En passant par là...
J’ai soutenu Agoravox depuis février 2008 et publié au total 65 articles ce qui est peu sur cette durée par rapport à d’autres contributeurs. J’en ai modéré dix fois plus : 656 exactement, pour en accepter indépendamment de mes convictions 348, surtout des articles documentés et de réflexion plutôt que d’opinion, et j’en ai refusé 308 qui étaient mal écrits avec des fautes d’orthographe, vraiment trop brefs ou trop longs, ou dénués d’argumentation vérifiable et information nouvelle pouvant intéresser le plus grand nombre. L’utilité d’Agoravox est pour moi de favoriser les échanges et la réflexion entre les citoyens pour entretenir la vie démocratique et le respect de chacun.
Or mon expérience sur presque 10 années m’incite à penser qu’il serait utile que la rédaction, les modérateurs et les lecteurs sincères sortent enfin la tête du sable pour ne plus accepter qu’un article correctement écrit et documenté, capable de susciter une réflexion, notamment différente de ses opinions personnelles, soit aussitôt attaqué sur le site par des trolls confus, haineux et stupides incapables d’écrire eux-mêmes des articles cohérents que d’ailleurs ils n’écrivent jamais. Leurs méthodes sont parfaitement connues : il s’agit d’attenter à la réflexion d’autrui pour faire croire qu’ils en ont une, et distiller leur venin. Cela s’apparente à la perversion narcissique, l’un des fléaux méconnus de nos sociétés que l’internet a probablement amplifié.
Ce phénomène qui a été dénoncé ici à plusieurs reprises par de nombreuses personnes est en réalité un attentat contre la pensée et les liens constitutifs de l’humanité dont la destruction conduit à la barbarie. Certains évoqueront bien sûr la sacro sainte liberté d’expression qu’il ne faudrait surtout pas limiter sous peine de la faire disparaitre pour ressusciter les ciseaux d’Anastasie. Malheureusement pour eux c’est le contraire qui est vrai : la liberté sans limites n’existe nulle part et n’a jamais existé dans l’histoire, car alors pourquoi n’est-on pas libre d’attaquer son voisin ? La confiance est l’un des fondements de la société mais la liberté sans règles n’est qu’un fantasme.
C’est pourquoi je propose qu’après le dépassement d’un certain quota de commentaires disponibles pour tous (à déterminer), le nombre des commentaires suivants soit lié, d’une façon qui reste à inventer, avec le nombre d’articles publiés. Ainsi chacun serait invité à faire l’expérience de l’écriture, qui suppose un vrai travail, mais aussi des réactions que cela suscite, (lesquelles en demandent souvent beaucoup moins), tout en pouvant expérimenter plusieurs places : lecteur, écrivain, commentateur, avec au final une incitation à écrire en respectant les règles du site et les contributeurs.
Mais il ne semble pas souhaitable que certains puissent s’inscrire sous des identités multiples et/ou successives dans le seul but de poster une kyrielle de billevesées méprisantes. Des limites claires à ce trafic malhonnête doivent être posées. On pourrait envisager qu’avec l’inscription sur le site il soit nécessaire pour activer celle-ci d’approuver une charte claire rappelant les règles de celui-ci dans le but de responsabiliser davantage les adhérents.
Un délai d’un jour ou deux entre le fait de s’inscrire et de pouvoir concrètement commenter un article qui vient juste de paraître éviterait des inscriptions faites uniquement pour troller celui-ci puisqu’au bout de cette durée il n’est généralement plus aussi visible, mais cela n’empêchera pas certains de rester à l’affût pour faire un carton comme à la fête foraine les jours suivants puisque quelques uns sont là uniquement pour ça, dans une posture polémique et idéologique permanente.
Le fait qu’il puisse exister des milliers, voire des dizaines de milliers de commentaires postés par une seule personne en un temps réduit confirme bien que ce qui est excessif est insignifiant. Mais c’est aussi ce qui instaure la seule véritable censure, celle que chacun doit subir par impossibilité à trouver une place au milieu d’une foire d’empoigne logorrhéique faite de réponses et d’invectives émotionnelles réitérées. Il est d’ailleurs patent que les personnes opposées à toute forme de limitation du droit d’expression sont aussi celles qui empêchent le plus les autres de s’exprimer.
Quant à la notation des articles je ne la trouve personnellement pas très utile. Elle entraîne en général des effets moutonniers souvent exagérés. Certains se font d’ailleurs une spécialité de poster le premier commentaire de l’article pour se retrouver en tête de gondole et inciter un groupe de convertis à voter en douce pour eux et comme eux ce qui ne favorise guère les débats.
Récemment les responsables d’Agoravox ont appelé à des aides financières pour soutenir ce projet, ce qui est tout à fait légitime, mais personnellement, après avoir déjà contribué, je souhaite des garanties meilleures allant dans le sens de modifications du site que beaucoup désirent. Et il semble évident que cela va de pair avec une éthique éditoriale plus ferme et une meilleure responsabilisation des participants.
J’espère que ces quelques idées qui viennent après celles bienvenues de Moderatus Graal et Abou Atoun, pourront être utiles et que d’autres feront avancer ces questions qui demandent réflexion. Mais je ne saurais trop insister sur l’utilité de prendre le risque d’en faire part publiquement ici au lieu de seulement noter ce billet en passant, ce qui est dénué d’intérêt. Et finalement je retiendrai de cette modeste expérience que « la critique est aisée mais l’art difficile ».
Bien à vous.