vendredi 27 janvier 2017 - par chems eddine Chitour

Epître à la jeunesse désemparée : Un cap et une ambition pour le pays

« Si vous voulez vivre une vie heureuse, attachez-la à un but, et non pas à des personnes ou des choses. »

Albert Einstein

L'Algérie a été éliminée de la coupe d'Afrique ! La CAN-2017 ne restera certainement pas gravée dans les mémoires des Algériens. En effet, les Verts reviennent à la maison, bredouilles, après seulement trois matchs de phase de poule, loin de montrer un niveau digne d'une équipe qui dominait le football africain, il n'y a pas si longtemps. C'est la fin du monde mise en scénario par les réseaux sociaux, seul espace d'expression des jeunes qui y déversent leurs espoirs, leurs joies et leurs peines. A croire que le monde va s'arrêter de tourner maintenant que l'Algérie a été éliminée ! Les idoles sont démolies à qui mieux mieux, les entraîneurs désignés comme coupables et les organisateurs de cette Berezina-prévisibles- commencent à se défausser les uns sur les autres.

C'est donc comme un « seul homme » que tous les journaux arabophones ou francophones se sont mis à analyser chaque phase du match avec des spécialistes de tout poil, que l'on retrouve pour certains, en train de vitupérer sur les plateaux de télévision qui leur offrent des heures entières pour nous expliquer pourquoi nous devions perdre ! Dans tout cela quelles sont les victimes et les plus meurtries ? Sont-ce les joueurs de cette équipe off-shore qui a tôt fait de rejoindre leurs pénates en France et ailleurs, pour continuer leur carrière. Le temps d'une permission, ils sont venus constituer une Equipe nationale de l'Algérie, prendre leurs dîmes au passage et retourner chez eux. Dans cette débâcle, on apprend que l'entraîneur belge- payé à prix d'or - a décidé de démissionner.

Au lieu de dédramatiser et de donner aux jeunes des raisons d'espérer dans le futur en ne caressant pas dans le sens du poil cette footballisation de leurs esprits, les médias curieusement entretiennent la situation parce que d'une façon ou d'une autre, le foot est un marché. Il y a celui qui en tire profit d'une façon démentielle, je veux parler des joueurs, mais il y a aussi tous ceux qui gravitent autour d'eux. Il y a fort à parier que l'expédition et la débâcle africaine de l'Equipe nationale aurait coûté pour tout ce beau monde (joueurs, soigneurs, entraîneurs, officiels..) plusieurs centaines de milliers d'euros sans compter les frais pour les stages de regroupement, les entraînements à l'étranger, et ce qui va avec.

Comme tous les pays en développement, le foot tient une place centrale dans l'imaginaire des jeunes qui n'ont que cela comme divertissement.Nous l'avons vu avec un certain match Algérie-Egypte, qui a failli amener la rupture des relations diplomatiques. Pour le sociologue Zoubir Arrous, le foot n'est plus un jeu sportif, mais plutôt un enjeu politique et financier. (..) Ainsi, nous pouvons dire qu'il y a, dans le cas de l'Algérie, un véritable conflit entre le stade et la mosquée. La paix sociale grâce au foot ne dure pas dans le temps. L'après-match ou l'après-foot est la période la plus dangereuse sur le plan social. Le citoyen revient à son état normal et parfois critique. Le foot peut faire l'objet d'un contrat social dans les sociétés qui n'ont pas de crise et qui ne cherchent pas de changement. Le foot est aujourd'hui devenu « la nouvelle religion ».

On est loin de l'aspect noble du sport. Le sport pour le sport, l'art pour l'art. On peut penser valablement que cette dimension du sport pour le sport avec les « magiciens » du ballon comme Di Stefano, Kopa, Pélé, Garrincha, Mustafa Zitouni de la glorieuse équipe du FLN et tant d'autres, s'est arrêtée avec, il y a une vingtaine d'années, pour laisser place au vedettariat au petit pied et aux salaires démentiels. Nous pourrions ajouter aussi l'art et la beauté des mathématiques : on rapporte que le mathématicien russe, Grigori Perelman,- qui vit avec sa mère, comme un ermite, à Saint Petersbourg, a refusé le prix d'un million de dollars. qui lui était attribué par l'Institut mathématique Clay - équivalent du prix Nobel -pour avoir prouvé l'hypothèse de la conjecture de Poincaré.

