lundi 28 décembre 2015 - par Armelle Barguillet Hauteloire

Eloge de l’hiver

 Nous avons la chance d'habiter une région tempérée qui voit se succéder les saisons et varier les paysages. Il semble que ce qui était normal, habituel autrefois, le soit moins aujourd'hui, comme si le froid, la neige, le verglas n'étaient pas les conditions météorologiques habituelles en période hivernale. Alors oublions un peu les regrettables cafouillages et les désagréments qui surviennent fréquemment en ces mois de froidure et disons-nous que l'hiver est beau. Bien sûr il fait froid, bien sûr les routes sont parfois difficiles et dangereuses, bien sûr nous avons le bout du nez rouge, mais diantre ! que la neige est belle quand elle est là, que le froid est tonique et que les ciels semblent avoir été taillés dans le cristal !

Blanche la nature en hiver ? Oui ! Mais aussi verte, brune ou rousse, selon le lieu, la nature du sol, la végétation. Saison du froid, du givre et de la neige, l'hiver est aussi celle des fêtes. Elles sont nombreuses à parsemer le calendrier : Noël, la fête de l'enfance par excellence, celle de la naissance et de la re-naissance symbolisée par un Dieu qui s'incarne pour épouser notre condition, le Nouvel an qui marque le passage d'une année à une autre avec son cortège de voeux, l'Epiphanie et sa galette des rois, la Chandeleur et ses crêpes, Mardi-Gras et sa bonne table avant Carême, le Carnaval avec ses chars et ses masques et la Saint-Valentin avec ses billets doux. Autant de fêtes dont les racines remontent aussi loin que la mémoire des hommes et autant d'occasions de se réjouir ensemble.

Certes la nature paraît ensommeillée et comme immobile dans son corset de givre. Mais nenni, il n'en est rien ! Car, à l'abri des regards indiscrets, fleurs et plantes préparent patiemment le printemps et le spectacle de la nature ne fait relâche ... qu'en apparence. Regardez bien ! Ici une rose jette son ultime éclat ; là, un iris semble défier les frimas et bientôt les perce-neige, les crocus, le jasmin d'hiver feront leur apparition. Dans les arbres défeuillés, le gui vit toujours. Cette plante née des fientes des oiseaux est un des miracles de l'hiver, une trace de vie dans un univers glacé. Et si les fruits frais sont trop chers, profitons des fruits secs. Riches en protéines et en substances grasses, ils sont énergétiques et allient saveur et qualités nutritives. Quant aux légumes, ils ne manquent pas et sont peu coûteux. Ré-apprenons à cuisiner les lentilles, les choux, les endives, les poireaux, la pomme de terre, sans oublier le navet dont on disait jadis qu'il était l'allié idéal pour soigner les maladies de poitrine.

Quant à la galette des rois que l'on déguste volontiers les dimanches de janvier avec famille et amis, voici une recette simple qui vous prendra peu de temps à réaliser :

300g de farine - 150 g de sucre - 150 g d'amandes en poudre - 200 g de beurre - 4 oeufs

Mélanger la poudre d'amande et la farine. Ajouter le sucre, une pincée de sel, le beurre ramolli, les oeufs et un peu d'eau, puis travailler la pâte du bout des doigts. Avec un rouleau former la galette et y introduire la fève. Dorer au jaune d'oeuf le dessus de la galette et enfourner à four chaud pour environ 30 minutes.

 

L'hiver est une si belle saison qu'elle n'a cessé d'inspirer les artistes : les musiciens - pensons à Vivaldi et ses quatre saisons, Ravel et son Noël des jouets, Schubert et son Voyage d'hiver ; ainsi que les peintres depuis Brueghel l'ancien en passant par Arcimboldo, les impressionniste qui se sont plus à fixer sur leurs toiles les paysages enneigés, le norvégien Edvard Munch et les Japonais dont le thème des saisons se retrouve à la fois dans les peintures, les paravents, les portes coulissantes, les éventails. Les poètes ne l'ont pas dédaigné non plus, que ce soit Charles d'Orléans et son Rondeau de l'hiver, Théophile Gautier et son Bonhomme de neige, Pierre Emmanuel et son Adoration des bergers, Francis Jammes et son âne était petit, Jean Richepin et son Noël misérable, Guillaume Apollinaire et son Mardi-Gras ; enfin les écrivains ne l'ont pas mis sous le boisseau, depuis L'hiver chez les Scythes de Virgile jusqu'à Séraphîta de Balzac, Le voyage égoïste de Colette, Le petit jourde Marie Noël, La dinde de Noël de Moravia ou Un balcon en forêt de Julien Gracq.

 

Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L'hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.

Il chante d'une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants ;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps ;

Et comme Haendel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,


Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.

