mardi 26 septembre 2017 - par C’est Nabum

Entre Loire et Loiret : 1

Carnet de bord et de doute

1 Le filage

Après plusieurs semaines de répétitions pour donner naissance à une cinéscénie, ce soir-là, c’est le fameux filage, la couturière comme la nomme les gens de théâtre. Il fait un temps épouvantable pour ce spectacle qui se déroule en plein air. Le vent par rafales, la pluie et le froid sont au rendez-vous. Les figurants, pour la plupart, ont renoncé aux costumes, préférant se calfeutrer sous des vêtements imperméables.

J’arrive en avance et je trouve que la mise en place est particulièrement laborieuse, comme si, il convenait de repousser le plus possible, la confrontation à la réalité. La suite me prouvera que l’inquiétude expliquait sans doute ce comportement à l’approche d’une échéance qui s’impose à tous dans une impréparation évidente.

La répétition n’a pas encore débuté. Les palabres se multiplient ici et là, les accessoiristes s’affairent, ils ont tant à préparer et rien n’a encore été mis en situation. Sur la rivière Loiret, les mariniers découvrent le ponton et la réalité d’une navigation qui ne sera pas simple ; la vase limite l’utilisation de la bourde, les algues rendent inopérants les moteurs. Tout le monde est dans l’expectative.

La répétition finit par commencer avec les limites dues au contexte. Le vent interdit de déployer le grand écran, les repères visuels ne seront pas au rendez-vous. Les lumières n’ont pas toutes été installées, le crépuscule éclairera les acteurs. Seule la bande son est prête, elle effraie les chevaux et les ânes, elle ne parvient pas aux oreilles des acteurs qui sont en périphérie de la scène. Tout cela nous contraint de nous jeter à l’eau, les yeux fermés.

Rien ne coule finalement mis à part le groupe des jeunes danseuses qui elles, ont préparé à la perfection leur passage. Après elles, tout semble laborieux, incertain, approximatif ou pire encore. Je suis effaré tandis que le metteur en scène reste d’un calme olympien. Il explique une nouvelle fois, corrige, module, appelle ceux qui ont oublié d’intervenir. Il faut couper, reprendre, interrompre et refaire. J’ai comme un doute : comment est-ce possible que le spectacle puisse être proposé au public dans deux jours ?

Le vent et la pluie n’arrangent rien. La scène semble être le décor d’un désastre annoncé. Je suis emmitouflé dans ma longue cape, seul dans les gradins à observer ce qui ne parvient pas décoller. Le temps passe, les arrêts sont innombrables, les erreurs et les difficultés s’accumulent. Le metteur en scène reste imperturbable. Je l’envie tandis que je me demande ce que je suis venu faire dans cette galère. Suis-je le seul à craindre le pire ? C’est possible, ceux qui ont déjà participé à d’autres spectacles s’amusent des atermoiements du jour !

L’heure passe, la répétition semble envasée sur des tableaux qui restent figés. Le ciel donnera le coup de grâce. La filage se défile, la pluie a gagné la partie. Sept heures après mon arrivée, je repars sans avoir répété mon intervention. J’ai des inquiétudes que veut atténuer l’organisateur. Il m’affirme que c’est ainsi chaque année et que le miracle aura lieu par la baguette magique du public. Je m’efforce de le croire. J’envie son calme et son optimisme. À sa place, je serai décomposé.

Demain sera un autre jour et la Générale sera le premier juge de paix. Je ne dois pas m’en faire. De toute manière, il faudra bien que ça passe …

Inquiétudement leur



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