Dans le même ordre, l'Algérie a subi un véritable affront en pensant qu'elle pouvait organiser la coupe CAN 2017. Elle fut torpillée par les fausses promesses de Hayatou reçu avec le tapis rouge à Alger mais aussi par un lobbying au rabais et les rodomontades de nos « ambassadeurs » qui ont pris l'habitude de ne pas rendre compte comme pour la débâcle de Rio comme cela se fera certainement pour l'élimination actuelle de l'Algérie de la coupe Cela rappelle la débâcle de l'Algérie aux derniers jeux de Rio qui a débouché sur un non-lieu. Ni compte rendu ni sanction, Tout va bien madame la marquise.

Mieux encore ! Dans ces conditions en Algérie, la question qui se pose est encore une fois : « Quand est-ce que nous pourrons et devrons réhabiliter l'effort, le travail bien fait, la sueur, en un mot le mérite pour que l'Algérien puisse montrer la mesure de son savoir, de son savoir-faire et aussi de son savoir-être ? Une ère de ressourcement avec au préalable une introspection, un état des lieux sans complaisance où chacun est comptable de ses actes est plus que jamais nécessaire. Nous n'avons pas le choix si nous voulons ré-étalonner les valeurs fondatrices d'une société harmonieuse où chacun est apprécié à sa juste valeur et non pas à sa capacité de nuisance ou sa naissance.

Le financement du sport par l'Etat : Un tonneau des Danaïdes sans résultat

Décidément en Algérie nous ne faisons que singer sans aucun apport ou critique. On dit en Algérie, que nous allons vers le professionnalisme ! Nous n'avons pas la frousse des mots ! Nous n'arrêtons pas de singer les pays occidentaux pas dans le travail, la recherche, mais dans tout ce qu'il y a de plus éphémère. Quelle est la valeur ajoutée pour le pays d'un joueur par rapport à un universitaire besogneux qui doit se réincarner à titre d'exemple, plusieurs fois pour atteindre la prime donnée en une fois à un joueur lors de cette Coupe du monde ? Les seuils atteints par les salaires dans le championnat national de football professionnel dépassent l'entendement et échappent à toute forme de contrôle, alors que l'Etat continue à subventionner les clubs. L'écrasante majorité des clubs n'engrange aucun bénéficie lié à leur activité. Pire, ils sont déficitaires à cause, principalement, de leur politique salariale loin des normes et comptent naturellement sur l'Etat pour éponger leur déficit.

Le football professionnel, est un gouffre, comme l'attestent les chiffres. Les seuils atteints par les salaires dans le championnat national de football professionnel dépassent l'entendement et échappent à toute forme de contrôle, alors que l'Etat continue à subventionner les clubs. Pourtant, l'Etat a tout fait pour maintenir à flot ces clubs qui rivalisent dans les salaires à des performances nulles. Regardons l'Equipe nationale, elle est constituée presque totalement de jeunes Français qui ont été formés dans des vrais clubs professionnels, alors ça sert à quoi de laisser un pousse ballon goinfre en finance incapable de faire une formation de qualité faite d'efforts, de sueur au lieu des people actuels qui font de la compétition dans le m'as-tu vu, les cheveux en crête, et multicolores... ?

Où sont les résultats des argents distribués par le Fonds de soutien public aux clubs professionnels de football. Ce fonds finançant les dépenses des clubs se rapportant à l'édification des centres de formation, la prise en charge des jeunes, ainsi que les déplacements des équipes dans les compétitions internationales. » Rien de tout cela !
Notre Equipe nationale est encore et toujours une équipe off shore. Où sont les investissements concernant la formation des jeunes footballeurs ?

Depuis 1980 nous n'avons fait que bricoler sauf que cette fois-ci c'est avec l'argent du contribuable. C'est un très mauvais signal pour la société et l'éducation, le sponsoring actuel à des clubs qui ne prouvent rien. Certains mêmes sont menacés de relégation. On comprend alors, l'illusion de l'éducation, notamment dans les pays du Sud où l'éducation est la dernière roue de la charrette. Elle ne joue plus son rôle d'ascenseur social et ne discrimine plus entre « ceux qui jaillissent du néant » et les laborieux et les sans-grade qui cumulent en une carrière ce que perçoit un joueur en une saison. Gangrené par la corruption qui se niche à tous les niveaux, rongé par la violence, le football national touche le fond.