 Théophile Gautier

 

 Si les températures de l'hiver restreignent certains de nos loisirs pratiqués en extérieur, elles favorisent ceux qui sont liés à la neige et à la glace : le patinage et le ski. Les sports d'hiver ont connu un extraordinaire engouement depuis l'après-guerre et ont constamment su se renouveler avec l'apparition de nouvelles techniques et de nouvelles disciplines. Aucun sport d'été n'en égale la saine et parfaite volupté. C'est la mort de la neurasthénie, la ruine des médecins, le krach des drogues. Un week-end à la montagne suffit à booster votre énergie pour le restant de l'hiver.

Quant aux mots de l'hiver, ils émaillent nos proverbes et nos dictons. Lorsque l'année commence, regardons bien le ciel. Cela nous permettra de savoir ce que seront les conditions météorologiques de l'année à venir. C'est du moins ce que prédit le dicton : Les douze premiers jours de janvier indiquent le temps qu'il fera les douze mois de l'année. Et ce que confirme cet autre : Les jours entre Noël et les Rois indiquent le temps des douze mois.

En janvier, un temps doux n'est apprécié que des citadins. A la campagne, cela n'augure rien de bon. Un mois de janvier sans gelée, n'amène guère une bonne année. Ou : Il vaut mieux voir un voleur dans son grenier qu'un laboureur en chemise en janvier. Le jour de la Saint Vincent ( 22 janvier ) est un jour important en zone rurale : c'est la fête des vignerons. Il semblerait que ce jour-là, l'hiver hésite : soit il s'achève, soit il redouble. A la Saint Vincent, l'hiver monte ou descend. Ou : A la Saint Vincent, tout dégèle ou tout fend.

Alors ... JOYEUX HIVER !

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE



13 réactions


  • Le p’tit Charles 28 décembre 2015 10:35

    Notre planète est vivante simplement et l’homme ne pourra jamais influer sur les saisons et l’évolution du temps, ceux qui disent le contraire sont des menteurs.. !


  • Pere Plexe Pere Plexe 28 décembre 2015 10:55

    Dire qu’il en est qui sont réfractaires au charme bucolique du général Hiver...

    Ah les cons !


  • Vipère Vipère 28 décembre 2015 11:19

    Vivre toute l’année au soleil et me passer des charmes de l’hiver !

    Ne voir l’hiver que sur les sommets de l’Himalaya sans jamais y mettre les pieds.

    Ne plus devoir chauffer mon toit durant 7 mois sur 1, et ainsi faire de grosses économies de chauffage.

     Ne plus savoir que des gens meurent de froid l’hiver dans nos rues sans être secourus.

    Pour toutes ces raisons j’échangerai les beaux hivers du monde contre un beau soleil et quelques pluies.


    • Pere Plexe Pere Plexe 28 décembre 2015 23:04

      @Vipère
      Vous n’êtes,comme moi, qu’un rustre hermétique au charme romantique de cette saison qui serait née de la tristesse de Déméter.

      Au prétexte un peu léger que ce romantisme de bazar n’est l’oeuvre que de personnes confortablement installées et n’ayant rien à craindre des morsures de l’hiver. Qui accessoirement oublie avec désinvolture ceux qui en souffre voir en meurt.

      D’autres sont fascinés par la beauté hypnotique d’un bel incendie.

    • alinea alinea 28 décembre 2015 23:40

      @Vipère
      Oui mais l’hiver est plus qu’utile : indispensable ; dans nos pays tempérés, s’il manque l’hiver, c’est la vermine qui prolifère ; toutes les plantes ont besoin de ce repos pour repartir de plus belle au printemps !
      pour que les gens ne meurent pas dans les rues, il ne faut pas tuer l’hiver, il faut juste les loger !
      Pourquoi faire des économies ? Pour enrichir les banques ? sinon, isoler, ne pas tout chauffer, réduire son espace, avoir de bonnes chaussettes et un super pull confortable !
      Sinon, il y a l’Afrique !!! smiley


    • TSS 29 décembre 2015 20:57

      @Vipère

       Ne plus savoir que des gens meurent de froid l’hiver dans nos rues sans être secourus.

       Il meure plus de gens dans la rue l’été que l’hiver,seulement cela se voit moins... !!


  • Emin Bernar Emin Bernar Paşa 28 décembre 2015 16:49

    James Joyce a écrit ceci sur la neige dans la nouvelle The dead de son livre Dubliners : la dernière phrase est sublime :


    It was falling on every part of the dark central plain, on the treeless hills, falling softly upon the Bog of Allen and, farther westward, softly falling into the dark mutinous Shannon waves. It was falling, too, upon every part of the lonely churchyard on the hill where Michael Furey lay buried...His soul swooned slowly as he heard the snow falling faintly through the universe and faintly falling, like the descent of their last end, upon all the living and dead. 

