un profond mépris envers plusieurs millions de Français dont la langue maternelle est l'arabe – qu'ils parlent souvent à la maison, non par défiance ou par haine envers la France mais par simple attachement à leur essence ontologique. Tout comme l'auteur de ces lignes parle souvent le russe ou le géorgien avec sa famille (et avec son chat), ce qui ne fait pas de lui un mauvais Français.
Venir jusque dans nos maisons pour vérifier la langue que l'on y parle, voilà un trait typique de l'étatisme français. Ces enragés de la "Nation une et indivisible" qui demandent aux Bretons, aux Maghrébins et aux Asiatiques de renoncer à leur culture, y compris dans le cadre familial, sont les mêmes qui vont vous vanter le "courage" et la "détermination" des Québécois, des Acadiens, des Louisianais et autres francophones minoritaires ayant perpétué l'usage de leur langue malgré les pressions anglaises. Dans les milieux nationalistes, la "guerre des berceaux" est souvent évoquée avec fierté, on y voit un trait du "génie français" : cet épisode de l'histoire canadienne désigne une politique nataliste des colons francophones mettant un point d'honneur à avoir plus de naissances que les Anglais : de 15% de la population du Nouveau-Brunswick en 1871, les francophones représentaient 40% des habitants en 1960. Voilà qui ferait frémir nos Renaud Camus & Cie si des minorités ethniques agissaient de même en Europe.
Enfin, on s'étonnera de constater que parmi les partisans et chez les détracteurs de l'arabe à l'école, on n'évoque que les personnes d'origine maghrébine comme potentiels élèves. Les pays arabes étant porteurs de futurs développements économiques majeurs (l'Égypte serait en 2050 la 12ème puissance mondiale), il semble erroné de cantonner l'arabe à une langue d'immigrés déracinés : des Français sans lien aucun avec des pays arabophones peuvent très bien apprendre cette langue dont nul ne peut garantir qu'elle ne supplantera pas le mandarin et même l'anglais dans le domaine des affaires.