Le fin mot de l'affaire est qu'on ne peut pas donner une visibilité réelle à la pratique du football en général avec une équipe off-shore fruit de débauchage de jeunes bi-nationaux non retenus en France dans les équipes françaises. J'ajoute que le logiciel du sport en Algérie est obsolète et l'on se contente de gérer les problèmes sans imagination sans ambition et plus certainement, sans cap. Dans le monde du sport, chaque pays a ses champions même s'il les achète (body shopping) comme le fait le Qatar à coup de millions d'euros et leur donne des primes importantes pour toute médaille aux Jeux olympiques. A l'inverse, au Royaume-Uni, La prime est de 0 euro. On le voit, la symbolique donne une valeur supplémentaire à la médaille d'or, car les athlètes se battent pour l'image de marque et la dignité de leur pays. En Algérie, certains athlètes sont loin de l'humilité et réclament chaque fois des moyens et des primes. Aux derniers jeux de Londres, un athlète a reçu trois primes conséquentes plus quelques cadeaux invisibles. Cela représente le salaire moyen d'un enseignant algérien pendant 10 ans.

Pour un renouveau du sport en Algérie : miser encore et toujours sur la jeunesse

Devons-nous continuer à foncer dans le brouillard sans aucun cap ? En Algérie, le sport est encore une vue de l'esprit A-t-on vu le ministère de la Jeunesse et des Sports mobiliser sainement la jeunesse dans des activités sportives intellectuelles, et ludiques ? A-t-il les moyens de sa politique ? Que fait le ministère de la Jeunesse et des Sports pour le vivre ensemble ? Nous devons faire un bilan sans complaisance... A-t-on vu des sponsors donner de l'argent à la jeunesse, aux sports collectifs plutôt qu'à 23 joueurs, dont la valeur ajoutée est hautement discutable en termes symboliques. Le ministère de la Jeunesse et des Sports devrait être la cheville ouvrière de la mobilisation de la jeunesse et de tous les sports.

Nous avons toujours travaillé dans l'éphémère. Pourquoi ? le sentiment national a disparu. Nous avons l'impression que le ministère de la Jeunesse et des Sports se résume à celui d'une Equipe nationale pratiquement off-shore. Même les médias ne mettent pas en valeur les autres sports collectifs et encore moins l'athlétisme. Le sport devrait être pratiqué d'une façon intensive dans le système éducatif. Faut-il rappeler que l'immense majorité des athlètes américains provient des universités. C'est l'unique façon de reconquérir la jeunesse et d'aller à travers des milliers de compétitions vers une réelle visibilité de l'Algérie. A-t-on vu le sport à l'école et à l'université, l'organisation d'un championnat inter -wilaya, région, lycée, national ? A-t-on vu des compétitions, des jeux d'échecs, de robotiques ?

Avec seulement 11 millions de jeunes du système éducatif nous aurions pu construire un système sportif. Qui empêche le système éducatif dans son ensemble de s'organiser pour la journée de l'arbre, 11 millions d'élèves et d'étudiants c'est 11 millions d'arbres potentiels. C'est cela, par le vivre ensemble et la connaissance de l'Algérie profonde à travers les compétitions, l'unique façon de reconquérir la jeunesse et d'aller à travers des milliers de compétitions vers une réelle visibilité de l'Algérie. Les chantiers de jeunes sont une expérience inoubliable pour les adolescents... ces chantiers leur permettent de s'associer à des projets vraiment utiles. Les chantiers de volontariat peuvent et doivent occuper sainement les jeunes en les faisant participer à la réalisation de biens communs ! Ils peuvent travailler à la rénovation des monuments, mettre en place d'une façon pérenne le reboisement de millions d'arbres chaque année. Chaque wilaya devrait construire son auberge de jeunesse. Faire un concours architectural pour définir un plan type qui sera décliné selon les différentes régions. Dans ces auberges « vertes », tout sera fait pour le développement humain durable.

Le sport de l'élite du pays ne pourrait surtout pas provenir principalement du système éducatif. Le signal de base est la performance, mais aussi la nécessité de brassage avec un message sous-jacent, l'hymne national, les valeurs, les principes fondamentaux du pays. Les compétitions individuelles pourraient être récompensées pas seulement d'une façon pécuniaire, mais d'une façon honorifique. Il existe une dizaine de sports de masse qui sont à notre portée. Ils pourront aussi contribuer au brassage tant désiré.