  • Vipère Vipère 28 décembre 2015 17:10
    Le Mort (extrait), par James Joyce.

     

    Des larmes de générosité lui montèrent aux yeux. Il n’avait jamais rien ressenti d’analogue à l’égard d’aucune femme, mais il savait qu’un sentiment pareil ne pouvait être autre chose que de l’amour.

    Des larmes coulèrent de ses yeux, et dans la pénombre il crut voir la forme d’un jeune homme debout sous un arbre, lourd de pluie. D’autres formes l’environnaient. L’âme de Gabriel était proche des régions où séjourne l’immense multitude des morts. Il avait conscience, sans arriver à les comprendre, de leur existence falote, tremblotante. Sa propre identité allait s’effaçant en un monde gris, impalpable : le monde solide que ces morts eux-mêmes avaient jadis érigé, où ils avaient vécu, se dissolvait, se réduisait à néant. Quelques légers coups frappés contre la vitre le firent se tourner vers la fenêtre. Il s’était mis à neiger. Il regarda dans un demi-sommeil les flocons argentés ou sombres tomber obliquement contre les réverbères. L’heure était venue de se mettre en voyage pour l’Occident. Oui, les journaux avaient raison, la neige était générale dans toute l’Irlande. Elle tombait sur la plaine centrale et sombre, sur les collines sans arbres, tombait mollement sur la tourbière d’Allen et plus loin, à l’occident, mollement tombait sur les vagues rebelles et sombres du Shannon. Elle tombait aussi dans tous les coins du cimetière isolé, sur la colline où Michel Furey gisait enseveli. Elle s’était amassée sur les croix tordues et les pierres tombales, sur les fers de lance de la petite grille, sur les broussailles dépouillées. Son âme s’évanouissait peu à peu comme il entendait la neige s’épandre faiblement sur tous l’univers comme à la venue de la dernière heure sur tous les vivants et les morts.

    Extrait de « Le Mort », in Gens de Dublin, Paris, Plon-Nourrit, 1926.


    • Emin Bernar Emin Bernar Paşa 28 décembre 2015 17:20

      @Vipère

      merci ! 
      Hélène Cixous avait publié une belle traduction de The dead dans les années 60... 




    • bakerstreet bakerstreet 29 décembre 2015 17:51

      @Vipère
      Ce qui me rend malade, c’est d’avoir lu tout ça, et de ne plus m’en rappeler. Les classiques, y a pas que ça, mais faut avouer qu’ils prennent de la place, et vous formatent sereinement. Un peu comme un tapis de neige, avec le bruit des chaussures qu’on secoue avant d’entrer dans la maison, le feu qu’on fait repartir avec une bûche bien posée. Gestes millénaires, classiques eux aussi. L’empreinte de ceux qui sont passés avant nous alimente. J’ai relu « guerre et paix », un des plus beaux livres qui soit. Les traîneaux qui glissent sur la neige pour aller à la messe du minuit. Les cousines serrées contre nous sous la pelisse, alors que les clochettes des chevaux tintillonnent, remettant le souci des armées napoléonniennes qui avancent à demain ; Il faudrait que jamais ce traîneau n’arrive. . 

      « La montagne magique » de Thomas Mann contient aussi des splendeurs neigeuses, des solitudes glacées, des chemins de pistes difficile à trouver, surtout quand la tempête de neige arrive, et qu’on réalise qu’on a été trop loin, tout à l’exaltation. Je reviens tous les trois ou quatre dans ce sana suisse, ou le cousin de Hans Castorp n’en finit pas de mourir, et où Claudia Chauchat vous convie à regarder ses radios pulmonaires quand elle vous a à la bonne. 


  • Vipère Vipère 28 décembre 2015 17:28

    Très belle traduction en effet !

    L’appel de l’Abbé Pierre ne prend pas de rides non plus... rien n’a changé depuis l’hiver 54, alors s’il ne neigeait plus jamais, ni ne faisait jamais plus froid dans nos régions tempérées ce serait une véritable bénédiction. On croise les doigts !

    L’appel de l’abbé Pierre :

    https://www.youtube.com/watch?v=T14tzxqAAT0


  • COVADONGA722 COVADONGA722 28 décembre 2015 23:11

     yep


    mon beau pays par l’hiver soumit
    quand reverrons nous l hirondelle
     blanche au ventre et noire aux ailes 



    G Servat

  • Jean Keim Jean Keim 29 décembre 2015 12:50

    J’adore les perspectives de l’hiver en forêt, sans taon, tique ou moustique, vive l’hiver et sa suite dans le printemps.


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