L'investissement des entreprises dans le sport est aussi un enjeu crucial pour le pays : il allègera la dépense publique, créera des emplois et de la richesse et pourrait représenter un soutien important à la stratégie de développement. La législation relative aux avantages fiscaux accordés aux entreprises qui investissent dans le sponsoring n'est plus adaptée à l'environnement économique actuel ; il est nécessaire de l'adapter. Il est temps de solliciter les mécénats divers et vectorialiser les aides vers les choses utiles et rassembleuses.

Nous sommes dans l'attente d'un ressourcement salutaire du pays autour des vraies valeurs pour retrouver le feu sacré des Mustapha Zitouni, des Rachid Mekhloufi, de l’Equipe mythique du FLN et de tant d'autres, ces guerriers du ballon qui ont abandonné un statut de stars en France et ont porté haut et fort la voix de l'Algérie sur les terrains et gagné la majorité des 80 matchs au nom du de la Révolution et du peuple algérien.

Ce n’est pas passé de mode voire pour être dans l’air du temps être ringard que d’aimer son pays ! Nous devons réhabiliter le patriotisme sous toutes ses déclinaisons et inculquer aux jeunes le devoir pour un drapeau à l'instar des Madjer, Belloumi Assad, Merzekane qui ont donné au football algérien ses lettres de noblesse avec des maillots de la Sonitex et comme prime qui un réfrigérateur, où une chaîne steréo Eniem, ou encore une télévision Enie. Ces guerriers du ballon qui ont battu avec élégance et détermination la grande Allemagne qui gagnera la Coupe du monde 1982 sont des exemples à rappeler aux jeunes

C'est dire si le drapeau et l'hymne avaient un signifiant. Les marchands de rêve qui nous ont amené les Messi, les Maradona dont on a acheté à prix d'or leur déplacement en Algérie ont rendu un très mauvais service à l'Algérie de ce XXIe siècle qui a besoin de guerriers dans tous les domaines. Nous devons cesser de travailler dans l'éphémère et remettre à l'honneur le patriotisme, puissant élément fédérateur qui permettra de donner un cap à la jeunesse traversée par différents courants. A nous de l'inciter à l'effort, au dévouement suprême qui ne doit pas être synonyme de marchandage. Pour cela, tout doit être remis à plat. Les jeunes doivent être partie prenante d'un cap à définir.

Tout n'est pas perdu pour autant, les équipes nationales militaires font des miracles à l'extérieur. Naturellement, les médias les zappent à tort et rien n'est fait pour qu'elles soient des exemples à suivre. Ces athlètes militaires qui font honneur au pays, même dans le football, se font payer avec une monnaie autrement plus noble : le patriotisme. C'est avec fierté que nous apprenons l'ouverture aussi d'Ecoles pour cadets, filles et garçons, et dans cette optique, ce que fait l'Armée dans le cadre du Service national doit être encouragé et renforcé. Car il participe encore une fois au vivre ensemble dans ce cher pays qui nous contemple du haut de ces trois mille ans d'histoire. La citation d'Einstein est tout à fait appropriée. Il faut donner un cap à cette jeunesse qui ne demande qu'à espérer. Ne la décevons pas !

S’il faut reconstruire à la fois le sport algérien, une équipe avec des autochtones , il est nécessaire de « libérer » de fond en comble les instances sportives de tous ceux qui à des degrés divers sont responsables du coma du sport algérien. Il nous faut aussi faire en sorte que les jeunes soient vaccinés contre les logorrhées journalistiques qui non seulement inondent les jeunes de fausses informations sans professionnalisme mais aussi et c’est le plus graves sont responsables de l’anomie cérébral qui fait que l’échec dans un match de foot est vu comme une calamité.

Pour cela il faut développer un contre-discours réaliste basé sur la nécessité de l’effort et le vivre et faire ensemble. On l’aura compris ceci aura une chance de réussir dans la durée que si le regard des pouvoirs publics change sur les hiérarchies sociales actuellement en miette, et qu’il faut reconstruire en récompensant l’effort, le mérite, la valeur ajoutée qui n’est pas forçément indexée sur le profit mais sur la satisfaction d’avoir été utile et d’avoir fait ce qui est attendu de lui par la patrie sans rien attendre en retour, si ce n’est d’avoir participé au rayonnement de l’image de marque de son pays. C’est cela le patriotisme ciment d’une Nation en perpétuelle construction ayant une forte volonté intégratrice

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/259114-un-cap-et-une-ambition-pour-le-pays.html




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